La gouvernance comme méthode

La gouvernance comme menace

Réplique à ceux d'O.N.

Tribune libre

L’institution fédérale n’a jamais été menacée ni par René Lévesque ni par Claude Morin, et moins encore par Jacques Parizeau. On peut croire le contraire évidemment, et on le croit souvent, que les deux référendums québécois auraient donné la frousse aux fédéralistes. Mais cela est-il si certain dans le cas des « fédéraux », qui restent à ce jour les maîtres du jeu ? Voilà bien une question qui est soigneusement occultée dans notre camp.
Le parti O.N. n’agit pas différemment maintenant de ce qu’une vieille génération de boomers avaient cru pouvoir faire il y a longtemps, et qui s’imaginaient que la Marche vers l’Indépendance portait un caractère inéluctable quant à sa Destination. Nous commençons seulement à deviner et percevoir qu’il n’y rien d’inéluctable en cette matière comme en bien d’autres, et que Nous sommes aussi vulnérables en tant que québécois que Nous l’étions en tant que canadiens-français. À ce jour, et peu importe ses moyens, c’est la stratégie des « fédéraux » qui a fonctionné. C’est cette stratégie-là qui doit être mise en échec, et non pas celle du P.Q. Marois.
Pour un avenir prévisible, sur un très long terme, l’institution fédérale n’aura aucune crainte provenant d’un n ième nouveau parti indépendantiste, qui reprend différemment ce qui n’a jamais beaucoup marché. Cela vaudrait la peine de remarquer que les « fédéraux » ont appris depuis longtemps qu’il n’y avait rien à craindre de la prise du pouvoir « provincial » par les indépendantistes québécois, tout particulièrement et surtout s’ils persistent à bavasser sur la tenue d’un éventuel référendum.
Je soumets que les « fédéraux » de craignent pas du tout les indépendantistes, ni maintenant ni demain, et moins encore demain que maintenant… ils ne craignent ni une prise du pouvoir, ni un référendum indépendantiste, ni le L.I.T. d’O.N., non plus que la gouvernance souverainiste. Aucune de toutes nos incantations ne les menace. Les « fédéraux » (rouges bleus et oranges) ont la tête bien plus tranquille que le cœur évidemment, et ne craignent au fond qu’une seule chose, bien imprévisible : que le ciel leur tombe sur la tête. Et pourtant…Et pourtant, malgré qu’ils croient être dans le sens de l’Histoire, ils n’ont pas tout prévu. Il y a bien cette petite chose qui les titille souvent, un certain regard sur l’avenir, une fidélité certaine surtout, qui les agacent souverainement, et d’où il pourrait provenir contre eux une immense menace, imprévue, imprévisible, une menace qu’ils pourraient bien cette fois ne pas pouvoir ni prévenir ni contenir.
Il n’y a qu’une seule et unique chose qui agace et incommode l’électorat fédéraliste, mais qui, au-delà de simplement incommoder son électorat, menace directement les « fédéraux » - toute cette gang de dinosaures très bien circonscrits par Andrée Ferretti dans son dernier texte sur Vigile- si les indépendantistes finissaient par se mettre en règle avec eux-mêmes…et avec cette exigence incontournable : l’exercice du pouvoir lui-même.
Au-delà de la Cause Indépendance, enfouie dans nos cœurs, il est à la portée de l’électorat indépendantiste de peser lourdement de tout son poids légitime et parfaitement démocratique, de façon à incruster dans la gestion de l’État québécois un élan qui porte bien plus loin et bien plus longtemps que l’effervescence d’un simple référendum. Durer longtemps au pouvoir. Y rester de telle façon que cet exercice porte en soi une menace si simplement « incommodante », alors pourtant que sa portée réelle serait inconnue et imprévisible à tous les dinosauriens de chez nous.
Les menaces directes, toutes les menaces… des jeunes ou des vieux partis, l’institution fédérale sait parfaitement comment y réagir. Cela nous a été démontré amplement depuis aussi loin que 1970...
C’est au contraire la menace diffuse, d’apparence anodine, celle qui n’en serait pas une tellement elle aurait l’air ordinaire, débonnaire même à l’occasion, bref, tout le contraire de la menace tendue comme une vieille corde de violon, elle toujours prête à se rompre, et qui de fait, hélas, s’est rompue chaque fois, qui consisterait à mettre tout à fait gratuitement, et remettre encore et encore, et encore, et encore contre tout bon sens, remettre toujours le pays sur la table, et toujours sous le prétexte de « mobiliser », alors que c’est le plus sûr moyen de démobiliser notre Cause¹.
C’est plutôt l’exercice tranquille et assuré du pouvoir « provincial », tenace, sur le long- c’est un exercice évidemment sans panache- mais c’est cet exercice qui peut le plus rassurer l’électorat fédéraliste (qui devra l’être tôt ou tard) mais insécuriser hautement l’institution fédérale, la tenir en haleine et tenir les « fédéraux » sur le qui-vive, ce qui n’est jamais-jamais arrivé dans le passé, si l’exercice souverainiste reste fidèle, bien évidemment aussi.
S’ils sont au pouvoir, il pourrait donc suffire aux indépendantistes québécois de renouer avec la fidélité et la patience des canadiens-français, qui ne se sont jamais laissé faire et qui ont dû ruser. Nous avons maintenant, oui, oui, Nous encore, les québécois et les québécoises, Nous avons des moyens que les nôtres n’avaient pas. Il pourrait suffire, en effet, de faire en sorte que les « fédéraux » se mobilisent en permanence, eux, mais pour rien et en pure perte… plutôt que toujours-toujours provoquer nous-mêmes la mobilisation du camp fédéraliste en temps opportun, pour les seuls intérêts des « fédéraux », selon leur stratégie et selon leur agenda.
Ceux qui gagnent à la fin sont ceux qui contrôlent l’agenda politique, ce à quoi les indépendantistes ont toujours négligé de faire lorsqu’ils pouvaient le faire, et ce à quoi ceux d’O.N. paraissent si indifférents maintenant, alors pourtant que la conjoncture politique nous est tellement défavorable. Sommes-nous donc pour toujours condamnés à négliger le pouvoir parce que ce serait un pouvoir « provincial » ? Nous ne sommes condamnés à rien, si ce n’est à être plus imaginatifs que nos ennemis.
Il y a la gouvernance souverainiste. C’est une gouvernance sans panache. Je reconnais cela. C’est aussi une gouvernance… forcément « provinciale ». Certes, ce n’est pas très reluisant ni mobilisant une gouvernance « provinciale » sans panache. Mais depuis quand faudrait-il se fier au panache pour nous indiquer une Destination que nous connaissons tous par coeur ?
Ou devrons-nous subir toujours des chefs et des sous-chefs indépendantistes qui font trois petits tours, qui démissionnent et puis s’en vont ? En ce cas, nous mériterions notre mauvaise réputation…
Vivement l’union sacrée des indépendantistes. Qu’O.N. reprenne donc bientôt ses esprits puisqu’il n’a pas perdu son cœur !
¹ Le radicalisme d’O.N. témoigne éloquemment de la « démobilisation » à l’égard de l’Indépendance elle-même. Cela n’est pas contradictoire avec la fougue de ce jeune parti, c’en serait plutôt le corollaire.


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9 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    3 juillet 2013

    @ Gaston Carmichael
    Vous avez peut-être raison. Majoritaire ou minoritaire…Mais il me semble que votre position est « jusqu’au boutiste ». Même lorsque les indépendantistes sont dans l’opposition, l’idée d’Indépendance est combattue âprement par les « fédéraux », qui y trouvent leur compte. Est-ce que la vérité ne serait pas que même au « pouvoir », l’idée d’indépendance reste une idée dans l’opposition tellement elle s’inscrit à contre-courant de la pensée dominante, à tendance totalitaire ?
    Puisque par deux fois notre voix n’a pas été entendue, aussi bien se provisionner en cailloux plutôt que rester les mains vides, si évidemment on espère pouvoir parler un jour un bâton à la main… Convaincre ici, c’est vaincre. C’est hélas le seul choix qu’on nous laisse.

  • Stéphane Sauvé Répondre

    2 juillet 2013

    Pourquoi ne pas avoir contre-attaquer avec une campagne publicitaire pour dénoncer cette nouvelle intrusion du fédéral ?
    N’était-ce pas là une belle opportunité de démontrer aux québécois que l’idée de la souveraineté n’est pas si farfelu.
    Monsieur Haché,
    Vous répondez quoi à la question de M. Carmichael ?
    ______
    Je vous suis sur le fond, nous devons nous unir et au plus sacrant mais pourquoi diantre devons-nous le faire autour d'une politicienne qui nous prouve semaine après semaine de son incompétence et son manque de vision ?

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juillet 2013

    @M. Haché:
    "Je souhaite simplement que les indépendantistes se regroupent afin de peser lourdement, longtemps surtout, avec un gouvernement majoritaire sur le pouvoir provincial, et qui ne soit pas contraint d’agir avec les deux jambes coupées. "
    Que le PQ soit à la tête d'un gouvernement majoritaire ou minoritaire n'empêchera aucunement le fédéral de lui couper les deux jambes. Il en a le pouvoir. Pourquoi s'en priverait-il?
    Même qu'avec un gouvernement majoritaire, cela pourrait être encore plus vicieux.

  • Marcel Haché Répondre

    1 juillet 2013

    @Éric Lévesque.
    Je reconnais volontiers votre détermination. S’il ne s’agissait que de détermination, l’indépendance serait un fait accompli depuis longtemps. Martin Chabot, ci-haut, pose une très subtile question à laquelle vous devriez répondre…
    @ M. Pomerleau
    Merci d’être là et toujours rappeler que l’indépendance ne proviendra pas d’une danse d’avant guerre mais du combat lui-même…

  • Marcel Haché Répondre

    1 juillet 2013

    @ Gaston Carmichael
    Je partage beaucoup de votre analyse quant à l’action déstabilisatrice des « fédéraux ». Pour une fois qu’un commentaire me parvient qui ne participe pas au discours incantatoire des indépendantistes, je vous répondrais de la façon suivante, sans chercher à avoir raison absolument. J’ai beaucoup apprécié votre commentaire.
    Les indépendantistes n’ont été au pouvoir de l’état provincial que durant 4 ans, soit de 1976 à la tenue du premier référendum de 1980, tenu en fin de mandat. Lors des deux seules séquences de temps à l’intérieur desquelles le P.Q. fut au pouvoir, il s’est agi chaque fois de gouvernances déstabilisées, résultant chaque fois aussi en conjoncture « d’après référendum ». Les gouvernements péquistes n’ont alors jamais « trahi », ils ont été battus et défoncés sur l’article premier de leur agenda. Tout particulièrement le gouvernement Parizeau, battu, lui, dès le début de son mandat. Quelle « gouvernance » en est-il résulté alors chaque fois si ce ne fut une gouvernance forcément « provinciale » ? C’était chaque fois, eh oui, des « gouvernances souverainiste » avant l’heure, mais des gouvernances provinciales à qui les « fédéraux » avaient pris soin de leur couper les jambes. De fait, les deux séquences n’ont pas mené loin…
    Je souhaite simplement que les indépendantistes se regroupent afin de peser lourdement, longtemps surtout, avec un gouvernement majoritaire sur le pouvoir provincial, et qui ne soit pas contraint d’agir avec les deux jambes coupées. Il me semble que c’est la seule voie qui peut mener loin, si on accepte et si on prend en compte cette idée que le « temps presse »…
    Je ne suis pas de ceux qui croient que les indépendantistes ont tout le temps devant eux et qu’ils pourraient bouder le pouvoir provincial. Et tout particulièrement si les rouges manifestent l’intention de se rallier à la constitution de 82. Toute reconnaissance internationale serait alors fermée à double tour comme disent nos ennemis d’en face.
    Salutations


  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2013

    La difficulté que je perçois M, Haché avec la stratégie de la gouvernance souverainiste, c'est qu'un gouvernement provincial est totalement à la merci du gouvernement fédéral. Alors, jouer à ce jeu dont le règles sont imposés par l'adversaire est pratiquement voué à l'échec.
    Quand le couple Chrétien/Martin a équilibré le budget fédéral en coupant dans les transferts aux provinces, le couple Landry/Marois s'est retrouvé dans la schnoutte.
    Le budget du Québec fut tout simplement saboté. On se retrouvait sous la menace d'une décote, et des coupes douloureuses ont dû être effectuer en santé. À l'élection suivante, le PQ en a payé le prix. Durant neuf ans, Charest s'est amusé comme un petit fou à tourner le fer dans la plaie. N'a-t-on rien appris?
    Considérez les dernières initiatives du gouvernement Harper: réforme de l'assurance emploi, abolition des déductions fiscales pour les fonds de travailleurs, les nouvelles règles pour les travailleurs étrangers temporaires. Toutes de mesures susceptibles de causer des pertes d'emplois au Québec. Qui va en payer le prix politique?
    Il faut ajouter ce nouveau programme du fédéral qui transforme des transferts inconditionnels aux provinces pour la création d'emplois, en transfert conditionnels: http://plandaction.gc.ca/fr/initiative/subvention-canadienne-lemploi
    Plutôt que de négocier avec les provinces, Harper a lancé une campagne de pub télévisé pour vendre directement son programme aux citoyens. La réponse de la gouvernance souverainiste fut de faire appel au Conseil de la fédération afin de rallier quelques provinces à sa position. On se doute bien de comment tout cela va finir. C'est pas mal timorée comme réponse.
    Pourquoi ne pas avoir contre-attaquer avec une campagne publicitaire pour dénoncer cette nouvelle intrusion du fédéral?
    N'était-ce pas là une belle opportunité de démontrer aux québécois que l'idée de la souveraineté n'est pas si farfelu.
    Même chose avec la réforme de l'assurance emploi et l'abolition de la déduction fiscale pour les fonds de travailleurs. Où sont-elles ces pub qui expliquent au québécois qu'ils sont en train de se faire flouer par les forces fédéralistes?
    La gouvernance souverainiste m'apparaît tellement "soft" que je doute fortement qu'elle puisse produire des résultats.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    30 juin 2013

    Géopolitique 101
    L'enjeu : l'État.
    L'enjeu n'est pas un pays fantasmé mais bien le contrôle de l'État avec pour objectif d'en changer le statut : de province à État souverain.
    Le problème tient au fait que l'on confond le statut de province d'avec l'État du Québec.Et en méprisant le statut on méprise l'État : le véhicule du projet souverainiste.
    Le projet souverainiste s'inscrit dans la genèse de notre État, qui a changer de statut à différentes reprises durant sa trajectoire historique : De la cellule embryonnaire (Habitation de Québec) au territoire intégré à la France (Édit de création de 1663), à l'annexion de 1763, pour devenir une colonie britannique, et ensuite, ma cabane au Canada : 1867 (Confédération).
    Malgré cette longue chronique de l'enfermement dans les institutions politiques britanniques et canadiennes, qui vise notre assimilation. L'État du Québec a poursuivi son édification : de 1760 à 1960, l'Église de Rome, comme insitution politique, a assumé les deux missions premières de l'État : peupler et mettre en valeur le territoire (l'État est d'abord territoriale). Et fut l'armature de notre cohésion nationale.
    Avec la Révolution tranquille, les Habitants sont sortie de l'Église, (garantie de la cohésion nationale), pour s'investir dans un État modernisé. Hélas un demie État limité dans ses capacités d'agir sur son territoire par l'État canadien.
    Le défi qui se pose alors fut celui de sortir le Canada de notre territoire; en partie pour les tenants du "fédéralisme renouvelé" ou complètement pour les souverainistes.
    Ce qui se révèle avec le temps, c'est que les souverainistes ont délaissé l'édification de l'État pour la quête d'un pays qu'on obtient simplement suite à un choix démocratique majoritaire. Suite à la réaction de l'État canadien on doit conclure que ce pays est en fait un mythe, une vue de l'esprit. Durant cette quête les souverainistes ont perdu de vue le véritable enjeu : le contrôle de notre État et son édification. On a donc abandonné la proie (État) pour l'ombre (le Pays).
    Il est urgent de sortir de cette quête romantique du pays.
    Le projet souverainiste s'inscrit dans la continuité de l'édification de notre État depuis 400 ans. Il consiste a imposer nos compétences sur notre territoire. Donc d'en l'immédiat, d'en sortir l'État canadien pouce par pouce,partout où les rapports de forces sont favorables.
    JCPomerleau

  • Éric Lévesque Répondre

    30 juin 2013

    "Qu’O.N. reprenne donc bientôt ses esprits puisqu’il n’a pas perdu son cœur !" Le PQ a abandonné la cause pour la gouvernance souverainiste, le PQ a trahis son électorat et surtout les jeunes avec l'indexation des frais de scolarité, a trahis son électorat au niveau de la taxe santé, le budget Marceau, les ressources naturelles, le pétrole calvasse... Laissez tomber le PQ, il est que l'ombre de lui-même depuis 95. ON va reprendre le flambeau il fuat juste que les vieux indépendantiste arrête de chier dessus et épaule comme un bon mononcle ce parti. Qui le laisse se mobiliser sans l'influencer...

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2013

    Et si le pouvoir central et ses alliés avaient pris conscience de ce talon d'Achille? Et s'ils avaient en conséquence préparé l'implosion du parti amiral? http://myspace.com/benoitperron/music/song/bullshit-19693587