La face cachée de la grande séduction

Les profits en Alberta, les déversements au Québec

Tribune libre

Quand une compagnie juge important de se présenter avec les « détails » de son projet dans une tribune libre d’un journal local, on est en droit de se poser bien des questions.
Par le biais de son porte-parole, M. Philippe Cannon, la compagnie TransCanada se dit chef de file du développement responsable et de l’exploitation fiable. Voyons voir. Elle présente un projet de pipeline long de 4400 km. Les premiers 3000 km unissent l’Alberta à l’Ontario et ont été conçus sous forme de gazoduc, il y a 40 ans. Inquiétant! Il s’agit du même genre de pipeline converti que celui de Keystone 1, dont la compagnie prévoyait un déversement aux sept ans mais qui, dans les faits, a fui douze fois en douze mois. Rassurant! Reste encore à franchir 1400 km pour se rendre, en toute fiabilité, au Nouveau-Brunswick. Une fiabilité qui a fait doubler les incidents depuis dix ans. Cette fameuse fiabilité qui, en Alberta, crée sept déversements par semaine. Troublant!
En déclarant un investissement de 1 milliard de dollars en sécurité, la compagnie affirme que: « … le programme est important pour garantir que notre système d’infrastructure énergétique fonctionne de manière conforme à sa vocation première. » Tiens donc! Cette fonction première n’est pas respectée pour les premiers 3000 km de pipelines. Ça commence mal!
Nous faisons donc face à un « chef de file » se vantant que le tiers de son énergie produit ne dégage aucune émission de GES. Mais attention! Le projet dégagera 32 millions de tonnes de GES par année, soit l’équivalent d’une augmentation de 7 millions de voitures sur les routes québécoises!
S’il semble rassurant d’apprendre que de ce projet de 12 milliards de dollars sera entièrement financé par TransCanada, il le devient moins quand Brigid Rowan, économiste sénior au cabinet d’experts conseils en énergie et économie Goodman Group Ltd, affirme que « le Québec se retrouvera à assumer la presque totalité des risques et des coûts engendrés par les déversements et les autres impacts environnementaux… ». Qui donc devra payer la facture?
TransCanada se donne comme objectif d’éliminer la dépendance québécoise au pétrole étranger. Pourtant, Brian Ferguson, le PDG de Cenovus qui exploite les sables bitumineux a affirmé vouloir accéder à un port de l’Est du pays. Il soulignait que « l’option d’exportation est la plus séduisante de la proposition de TransCanada, (…) pour expédier du volume vers le Golf des États-Unis, en Asie ou en Europe à partir de St-John ». TransCanada a d’ailleurs annoncé le projet d’Énergie Est en même temps qu’un partenariat pour construire un large port en eau profonde dans la Baie de Fundy. L’objectif étant d’exporter à partir des plus gros navires-citernes au monde.
Le Québec consomme 300 000 barils par jour pendant que le nouveau pipeline en transporterait 1,1 million. La demande québécoise serait de l’ordre de 7%, et celle de l’étranger de 70 à 90%. En somme, le projet est largement destiné au marché extérieur.
Le cabinet du groupe The Goodman Group Ltd analyse les retombées économiques comme étant négligeables. En matière d’emplois, il affirme que chaque million de dollars investi dans les projets de construction d’oléoducs se traduit par la création d’environ 8 années-personnes de travail. TransCanada parle même de 6 années-personnes. On peut comprendre que les 3600 emplois promis sont éphémères.
TransCanada affirme avoir bâti des relations solides et respectueuses avec plus de 60 000 propriétaires à travers l’Amérique du Nord. Toutefois, à ce jour, plus de 45 000 personnes ont signé une pétition contre le projet que cette compagnie veut implanter en sol québécois.
Il apparaît facile de se présenter avec ses plus beaux habits dans le journal local mais sachez que, parfois, le jupon dépasse un peu trop!

Benoit St-Hilaire

Rimouski

Membre du comité Non à une Marée Noire dans le St-Laurent
Regroupement Vigilance Hydrocarbures Québec
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http://www.arrondissement.com/tout-get-communiques/t1/pc1/u21144-transport-traitement-petrole-brut-sables-bitumineux-auront-retombees-minimes-pour-quebec
http://www.equiterre.org/fiche/projet-oleoduc-energie-est-transcanada
http://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/2013/11/04/oleoduc-pres-chez
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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2014

    Lorsque vous parlez de création d'emplois, il est décourageant de voir comment nos gouvernements ne se sont pas adaptés aux nouvelles réalités.
    J'ai relu un texte de monsieur Guy Paiement, un ami du cinéaste Pierre Falardeau qui avait d'ailleurs prononcé l'éloge funèbre de monsieur Falardeau à ses funérailles, un texte qui date de 2002. Monsieur Paiement dit ceci:
    "L’État, pour sa part, a pris acte des mutations en cours et tente de se mettre à l’heure des changements qui se dessinent. Mais il le fait encore trop souvent avec la mentalité d’hier. Comme s’il suffisait de trouver de meilleures techniques de gestion pour tout prévoir et tout encadrer. Comme s’il s’agissait de faire du retour à l’emploi une sorte de mantra et d’intégrer, à n’importe quel prix, les exclus aux structures économiques qui produisent et produi­ront encore des exclus.

    Voilà pourquoi des groupes de plus en plus nombreux rappellent au gouvernement qu’il lui appartient de jouer à fond la carte de sa propre compétence. Qu’il s’agisse de la Marche des femmes contre la violence et la pauvreté ou encore du Collectif pour une loi contre la pauvreté, des milliers de citoyens disent aux élus que notre société doit se donner des balises pour assurer le développement des personnes et de leurs milieux et être ainsi en mesure de jouer un rôle original dans le nouveau contexte mondial; que cette tâche appartient en propre à l’État et qu’il y gagnerait à ne pas utiliser les régions ou les milliers de groupes communautaires pour se dérober à sa tâche. On pense, bien sûr, à une politique fiscale qui chercherait clairement à diminuer les écarts entre les différentes catégories de citoyens. On songe à un grand débat sur un revenu minimum garanti ou encore un revenu de citoyenneté. On pourrait ajou­ter une politique de la famille et de la population, ou encore une redéfinition du rôle du député ou de la possibilité d’un vote proportionnel. Toutes ces propositions circulent depuis un certain temps, mais nos décideurs donnent l’impression d’avoir peur de ce qui ne sort pas de leurs officines."
    http://cjf.qc.ca/fr/relations/article.php?ida=2084
    Seulement de savoir que ceci a été écrit il y a douze ans et que rien n'a changé au niveau de la gouvernance est totalement déprimant.
    En réalité, il y aurait moyen de prendre soin et des citoyens et de l'environnement s'il y avait volonté politique à cet égard, ce qui ne semble malheureusement pas le cas.

  • Stéphane Sauvé Répondre

    14 juin 2014

    Merci pour ces informations. C'est donc grand temps pour nous, de prendre "nos affaires" en main.
    Voici ce qui devra se produire pour contrecarrer les plans de nos "opportunistes" québécois:
    1. Via la mise en oeuvre d'une stratégie de communication efficace, harnacher le potentiel des réseaux sociaux;
    2. Agir sur l'inconscient des Québécois à travers la production de messages forts sur l'importance d'affirmer nos valeurs liées à la protection de notre écosystème;
    3. Consolider le réseaux des organisations indépendantistes à travers une meilleure direction de nos efforts pour l'affirmation factuelle de notre indépendance;
    J'arrête là pour le moment, mais chose certaine l'amélioration du site Vigile.net pour appuyer cet effort de consolidation est impérative.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juin 2014

    On jase là. Vous vous souvenez sûrement du jeu de "Monopoly" de notre enfance. Quand tu t'arrêtait sur Boardwalk et que se n'était pas à toi, ça coûtait très cher. Faudrait peut-être s'en inspirer.
    En anglais il y'a une expression "Business as usual"
    Quand on a une chance à saisir il ne faut pas la manquer parce qu'elle ne se répètera pas de sitôt.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juin 2014

    En conclusion: Donc l'argent que nous recevons d'Ottawa peut-être
    considéré comme des redevances et non de la péréquation.
    Qui aura le courage de leur faire savoir ??????