Le 16 avril dernier, le premier ministre Jean Charest a appelé, lors d'une conférence sur le Plan Nord, à la dénonciation de l'intimidation et de la violence dans la lutte que mènent les étudiants depuis huit semaines contre la hausse des droits de scolarité, relayant ainsi une idée tenace véhiculée par les médias à propos du mouvement étudiant, à savoir que les débordements constituent la norme et le moyen principal de la contestation.
Devant les récents cas d'intimidation qui ont causé des remous dans les écoles secondaires du Québec, la population québécoise est hautement sensible à ce phénomène qui doit être dénoncé et combattu avec sérieux. Or, profitant de cette sensibilité populaire, le gouvernement procède de façon insidieuse à un déplacement et à une récupération politique qui doit être dénoncée avec tout autant de sérieux: la population universitaire n'est pas composée de bullies adolescents, mais bien d'étudiants adultes, dont la pratique quotidienne consiste à opposer des idées et des discours par la puissance de l'argument plutôt que par la force brute.
En associant l'ensemble du mouvement étudiant à ce type de comportements puérils et évidemment répréhensibles, le gouvernement s'attire bassement la sympathie populaire pour mieux nous discréditer et nous museler en minant la légitimité de nos actions et de nos revendications. Cette récupération déjà préoccupante sert des fins encore plus dangereuses: elle donne un vernis de légitimité aux politiques et aux mesures répressives adoptées par les administrations universitaires qui se multiplient depuis quelques semaines (injonctions, bâillons, menaces explicites et implicites d'arrestation intimées aux grévistes, mirage de reprise de cours obligatoire, désinformation, etc.).
Cet attirail met directement en péril la mission même de l'université et entrave le climat de liberté et de collégialité nécessaire à la recherche et à la transmission des savoirs. Cela est très grave et doit cesser immédiatement.
Gardes et matraques à l'UdeM
Le cas de l'Université de Montréal est éloquent à cet égard. L'esprit de l'injonction demandée par l'administration le 11 avril dernier et entérinée par une entente avec la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal (FAECUM) a été détourné de façon à instaurer un climat de répression et de peur sur le campus. Alors que l'entente prévoyait assurer le droit de manifester et la liberté d'expression tout en permettant l'accès aux cours (interdiction de bloquer les salles de classe) et en évitant les débordements illégaux (vandalisme, intimidation, etc.), sa mise en pratique est tout autre.
Les gardes armés de matraques qui patrouillent dans les corridors du campus qui proviennent des compagnies de sous-traitance d'agents de sécurité récemment engagées par l'Université de Montréal effectuent un profilage des étudiants grévistes, trop faciles à reconnaître par leur carré rouge, pour mieux brider leur mouvement et leurs tentatives d'actions par des gestes violents et parfois même illégaux: interruption agressive d'activités pacifiques «en rouge», pression sur le corps enseignant devant la non-tenue d'un cours, propos haineux et menaçants à l'égard d'étudiants, refus quasi systématique de s'identifier, etc.
Si elles sont rarement rapportées dans l'espace public et se règlent le plus souvent en interne, ces interventions démesurées représentent une réalité pour nombre de nos collègues et ont pour effet de tuer dans l'oeuf, sous la pression de la menace et de la peur, toute possibilité de revendication.
Escalade de l'intimidation
À cela s'ajoute une entreprise de manipulation de l'information menée par les instances de communication de l'Université de Montréal qui contribue à faire croire, par l'entretien de flottements sémantiques de tout ordre, que la grève est bel et bien terminée depuis l'injonction, alors qu'elle a toujours lieu dans de nombreux départements, où elle a été votée démocratiquement.
On assiste au final à une véritable escalade de l'intimidation qui touche autant les actes que les discours, les professeurs que les étudiants, et qui empêche de façon pernicieuse la prise de parole, l'échange et le dialogue, ces outils non seulement nécessaires à notre lutte, mais fondamentaux au principe même de l'Université.
Tout cela au nom — triste ironie?! — de la lutte contre l'intimidation et la violence.
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Collectif d'auteurs
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Ont signé cette lettre ces étudiants de l'Université de Montréal: Laurie Bédard, Ariane Bottex-Ferragne, Marie-Hélène Constant, Alice Michaud-Lapointe, Chloé Savoie-Bernard, Julien Stout; avec l'appui de 68 autres étudiants de l'UdeM.
Intimidation et conflit étudiant
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