La décolonisation tranquille

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Quiz du vendredi : qu’est-ce qui est plus colonisé ? A) Faire venir un chanteur anglais pour l’anniversaire d’une ville fondée par des Français il y a 400 ans… OU BEDON : B) se plaindre de la venue d’une immense vedette internationale aux fêtes du 400e d’une ville sous prétexte que cette vedette est anglaise et que c’est justement les Anglais qui ont bouté le roi de France hors du Canada ?
C’en est une mosus, je l’avoue. Pensez-y bien.
Finalement, le député péquiste Pierre Curzi y a pensé, lui. Finalement, il s’est souvenu de ses émotions des années 60. Finalement, débarrassé de ses oripeaux de député péquiste, le fan des Beatles s’est retrouvé nu devant son miroir.
Ouais… Ça a l’air fou un peu, de se plaindre de la visite. Ça fait chenu sur les bords.
Et maintenant, M. Curzi se réjouit du succès des fêtes du 400e. Et puis bienvenue à Paul McCartney, un artiste de calibre, ma foi, international, quoique anglais – personne n’est parfait.
M. Curzi, porte-parole de son parti en matière de Culture, lui demande seulement de se souvenir que cette langue qui anime Québec « et que nous célébrons si fièrement est encore bien fragile ». Voilà tout ce qu’il voulait dire.
C’est la raison qui a parlé hier. Il a choisi B. Mais, interrogé par le Journal de Montréal plus tôt cette semaine, c’est une autre partie de son cerveau qui a réagi. Il avait choisi A.
Il déplorait la canadianisation des fêtes. Et il ajoutait que la « goutte » qui faisait déborder son vase était la venue de Paul McCartney.
Une goutte anglaise, comme de bien entendu.
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En tout Québécois de souche française de 300 ans et plus est enfouie la peur de disparaître culturellement. Témoin magnifique et déchirant, la chanson de Gilles Richer Mommy (1971), que chantait Pauline Julien à vous faire brailler tant et plus.
Mais à un moment donné, il faut guérir de la maladie infantile du nationalisme. Il faut le faire évoluer. Le débarrasser de ses complexes anglophobes.
Je ne parle pas ici des choix esthétiques. Je parle de réactions politiques.
On peut bien remettre en question le programme. On peut se demander ce que les organisateurs du 400e vont léguer, culturellement parlant, une fois le ménage terminé. Quel sens auront eu ces célébrations ? Et les artistes de Québec, au fait, à part Robert Lepage ? Aurait-on pu commander davantage d’œuvres ?
Questions parfaitement légitimes, qui agitent artistes et médias. O.K. On comprend aussi René Angelil, qui a cru voir Céline Dion passer en deuxième place. Comme on devine que l’aspect récréotouristique, léger, de certains soirs de fête rebute quelques esprits graves.
Mais s’agissant des députés péquistes signataires de la pétition de protestation dont McCartney était le prétexte, on réalise que le seul vrai problème, en vérité, c’est la présence d’un artiste anglais. C’est tellement épidermique qu’on en a oublié qui il est.
Pauline Marois les a rappelés à l’ordre. Tant mieux. Mais je m’inquiète pour elle. J’ai lu cet après-midi dans des feuilles de thé anglais qu’ils lui feront ce qu’ils ont fait à Lucien Bouchard ou Pierre Marc Johnson, ignominieusement hués par leur parti, presque à René Lévesque… Elle sera honnie autant qu’André Boisclair – un qui n’a pas ces vieux complexes, ni face aux « Anglais », ni face aux « Autres » …
Autre question quiz : une célébration doit-elle être uniquement celle des commencements ?
Le 400e est-il la fête des descendants des Français uniquement ? Les Irlandais miséreux débarqués à Grosse-Île, les Écossais, les Anglais qui ont fait cette ville doivent-ils être passés sous silence pour que cette fête soit politiquement correcte ?
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J’arrive de Strasbourg, qui fut allemande et française, et qui a été le symbole du déchirement franco-allemand qui a fait des millions de morts il n’y a pas 100 ans.
Ce pourrait être un lieu amer, celui de tous les ressentiments identitaires. Strasbourg est aujourd’hui le siège du Parlement européen. Symbole de réconciliation, de construction, de l’avenir européen.
Quand le conseil de l’Europe a choisi un « hymne » européen, c’est L’Hymne à la joie, de Beethoven, qui s’est imposé. Nul n’a oublié, pour autant, que la IXe symphonie du compositeur allemand était une des préférées des nazis.
Ce n’est évidemment pas par ignorance de l’Histoire que ces décisions ont été prises. C’est par une volonté de la transcender. Gestes de maturité politique.
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Ça ne se dit pas, mais la venue sur les plaines d’Abraham d’un artiste britannique qui a chanté la paix sur tous les tons ne devrait pas être un hasard ou une ironie. Ce devrait être un symbole.
Mais c’est un symbole refoulé, justement parce qu’il est inavouable politiquement. Parce que trop volatil, trop récupérable à contresens.
Vu qu’on est une nation, on ne devrait pourtant pas avoir peur de ce genre de symbole. Au contraire, on devrait le revendiquer en souriant – ce que fera volontiers la foule, sans complexe…


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