Le Canada et le Québec dans le sillage des USA

La déroute de l’Oncle Sam

Chronique de Richard Le Hir

Il ne passe plus guère de journées sans que de nouveaux indices ne viennent révéler l’ampleur de la débâcle qui ébranle à l’heure actuelle les États-Unis. Et à en croire certaines analyses qui commencent tranquillement à se répandre même dans les « mainstream medias » (voir les citations de ma série de 4 articles intitulés [« Quand l’Amérique vacille, le monde bascule »->29580] sur Vigile), l’empire américain serait désormais engagé dans une phase irréversible de déclin dont il n’est même pas certain qu’il soit capable de sortir avec tous ses morceaux.

Selon certains observateurs avertis, les États-Unis seraient présentement déchirés par des courants internes, et les forces qui semblent présentement avoir le dessus ne visent rien de moins qu’à démanteler tous ses attributs de société civilisée au nom d’une idéologie arriérée et réactionnaire, teintée de visées kleptocrates. « Là où il avait jadis un empire et des idées réellement révolutionnaires, il n’y a plus que les flatulences produites par un ballon qui se dégonfle à toute allure. »

Peu flatteuse, cette image un peu hardie n’en constitue pas moins un puissant signal d’alarme pour tous ceux qui se trouvent dans les parages dudit ballon, au premier rang desquels le Québec et le Canada. On ne le répètera jamais assez, c’est d’abord l’économie ontarienne qui est menacée par le dégonflement de la bulle américaine en raison de son degré élevé d’intégration avec l’économie américaine.

Bien sûr, il y a d’abord le secteur manufacturier, largement tributaire de l’industrie automobile américaine. Le ralentissement marqué qui se manifeste déjà depuis cet été aux États-Unis et au Canada risque de porter un coup fatal aux efforts de redressement de GM. Or le gouvernement fédéral et celui de l’Ontario ont investi chacun des milliards dans cette relance, sans compter les pertes additionnelles à venir.

Déjà, ceux qui suivent le marché de l’automobile se sont rendus compte que les constructeurs multiplient en ce moment les rabais pour attirer les consommateurs dans leurs salles de montre, alors que nous sommes justement dans la période de l’année où l’arrivée des nouveaux modèles devrait les assurer d’un achalandage moins regardant sur les prix. Cela n’augure rien de bon pour les bénéfices dans les trimestres à venir. Nous aurons aussi bientôt un autre signal des marchés, financiers cette fois-ci, avec le succès ou l’échec de l’appel public aux investisseurs pour recapitaliser GM. 
Mais il n’y a pas que l’industrie automobile, l’Ontario est également la province qui profite le plus de la présence des sociétés américaines sur le territoire canadien, tous secteurs confondus, que ce soit dans des sièges sociaux, des usines, des centre de distribution ou de service, ou toute autre activité. Ce qui faisait la force de l’économie ontarienne, avec laquelle le Québec s’est fait narguer tant de fois, va maintenant devenir son talon d’Achille.

Or le problème est que, entre le moment où ce phénomène commencera à se manifester et celui où les autorités tant fédérales que provinciales auront assimilé les conséquences de celui-ci, il risque de s’écouler un temps important et précieux pendant lequel elles traverseront alternativement des phases d’incrédulité et de déni. Ceux qui seraient tentés de croire que j’exagère n’ont qu’à consulter le dernier budget provincial de l’Ontario. Autant celui du Québec avait été rédigé avec des lunettes noires, autant celui de l’Ontario l’avait été avec des lunettes roses.

Il faut aussi comprendre que la population tant québécoise que canadienne aura un sérieux ajustement à faire dans sa lecture de la situation nouvelle créée par l’effondrement économique des États-Unis. Nous étions largement parties prenantes dans l’« American way of life » et le « Great American Dream ».

Pourtant, il y a désormais urgence pour le Québec et le Canada de se doter de stratégies à long terme reflétant la nouvelle réalité économique mondiale. Les États-Unis ne seront plus jamais la force économique qu’ils ont été, et il est plus que temps pour nous de repenser notre avenir autrement qu’en association économique étroite avec les États-Unis. Dans une déroute, la survie, c’est chacun pour soi.

***

Si la tâche peut paraître a priori plus facile pour le Québec du fait de son degré d’intégration moins poussée avec les États-Unis, il ne faudrait surtout pas en sous-estimer la difficulté dans un contexte où le gouvernement fédéral devra nécessairement revoir ses paiements de transferts et sa formule de péréquation à la baisse alors qu’il sera à la fois tenté économiquement et forcé politiquement d’investir massivement en Ontario pour relancer ce qui a été le moteur économique du pays pendant si longtemps.


C’est cette situation que je décrivais, dès l’hiver dernier, dans des articles tels que Attention M. Charest, la Reine est toute nue !, Terminus: Tout l’monde descend, Tel est pris qui croyait prendre, Les malheurs de l’Ontario, Jusques à quand abuseras-tu, Canada, de notre patience ?, Jamais la conjoncture ne sera meilleure.

Et dans les derniers mois, les événements se sont multipliés pour confirmer la catastrophe appréhendée. Il y a quelques jours encore, le Laboratoire européen d’anticipation politique annonçait que la banque centrale américaine, surnommée familièrement la Fed, était désormais confrontée à un risque de faillite.

***

Dans une conjoncture pareille, et dans une optique nationale défendable dans les circonstances, la tentation du gouvernement fédéral sera grande de sacrifier les intérêts du Québec à ceux du pays tout entier. S’il fallait qu’on en arrive là, les Québécois se retrouveraient acculés au pied du mur : disparaître dans le « grand tout » canadien (qui de toute façon ne serait plus alors qu’un « grand rien »), ou devenir indépendants.

Plus j’y pense, plus je commence à me dire que mon feuilleton de politique-fiction n’est peut-être pas si fictif que ça. Je l’ai dit et je le répète, jamais la conjoncture n’a été meilleure. Mais il faut d’abord commencer par se débarrasser de Jean Charest, et ensuite élire un gouvernement capable d’affronter les grandes tempêtes qui s’annoncent. Si nous sommes prêts du but dans le premier cas, il reste encore du chemin à parcourir dans le second, à moins que…


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3 commentaires

  • @ Richard Le Hir Répondre

    30 septembre 2010

    Réponse @ Tétraèdre
    Attention de ne pas tout confondre. Mon p'tit doigt me dit que ces comptes en Suisse ne sont pas tous détenus par des Canadiens-anglais et qu'on risque de découvrir en fait qu'il y a également un bon nombre de Québécois qui se sont prévalus de cette "facilité bancaire" (euphémisme employé dans l'industrie pour couvrir l'évasion fiscale).
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2010

    Les canadians au lieu de se développer une culture originale comme les Québecois ont préférés s'abreuver se nourrir et respirer entièrement à la mode USA , dans leurs films leurs médias et leurs économies
    Évasion fiscale
    2000 comptes canadiens douteux en Suisse
    Radio-Canada apprend que près de 2000 Canadiens auraient des comptes dans une banque HSBC en Suisse soupçonnée de plusieurs cas d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent. Revenu Canada a confirmé avoir reçu les dossiers concernant des Canadiens et affirmé qu'ils seront étudiés un par un.

    Donc leur choix est clair ils ont choisis ces canadians royalistes colonialiste et impérialistes l'individualisme capitaliste à l'extrème tout en s'amusant à détruire la Nation Québecoise partout au Canada
    Vive le Québec libre, indépendant , ouvert sur le monde et de moins en moins américanisé à la Mickey Mouse dans toutes les violences d'Hollywood

  • Archives de Vigile Répondre

    29 septembre 2010

    Monsieur Le Hir, vos observations font réfléchir,j'apprécie beaucoup votre critique tout à fait objective. Richard Leblanc