La crise des années trente est bien connue surtout pour les Etats-Unis et l’Allemagne, pays où les systèmes bancaires ont alors explosé. C’est pourquoi, depuis septembre 2008 (à vrai dire depuis août 2007), le président de la Federal Reserve, Ben Bernanke, une autorité incontestée sur l’histoire de la crise des années trente aux Etats-Unis, a mené deux politiques successives dites de « quantitative easing », en fait de création monétaire pour noyer la crise depuis 2008. De son côté, le président Obama a lancé deux stimuli de 800 milliards de dollars chacun. Si après cela, il n’y avait pas eu une petite relance, c’eut été à désespérer de Keynes !
Une production industrielle atone ne permet pas la reprise
Le résultat obtenu est moins spectaculaire que les événements évités. Certes, les banques américaines ont évité la faillite systémique grâce aux 3 300 milliards de dollars prêtés par la Federal Reserve mi-septembre 2008 (le montant était si gros qu’il ne fut avoué que deux ans plus tard), mais une crise de l’économie réelle s’est installée avec une réduction des productions industrielles de 15 à 20 %, selon les pays occidentaux, soit 70 à 80 % de la réduction de 24 % observés en France entre 1932 et 1935, et un peu moins que la réduction de 19 % observée en Grande Bretagne en 1932 puis 1935.
Depuis, à l’exception de l’Allemagne, qui, nouveau partenaire de la Chine, a retrouvé sa production industrielle d’avant 2008, les pays occidentaux stagnent entre 88 % (Italie) et 95 % (France) de leur production industrielle de 2007. Depuis l’automne 2008, les boursiers américains chantent la reprise. Elle s’est produite aux bourses de New York avec même une gentille petite bulle internet, mais sur un marché étroit, tandis que les entreprises gardent toujours un matelas de 2000 milliards de dollars de liquidités. Ce n’est pas là, l’indice d’une confiance optimiste dans l’avenir de la relance.
Aux Etats-Unis, le chômage "colle"
D’ailleurs, aux États-Unis, elle reste très molle. La croissance semble même s’arrêter depuis la fin avril 2010. En mai et juin 2010, le bureau fédéral des statistiques a annoncé 152 000 et 176 000 nouveaux emplois pour avouer ensuite 21 500 et 18 000 nouveaux emplois.
Le chômage s’installe à des niveaux européens : 9,2 % de chômeurs en juin 2010, plus que l’Allemagne, à peine moins que la France. Le chômage colle, environ 20 % seulement des chômeurs le sont depuis moins de 5 semaines, donc 80 % des chômeurs le sont à présent sur une longue durée. Cette situation de l’emploi inédite aux Etats-Unis s’explique, non pas par un arrêt de l’embauche, mais par la poursuite des politiques de relance des bénéfices des sociétés par la diminution de la main d’œuvre et des programmes d’investissement de productivité.
Comme la demande ne monte pas, la hausse de la productivité ne peut se compenser que par la réduction des personnels employés. Vers la fin 2008, et au cours de l’année 2009, la mode était à la relance. Depuis 2010, elle revient à l’austérité pour rétablir les équilibres budgétaires.
C'est la récession qui nous menace, pas l'inflation
L’Amérique avait déjà vu cela en 1937, elle s’en est souvenu en 2009, mais l’a oublié depuis. En 1937, l’économie avait repris et les banques survivantes après la sélection darwinienne de 1930-1934, disposaient à nouveau de larges trésoreries. Le pouvoir politique a alors saisi l’occasion de rétablir l’équilibre budgétaire, tandis que pour lutter contre l’inflation, la Federal Reserve a mené une politique quantitative de réduction de ses crédits aux banques.
Le résultat dépasse les espérances. L’Amérique s’enfonça dans une nouvelle crise dont elle ne ressortit qu’à la faveur du réarmement à partir de 1938, d’ailleurs financé par l’or britannique et français. Ceci explique pourquoi Ben Bernanke s’affirme plus inquiet d’une future récession que d’une reprise de l’inflation. Il en est de même pour le Président de la Federal Bank of England, Mervyn King.
Sans croissance, le cercle vicieux de la récession
Les autorités politiques ont conservé de l’histoire, une mémoire poisson rouge, c’est aussi le cas de la BCE, heureusement la culture historique ne fait pas défaut à la Federal Reserve et à la Bank of England. Une profonde inquiétude, toutefois commence à s’imposer : les croissances économiques sont plutôt inférieures à 2 %, c’est à dire qu’en fait il n’y en a pas.
Cela pose alors le problème des services des dettes publiques européennes, jusque là, il devait être assuré grâce aux effets bénéfiques de la croissance économique. Pas de croissance, pas de demande, aussi les entreprises cessent d’investir pour thésauriser, on n’est pas loin de la « trappe à liquidité » japonaise de ces vingt dernières années. Les revenus déçoivent, mais les dettes s’accrochent, on n’est pas loin non plus du mécanisme de dette par la déflation décrit par Irving Fisher en 1932…
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Norbert Silverbach
Norbert Silverbach a 62 ans. Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et professeur agrégé d'histoire.
1937, le remake ?
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