La démocratie «spéciale»

Quand faut-il obéir? Quand c’est juste. Quand faut-il désobéir? Quand les ordres et l’ordre sont injustes.

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise


L’Elliott-Trudeau des mesures de guerre disait que les résistants polonais du syndicat Solidarité mettaient en péril l’ordre social polonais instauré et protégé par Moscou et ses blindés. Sa conception ouverte de la démocratie, de la justice, de l’ordre et de la loi, lui permettait de commander à ses hommes de main, policiers agissant «dans les limites de la légalité», de sacrer en prison 500 Québécois innocents.
Pétain et son régime collabo ont condamné De Gaulle par contumace à la peine capitale; pour désobéissance civile à l’ennemi. La Gestapo, elle, faisait règner l’ordre et la loi nazis en torturant et fusillant les résistants. Les Américains, ces superdéfenseurs de l’ordre planétaire, ont fait leur indépendance en toute illégalité; apparemment, ils ne s’en souviennent plus. Les Algériens et les Vietnamiens ont compris que si la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, c’était bon pour les Français, c’était tout aussi bon pour eux. Et si on avait attendu la permission de la Confédération Russe pour démolir le mur de Berlin... Faites-vous une liste des actions illégales libératrices. Vous en aurez pour longtemps, si vous avez quelques notions de l’Histoire passée, présente et... à venir.
Quand faut-il obéir? Quand c’est juste. Quand faut-il désobéir? Quand les ordres et l’ordre sont injustes. Et qui a le droit de décréter ce qui est juste? C’est parfois difficile à dire: assez souvent, il y a des zones de clarté et des zones d’ombre. Chose certaine, ce n’est sûrement pas celui qui se croit tout permis, sous prétexte qu’il est en place, qu’il est le plus fort ou qu’il a été démocratiquement élu. Le criminel Truman qui a lâché les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, avait été démocratiquement élu; de même, les deux Bush quand ils ont envahi, saccagé et terrorisé l’Irak. Acheter à bas prix vingt millions de «nègres», les transporter par-delà l’Atlantique dans des conditions indignes des animaux et les faire ensuite travailler comme des bêtes pour enrichir leurs boss, est-ce que c’était une infamie, un crime contre l’humanité? Alors pourquoi, pendant trois siècles, au nom de l’Ordre et de la Loi, pouvait-on traiter un «nègre» moins bien que le cheval du boss, lui couper un pied ou le lyncher, s’il avait troublé l’ordre social en donnant un coup de pied au chien malfaisant du boss qui était en train de le mordre?
Pendant ces trois siècles, les vertueux détenteurs et défenseurs de l’Ordre, de la Justice et de la Loi, ont-ils traité en criminels ces cannibales qui bouffaient du «nègre»? Au contraire, ne les ont-ils pas loués, protégés et gavés? Pourquoi? Parce qu’eux-mêmes étaient de l’ordre des cannibales.
Le dominant invoque toujours hypocritement la paix sociale, l’ordre et la loi, la démocratie. Comme ces Israéliens qui réclament la paix, pour pouvoir occuper en paix ce qui reste du territoire palestinien. Les bandits de la haute finance qui étranglent actuellement les individus et les peuples, souhaitent évidemment qu’on leur laisse la paix, qu’on les laisse libres d’instaurer et défendre l’ordre de leurs affaires criminelles. Et quoi d’étonnant si les scribes de Power Desmarais Corporation condamnent vertueusement la résistance étudiante? Ces scribes à la Pratte et Dubuc ont quand même leur utilité: s’ils défendent ou condamnent ceci ou cela, vous savez que vous devez penser exactement le contraire. Ce sont des phares... indiquant la direction à ne pas prendre.
Depuis le début de cette révolte des étudiants, le gouvernement Charest ne cesse de proclamer son ouverture d’esprit, ses concessions, son attachement à la démocratie, aux valeurs de la société québécoise, à l’ordre, au respect des injonctions et de ta soeur.
Quelle démocratie? La leur.
Ils prennent le pouvoir avec le tiers des votes, et dès qu’ils sont en place, ils se croient tout permis pendant quatre ans, au nom de la démocratie. Par exemple, vendre les ressources naturelles du Québec au moins offrant. Qui a autorisé Charest à lancer son Plan Nord? Est-ce que cette aventure, mirobolante ou rocambolesque, a été démocratiquement approuvée par le peuple québécois? Charest avait-il le mandat de laisser les rapaces cannibales s’installer un peu partout sur notre territoire pour gonfler son ego, leur ego et leur fortune au gaz de schiste et aux minéraux?
Charest travaillait-il à sauver la démocratie quand il avait tellement de réticence à mettre en place les moyens efficaces de contrer l’oeuvre démocratique de la maffia pourvoyeuse de son parti? Lui et les fédéralistes sont-ils de vertueux démocrates quand, à longueur d’année, à longueur de deux siècles et demi, ils prennent tous les moyens, y compris les plus fourbes, illégaux et crapuleux, pour contrer l’indépendance du peuple québécois? Ils sont contre leur peuple et, à l’occasion, ils s’en moquent avec la dernière insolence. Mais ils sont des démocrates, de fervents et farouches défenseurs de l’Ordre, de la Démocratie, de la Loi et des valeurs nationales.
Leur démocratie, c’est «spécial».

Squared

Viateur Beaupré32 articles

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Professeur à la retraite. Écrivain. Horticulteur, pêcheur et chasseur. Se bat depuis quarante ans pour défendre le français et l’indépendance du Québec.

Sept-Ïles





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6 commentaires

  • Jean Lespérance Répondre

    19 mai 2012

    Je pense M.Turcotte que ce que vous affirmez concernant le fait qu'ils ne se battent que pour de l'argent est faux. Il suffit de jaser avec plusieurs pour vous en rendre compte.
    Comme ce n'est pas l'essentiel du débat, ils ne sont pas pour dire à la télévision mensongère, c'est-à-dire qu'elle choisit que les mots qui donnent un mauvais portrait de la vérité, qu'ils pensent à une société plus juste. On les traiterait d'anarchistes, de communistes ou de marxistes-léninistes ou de maoistes, n'importe quoi sauf des gens qui recherchent la justice et la paix.

  • Oscar Fortin Répondre

    18 mai 2012

    Vous aurez compris que j'ai dit M. Chabonneau alors que j'aurais dû dire M Beaupré. Je m'excuse.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mai 2012

    Pétain et son régime collabo ont condamné De Gaulle par contumace à la peine capitale ; pour désobéissance civile à l’ennemi."
    La République étant sabordée, les pouvoirs furent remis à Pétain. Son but : sauver ce qu'il reste de la Nation Française.
    Germanophobe, il a bu la coupe jusqu'à la lie. Il fit l'Armistice parce que nul ne voyait de possibilité à continuer le combat pour le sol français. Que des flots de sang qu'il a sut éviter en rapport à ce qui s'est produit en 14-18.
    De Gaulle s'est rebellé contre l'État et l'Armistice. Un coup d'orgueil de la part de celui qui s'est laissé capturé sans blessure à Verdun.
    Et comment DeGaulle a traité les gens de l'OAS qui ont refusé la capitulation française en Algérie ?
    Il a tout de même continué dans les pas de Pétain, ce De Gaulle : Retrait de l'OTAN et axe franco-allemand.
    Pour le reste, je suis d'accord. Il faut suivre sa conscience, et non son inconscience.

  • Oscar Fortin Répondre

    18 mai 2012

    Monsieur Charbonneau, vous soulevez, de manière éloquente, un des points les plus importants de la morale individuelle et de l’autorité responsable. Plus nous regardons le monde dans lequel nous vivons et plus nous analysons l’usage qui est fait des termes qui identifient les principaux repaires sur lesquels se développent nos sociétés, plus nous réalisons la grande manipulation dont nous sommes tous et toutes victimes.
    Nos autorités nous parlent de vérité, de démocratie, de justice sociale, de liberté, de paix sociale, mais dans les faits, la vérité s’avère souvent une pure tromperie, la démocratie devient une véritable technique pour prendre et conserver tous les leviers du pouvoir de l’État avec le moins de monde possible. M. Harper ne gouverne-t-il pas le Canada avec moins de 25 % de l’électorat canadien et M. Charest avec moins de 33 % de l’électorat québécois? Il en est de même pour la justice sociale et de la paix sociale qui s’accommodent de coupures dans les secteurs de l’aide aux familles, de la santé, de l’éducation, du travail. Que dire du galvaudage que l’on fait du mot liberté qui se ramène à la liberté de ceux et celles qui dominent.
    La confiance n’y est plus dans ces autorités, téléguidées par les oligarchies dominantes. Notre réveil en est un, avant tout, de conscience et de responsabilité. Plus que jamais, nous réalisons que le caractère des lois, dictées par les gouvernements, ne peut être absolu. Elles doivent toutes être sanctionnées par la conscience de chaque personne. Cette dernière est ce qui assure la responsabilité que chacun et chacune doivent assumer dans le devenir de la société. En ce sens, l’objection de conscience est de plus en plus invoquée, non seulement pour se soustraire aux guerres criminelles, mais aussi à des lois gouvernementales, jugées en conscience comme allant à l’encontre des droits fondamentaux des personnes et des peuples. La liberté de conscience est inaliénable et fondement de la responsabilité personnelle. Plusieurs ont connu la prison, ont été torturés, y ont laissé leur vie pour garder intactes cette liberté de conscience et la fidélité qu’elle commandait.

  • Nestor Turcotte Répondre

    18 mai 2012

    J'ajoute.
    Le PQ et Pauline n'ont rien d'autre à suggérer que la critique acerbe et manipulatrice. Pas de la grande politique. Seulement de la petite politique, à la petite semaine, aux couleurs des périodes des questions quotidienne.
    Je crois que le Parti de René Lévesque, le grand et l'unique, en aurait profité pour expliquer à la population ce que serait l'Université et les Collèges dans un Québec indépendant. Rien de cela. De la petite politique au carré rouge feutré. Toujours et seulement de la petite politique partisane, calculatrice, cherchant à ramasser des votes dans l'urne.
    Je me rappelle la loi matraque (car c'en était une) de Lucien Bouchard en 1999 (conflit des infirmières). Relisez ce que disait Marois à cette époque. Je vous le donne, car on l'a sans doute oublié.
    (citation)
    La ministre Pauline Marois (Ministre de la santé en 1999) a par ailleurs déclaré que le gouvernement était prêt à imposer toutes les sanctions prévues par la loi dans les cas de grève illégale. Selon elle : «Une grève illégale est inacceptable dans tous les secteurs de la société, et elle a des effets encore plus intolérables et difficiles dans le domaine de la santé puisque, dans les faits, ce sont les malades, qui ont besoin de soins, qui risquent d'en payer le prix.» Les sanctions prévues par la loi 160 comprennent entre autres des coupes salariales et la perte, pour les grévistes, d'années d'ancienneté, à raison d'une année par jour de grève. Il faudra attendre la fin du mois de juillet avant qu'un règlement ne soit adopté.
    Je me rappelle aussi de la loi matraque de René Lévesque qui a coupé unilatéralement les salaires des employés de l'État en 1982. Et vous savez qui était le négociateur en chef?
    Je me rappelle l'emprisonnement des chefs syndicaux en 1972. Qui recommandaient la désobéissance aux lois.
    Je me rappelle de quoi encore? Ah! on est bien une société bien spéciale. Depuis 50 ans, le Québec s'amuse à formenter des conflits. Ça aide les gouvernements à se faire réélire et ça évite aux citoyens de trouver, ensemble, une authentique et solidaire solution de rechange.
    Les étudiants se sont réveillés et descendus dans la rue pour de l'argent. J'aurais aimé qu'ils se réveillent et descendre dans la rue pour autre chose. Ils ont eu peur, comme toute notre génération, des années de turbulence
    Nestor Turcotte

  • Nestor Turcotte Répondre

    18 mai 2012

    Très cher Monsieur Beaupré,
    Tout ce que vous dites se tient.
    Mais, j'ai vu la démocratie étudiante, en allant assister à leur réunion. Si c'est cela qu'on a comme formule de remplacement, j'ai tout simplement peur. Ça sent la manipulation, le dogmatisme laïc, le «crois ou meurs»...Et le vote alors? Je n'ose écrire ce que j'en pense.
    Enfin, en ce bas monde, rien n'est parfait. Saint-Exupéry l'a dit...et redit...
    Nestor Turcotte