De la volonté politique

Qui fera du Québec un pays ?

Tribune libre

Je le sais : ON hurlera au meurtre, ON m’accusera de jouer
effrontément de la trompette dans le salon mortuaire
provincial. Mais non. Je veux tout simplement tambouriner
sur la place publique, pour éveiller, si possible, un certain
nombre de francophones encore debout mais somnambules.

Je vais proclamer ici une vérité taboue, scandaleuse. Et
pourtant aussi évidente que le Saint-Laurent en face de Sept-Îles.
Évidente pour tous les AUTRES, mais à découvrir par
les francophones sous anesthésie du cerveau.

Quelle vérité ? Voici : La belle canadian Province of Québec
deviendra un PAYS libre si les francophones du Québec le
décident.

S’ils se rendent compte de cette évidence, et si c’est bien vrai
qu’ils veulent un pays autre que celui des autres, les Québécois
indépendantistes et leurs porte-voix devront bien commencer
un jour par le dire, pour ensuite le redire et pas seulement en
passant.

Bien évidemment, les autres, vertueusement hypocrites et
fourbes, crieront au racisme, à l’intolérance, au repli ethnique,
à la xénophobie, au nazisme, etc. Mais ces autres, nous crient
déjà tout ça à grands cris, tous les jours, depuis deux siècles et
demi. Pour faire oublier leur racisme. Alors ? Alors, laissons-les
braire et occupons-nous de nos « vraies affaires ». Qui ne
sont pas celles de Couillard ou de Justin.

Peu de Blancs sud-africains ou américains ont vu la nécessité
ou même l’utilité de libérer les Noirs. Il appartenait aux Noirs
de voir, noir sur blanc, cette utilité et cette nécessité. Les
anglophones et les autresphones d’ici s’opposeront à la
libération du Québec, jusqu’à leur mort inclusivement. En
block pratiquement imperméable. Ils nous l’ont crié lors des
deux référendums, ils nous le crient à chaque élection, et ils te
le crieront aussi souvent que tu ne le voudras pas. Ils ont
voulu, veulent et voudront que le Québec reste une Province
plus ou moins francophone dans un pays distinctement
anglophone. Vive la nation québécoise provinciale dans un
grand Canada anglais uni ! Une nation provinciale, bidule-gadget
aussi in-signifiant que « la société distincte ».

J’ai l’air de proclamer des truismes-lapalissades. De fait, ce
sont des truismes et des lapalissades. N’importe quel
anglophone de Montréal ou de New Richmond dira aux
francophones que s’ils veulent tellement avoir un autre
pays que le Canada anglais, c’est à eux de se le donner. En
effet, c’est aux francophones, et à eux presque seuls, qu’il
revient de passer du cauchemar à la réalité, c’est-à-dire du
Canada au Québec.

Sous le règne glorieux de l’Apartheid sud-africaine, 20% de
Blancs régnaient en maîtres sur 80% de Noirs et autres
inférieurs. Par tous les moyens, y compris les plus bas. Au
Québec, depuis plus de deux siècles et demi, une minorité
impose sa loi à une majorité. Actuellement, au Québec, la
minorité anglo-allophone (20%) domine la majorité
francophone (80%). Un peuple où c’est la minorité qui
tient et garde le pouvoir, c’est un peuple dominé, colonisé.
Et les colonisés doivent avoir le minimum de lucidité et de
bon sens pour voir que leurs colonisateurs, ce ne sont pas «
les amis d’en face », mais les ennemis d’en face. Comme un
génocide, celui des Acadiens, ce n’est pas un simple « grand
dérangement ». Et comme un NON au Québec, ce n’est
pas en même temps un OUI au Québec.

C’est donc aux colonisés qu’il faut s’adresser si on veut se
décoloniser. Les leaders des Juifs, des Grecs et des Italiens
ont prié instamment les membres de leurs communautés de
voter NON au Québec, avec les Hell’s Angels et les
Anglos. Ces derniers n’ont aucunement besoin d’être
stimulés par nos Charest, Trudeaux, Stéphane Dion et
Couillard, pour nous dire NON. Alors, pourquoi les
francophones devraient-ils avoir honte de s’adresser en
priorité aux francophones pour se donner un pays ?

Et si les Libéraux canadians-québécois comptent
ouvertement sur les Anglos et les Allos pour se donner une
solide base provinciale canadian, pourquoi les
francophones devraient-il avoir honte de compter sur eux-mêmes
pour se donner une base nationale québécoise ?

Désormais, qu’on prenne peu de temps (10% environ) pour
redire aux autres que tous les Québécois seront considérés
comme des Québécois à part entière quand le Québec sera
un pays, le leur et le nôtre. Le 90% du temps qui reste sera
consacré à dire aux Québécois que le 10% de Québécois
qui nous manque pour leur donner un pays, c’est eux qui
vont le donner.

Il faut être schizophrène, c’est-à-dire fendu en deux, pour dire
avec Bona Arsenault : « Ma patrie, c’est le Québec, mais mon
pays, c’est le Canada. Et contrairement aux peuples inférieurs,
je suis fier d’avoir deux têtes, deux drapeaux, deux nombrils,
deux coeurs, quatre fesses, deux fêtes nationales et quatre
pattes pour mieux assurer mon équilibre. C’est comme ça que
je suis distinct dans une société distincte. » - Francofun
bicéphale, marchant à l’horizontale !

C’est ainsi que raisonnent les chefs caquistes quand ils se
disent des « nationalistes ». Cette schizophrénie, c’est une
illusion entretenue par la lâcheté. Leur nationalisme est
québécois, à la condition d’être d’abord et surtout canadian.
On nage en pleine bouillie mentale, comme dans le cas de la
nation PROVINCIALE. Leur troisième voie : une voie
d’évitement, une fuite enthousiaste vers l’in-signifiance cool.
Je pose la question suivante : « Voulez-vous que le Québec soit
un pays ? » Et je donne le choix entre le OUI, le OU et le
NON. Les nationalistes canadian-québécois voteront OU.

Je lance donc un appel, je cogne du tambour. « Qui
t’autorise ? me demande ON. - Moi. » N’importe qui peut
lancer un appel si le bateau est en train de couler ou si le
bulldozer à démolir est déjà dans ta cour et, arborant le
canadian flag, se dirige vers ta chambre à coucher où tu
dors d’un paisible et béat coma.

Dans la course actuelle à la chefferie du PQ,, se trouvera-t-il
un concurrent pour oser dire que le Saint-Laurent est un
fleuve ? Chesterton dirait : « Viendra un temps où il faudra
un courage héroïque pour affirmer que 2 et 2 font 4, et que
les feuilles vertes sont vertes. »

Ce temps est venu.

Squared

Viateur Beaupré32 articles

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Professeur à la retraite. Écrivain. Horticulteur, pêcheur et chasseur. Se bat depuis quarante ans pour défendre le français et l’indépendance du Québec.

Sept-Ïles





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juin 2016

    Je ne sais plus trop, le mot pays pour le Québec est devenu tabou, il me semble. À 54 ans j'ai l'impression que mes espoirs pour mon peuple ne sont plus partagés, suis-je devenu fataliste? Pour moi c'est évident que nous méritons d'être un pays francophone, si cette émancipation n'est pas ressentie par les autres, que peut y faire le prochain chef?
    Il, elle, doit rassembler et convaincre.
    C'est le peuple, les habitants du Québec, qui détiennent le sésame à l'indépendance, pure et simple. Le prochain chef du P.Q. devra identifier les liens unissant son option au cœur de la population. En 2016 ces liens sont-ils toujours les mêmes qu'en 1980? 1995?
    Bonne chance à l'élu (e).

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2016

    M. Beaupré,
    Je crois que la candidate la plus capable de rassembler les différents points de vue et de convaincre que notre pays nommé Québec est à notre portée, c’est Mme Hivon.
    Je comprends très bien vos propos mais il nous faut admettre que parmi les nôtres, francophones du Québec, certains ne voteront jamais pour un pays nommé Québec.
    Chacun de ceux-là a sa raison et je ne les énumère pas, de peur de les insulter.
    Il nous faut donc être rassembleur et stratégique afin de faire connaitre à TOUS LES QUÉBÉCOIS, les avantages du pays nommé QUÉBEC.
    Nous convaincrons moins de non-francophones (en %) mais comme les certains francophones ne se laisseront jamais convaincre il nous faut être plus stratégique.
    Tous les citoyens du monde souhaitent un monde meilleur où vivre et paradoxalement, les valeurs que proposent les non fédéralistes sont très proches de celles que la majorité des citoyens du monde aspirent.
    Prenons les moyens pour que les gens de par le monde souhaitent venir vivre au Québec parce que le Québec propose des valeurs à l'opposé de la course à la croissance à tout prix et nous serons surpris de l'influence de cette position sur les nouveaux arrivés.
    Enfin, n'oublions pas cette règle : Un nouvellement arrivé écoute plus ses frères ou soeurs non arrivés qui l'envient que les « de souche ».

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2016

    Dans le cours de marketing 101, on apprend que la règle d'or est de bien identifier sa clientèle cible.
    M. Beaupré, vous avez frapper le "bull's eye"

  • Normand Paiement Répondre

    2 juin 2016

    Monsieur Beaupré,
    Vous avez foncièrement raison, mais vous ne répondez pas à votre propre question: «Qui fera du Québec un pays ?»
    Seul quelqu'un de la trempe de Marine Le Pen y parviendrait sans doute, mais regardez comment elle a été accueillie chez nous!
    Difficile, dans ces conditions, de trouver des braves dans un coin de pays peuplé de «gentils Bisounours», comme elle disait...
    Mais le Québec a déjà connu des Papineau, des Duplessis, des Parizeau et d'autres qui se sont tenus debout dans l'adversité, alors ne désespérons pas. Marx ne disait-il pas que «les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances»?
    « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »...
    Cordialement,
    Normand Paiement