Effondrement au tunnel Ville-Marie

La cassure

Béton-tombe...



Il vaudrait mieux qu'ils se taisent, ces premier ministre, ministre, maire qui prétendent nous rassurer, affirment qu'il «n'y a aucun compromis avec la sécurité au Québec», qu'on «est en mode solutions» et autres inepties. C'est faux, il y a risques: des rapports les énoncent, des spécialistes les dénoncent. Et les risques s'avèrent puisque les structures s'effondrent.
La catastrophe de dimanche matin n'a peut-être pas fait de victimes directes, mais quel choc psychologique pour tous ces automobilistes qui s'apprêtaient à entrer dans le tunnel Ville-Marie! La fabuleuse photo prise par un touriste d'Ottawa, sur place au moment fatidique, et publiée hier par le Journal de Montréal fait clairement voir la douzaine de voitures à quelques tours de roue de la poutre qui s'écrasait. Il s'en est fallu de si peu...
Mais à la roulette russe, la chance ne dure qu'un temps. Et du côté des infrastructures montréalaises, le barillet a déjà beaucoup tourné depuis la publication du rapport de la commission Johnson en octobre 2007. Commandé pour faire le point sur l'effondrement du viaduc de la Concorde qui avait fait cinq morts et six blessés graves un an plus tôt, il avait ciblé plus large, appelant le ministère des Transports du Québec (MTQ) à lancer un grand chantier de réfection pour éviter de nouveaux effondrements. Ce qui fut fait, mais avec tellement de «mais»...
Le «mais», c'est notamment le manque d'inspecteurs indépendants. On a rappelé hier qu'en 2008, l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec avait dénoncé le manque d'ingénieurs et de techniciens au MTQ. Le gouvernement avait quintuplé l'enveloppe budgétaire consacrée à la réfection des infrastructures, ce que l'Association saluait, mais sans augmenter les ressources humaines nécessaires pour encadrer l'opération.
Pour y arriver, on tourne donc les coins ronds (les inspections annuelles d'aussi imposants ouvrages que le tunnel Ville-Marie ou le pont Mercier se limitent à des inspections visuelles!). Et on sous-traite au privé: «90 % des inspections faites par le MTQ sont réalisées par des firmes de génie-conseil», disait hier la porte-parole du ministère), et l'entretien leur est aussi confié. On est loin d'une garantie de fiabilité. Recherche de profits et recherche de sécurité ou de meilleure qualité sont souvent antinomiques. Et quand on veut des contrats du gouvernement, on ne va certainement pas le dénoncer sur la place publique si celui-ci fait preuve de laxisme.
L'autre «mais», c'est le secret. Hier, à force de se faire pousser dans le dos par le Parti québécois et les deux partis d'opposition à Montréal (où était le maire Tremblay?), le gouvernement Charest a rendu publics les rapports d'inspection menés au tunnel Ville-Marie. Ils sont accablants: le risque de chute de béton est signalé dès 2008, celui de 2010 d'une vacuité sans nom.
Mais la norme au MTQ, c'est de tout garder secret. Le ministre des Transports Sam Hamad, mis sur la sellette à ce sujet depuis la fermeture partielle du pont Mercier en juin, prétend que c'est pour ne pas affoler les foules, qui de toute manière n'y comprendraient rien. En fait, a-t-on finalement appris, si le MTQ cache ses rapports, c'est pour ne pas donner d'informations stratégiques à ceux qui veulent obtenir les contrats de réparation des structures.
Encore les contrats, encore le privé, encore les cachettes! Encore le sens des responsabilités de l'État qui s'efface au profit de jeux économiques où l'intérêt public n'a aucune place.
Ce qui fait qu'on inspecte, et pourtant le tunnel Ville-Marie laisse tomber 25 tonnes de béton. Et qui nous dira si actuellement, les structures entourant le lieu d'effondrement sur la A720 ne sont pas elles aussi affaiblies? On inspecte, mais on laisse courir pendant six mois des problèmes urgents au pont Mercier avant de se décider à le fermer un beau soir de juin, sans préavis. On inspecte, et pourtant l'échangeur Turcot fait peur à ceux qui s'y connaissent et qui se risquent à l'emprunter, comme en témoignait hier sur RDI le physicien Paul Lavallée.
On inspecte, mais on met d'incroyables bâtons dans les roues de citoyens ou de journalistes qui veulent savoir la vérité plutôt que se laisser conter fleurette. Mais comment le public peut-il autrement s'assurer que le gouvernement voit à sa sécurité? Car il est devenu impossible de croire nos dirigeants.
Et c'est bien le plus déplorable «mais». Que le gouvernement libéral ait réussi cette brisure du lien de confiance, même pour quelque chose d'aussi fondamental que la protection de la population.


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