Un an jour pour jour après être entré à la Caisse de dépôt et placement pour superviser les investissements au Québec et la planification stratégique de l’institution dans le monde, Charles Émond en deviendra samedi le nouveau président pour succéder à Michael Sabia, en poste depuis mars 2009.
Arrivé à la Caisse en provenance de la Banque Scotia, où il a passé 18 ans de sa vie professionnelle, M. Émond, âgé de 47 ans, se retrouvera aux commandes d’une organisation qui compose avec son lot de chantiers et de défis complexes, dont le développement du Réseau Express métropolitain, la décarbonation des portefeuilles de placement, la gestion du risque dans un monde imprévisible et le vieillissement de la population du Québec.
« M. Émond saura concilier la double mission de la Caisse, soit de faire fructifier les actifs des déposants et de contribuer au développement de l’économie du Québec », a affirmé le premier ministre du Québec, François Legault, sur son compte Twitter officiel. Plus tôt en journée, avant la tenue du Conseil des ministres où la nomination allait être proposée, M. Legault avait affirmé en mêlée de presse que M. Émond « connaît bien l’économie du Québec et [que] c’est une personne qui a prouvé qu’elle était capable de gérer du personnel ».
En plus de gérer l’investissement au Québec et la planification stratégique, M. Émond s’occupe des placements privés depuis novembre 2019. Avant son arrivée à la Caisse, il a notamment supervisé l’ensemble des opérations d’investissement de la Scotia dans le monde et coordonné le déploiement de ses activités vers l’Amérique du Sud.
Connaissance du terrain
Invité à nommer le chapitre professionnel qui lui servira le plus dans ses nouvelles fonctions, M. Émond a immédiatement mentionné le réseau qu’il a développé parmi les entreprises québécoises. « Je comprends les ambitions de ces sociétés-là, les aspirations des entrepreneurs », a-t-il dit lors d’une entrevue téléphonique. Dans un deuxième temps, il a évoqué le temps passé à l’extérieur du Québec, cela ayant permis « d’avoir une perspective, un peu le regard que les gens portent de l’extérieur sur la Caisse, sur notre institution et notre marché ».
En ce qui concerne la mise en oeuvre des deux missions de la Caisse, objet de nombreux débats au fil du temps, M. Émond a dit qu’elles « vont de pair, et on a réussi à démontrer que c’est le cas de façon tangible ». De manière plus générale, M. Émond a notamment évoqué une « perspective de continuité » à la Caisse, car « nos grandes orientations sont les bonnes ». Il entre en fonction « dans un tout autre contexte que Michael Sabia à l’époque », a-t-il dit.
Entré à la Caisse en 2009, à une époque où l’institution peinait à émerger de la crise financière, M. Sabia dirigera à compter du mois prochain la Munk School of Global Affairs and Public Policy, à l’Université de Toronto. Pendant son règne, qui a débuté dans un creux de vague, l’actif de la Caisse est passé de 120 milliards à 326 milliards, pour un rendement annuel moyen de 9,9 % sur 10 ans.
L’opposition libérale et le Conseil du patronat du Québec ont salué l’annonce. « Pour lui, le grand défi, ça va être de bien comprendre l’autonomie de la Caisse. Si M. Legault ou [le ministre des Finances] Eric Girard l’appelle, il doit les écouter poliment, mais il doit dire : “Moi, dans l’intérêt de la Caisse et de ses déposants, je pense ceci” », a dit Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP). « Évidemment, il tient compte de ce que MM. Legault et Girard vont lui dire, mais il devra toujours avoir cette indépendance d’esprit et la rigueur pour dire qu’il prend les décisions dans l’intérêt de la Caisse. »
Le député de Québec solidaire dans Rosemont, Vincent Marissal, a écrit sur Twitter que les priorités de M. Émond devaient inclure la « transparence et [la] modération dans le traitement de la haute direction », le désinvestissement des hydrocarbures et « quitter les paradis fiscaux ».
Parmi les noms des autres candidats pressentis à la présidence qui ont circulé figure celui de Macky Tall, chef des Marchés liquides et p.-d.g. de CDPQ Infra. Le nouveau président craint-il le départ de M. Tall ? « Je ne peux pas spéculer, tant sur le processus que sur les gens qui ont pu être impliqués [comme candidats], a répondu M. Émond. Mais ce que je peux dire certainement, c’est que mon collègue Macky est quelqu’un qui a une grande contribution à la Caisse et qui pour moi est important dans l’équipe. »
Avec Marco Bélair-Cirino et Marie-Michèle Sioui