Cette stratégie annonce de nouveaux relais sur le Saint-Laurent. Le découvre quiconque l’analyse. Il découvre aussi qu’elle ne présente pas l'état des lieux, soit le contrôle des eaux au-delà des rives, les tirants d’eau, les infrastructures portuaires canadiennes, le volume des transits de marchandises et leurs destinations.
Il découvre enfin, mis à part le pôle logistique de Vaudreuil, des engagements flous : un pôle à confirmer à Contrecœur et des « zones industrialo-portuaires », dont une à Cacouna, les autres à identifier qui, ensemble, grugent 80 % d’un budget sur 15 ans de 9 milliards, dont 5 venant de fonds publics québécois, créant 30,000 emplois hypothétiques, le reste, 20 %, pour des activités traditionnelles et le tourisme maritime pour nantis d’ici et d’ailleurs.
Ces points ont été notés. Toutefois, il n’y a été fait mention aux modifications concernant la gestion des niveaux d’eau entre Cornwall et Trois-Rivières survenues lorsque se tint à Québec le « Sommet des gouverneurs et des premiers ministres des Grands Lacs et du Saint-Laurent ».
Dans les médias, on signala plutôt la participation du Québec à ce sommet, la promotion de sa stratégie et la protection de l’environnement. Pourtant, il fut principalement question de niveaux d’eau, de percées du marché du Québec et du recours au fleuve Saint-Laurent pour l’import-export d’entreprises à l’ouest de Cornwall.
Les modifications de la gestion des niveaux d’eau sont importantes. En plus d’intégrer la zone Cornwall-Trois-Rivières à celle du lac Ontario, elles altèrent le mode de gestion en cours depuis 1958 pour le rendre adaptatif, un choix en réponse aux préoccupations des riverains (entreprises et résidants) du nord du lac Ontario et à l’ouest de ce lac, dont l’impact se fera sentir au Québec, générant éventuellement des coûts.
Voilà quatre points (Vaudreuil comme pôle, Cacouna comme zone envisagée, nouveau cadre de gestion et mode adaptatif). Il y a plus. Selon les gestionnaires du port de Montréal, le choix de Vaudreuil favorisera le recours aux ports de la côte est des États-Unis, dont ceux des Maritimes, au détriment du port de Montréal, aussi de Trois-Rivières.
Vue ainsi, cette stratégie se moule dans la vision canadienne, qui est de recourir au fleuve Saint-Laurent pour les besoins des entreprises de l’ouest. C’est surement ce qui explique les failles, flous, choix et silences sur la nouvelle zone, mais surtout l’attention portée au développement du Québec alors que se renforce celui du Canada en territoire québécois.
Ce constat n’a rien de surprenant. Ce gouvernement est un promoteur du Canada dont l’assise de son développement est l’axe ouest-est est l’assise. Assise définie sous l’Acte d’Union, consolidée avec le Dominion of Canada, des investissements en Ontario lors de la Deuxième Guerre mondiale, des trente glorieuses puis après et l’est toujours à l’ère des sables bitumineux.
En s’y moulant, ce gouvernement s’ajuste au Canada et supporte directement l’Ontario qui entend renforcer son axe nord-sud avec Windsor comme plaque-tournante. Conséquemment, l’axe nord-sud du Québec, en expansion avec l’ALE et l’ALÉNA, devient secondaire, ce qu’il fut sous le gouvernement Charest qui ne bonifia pas ni le transport et ni mit en place des programmes pour hausser la compétitivité des entreprises qui s’y activent.
Pourtant, se trouve sur cet axe une zone stratégique pour le Québec, ce qu’ont compris les ressortissants français en 1774, les Patriotes, les Rouges dans les années 1864-1866, le PLQ dans les années 1960 et le PQ par la suite. Mais c’est une zone qui rebuta autant les Britanniques que les Canadiens, désireux d’aménager le Québec à leurs fins avec l’appui d’élites à leur service.
Cette stratégie en fait la démonstration. Qu’elle soit vague et muette sur des points névralgiques ne surprend pas, son objectif, à l’évidence, étant d’affirmer un alignement avec Vaudreuil et Cacouna, les suites devant s’y greffer. Là se trouve la portée de cette stratégie.
Ces suites seront cependant à milles lieux d’un recours au fleuve Saint-Laurent et à ses rives pour renforcer, via le transport (maritime, ferroviaire, routier et aérien), les liens entre les Québécois et les Québécoises et tirer avantage de la position du Québec entre l’Europe, le nord-est des États-Unis et l’ouest de Montréal.
À milles lieux parce qu’elles consolideront, par des infrastructures payées par les contribuables québécois, le fleuve Saint-Laurent et le Québec comme lieu de transit ouest-est. Des suites, somme toute, analogues à d’autres, antérieures, mais aussi à celles, plus récentes, associées à l’appel de la Caisse de dépôt et de placement pour le transport collectif sur le futur pont Champlain et le transport ferroviaire entre Hudson, l’aéroport Pierre Elliott-Trudeau et Montréal.
Au total, toutes des suites découlant de décisions prises par le Canada : 1) l’aménagement du fleuve Saint-Laurent selon les intérêts de l’ouest du Québec, 2) le choix de Mirabel plutôt que Saint-Hubert pour aéroport international, entraînant du coup la mise au rancart d’une liaison métro avec le sud-ouest de Montréal et 3) le refus d’un TGV Québec-Montréal, puis Boston et New-York via Albany pour promouvoir un projet analogue liant Québec à Windsor en passant par Montréal et Toronto.
En fait, des décisions avec des suites contraires aux intérêts du peuple québécois. Pour les renverser et stopper les détournements de fonds qu’elles annoncent, il n’y a qu’une façon : la prise en charge par le peuple québécois de son développement, ce qui implique un État indépendant du Canada, l’aménagement de son territoire terrestre, fluvial et maritime selon ses intérêts et la consolidation d’un « vivre ensemble » indépendamment du Canada et de sa cour suprême.
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
11 juillet 2015Géopolitique 101. Là on parle…
Cet article me parait tellement important qu’il devrait être au coeur même de l’Institut de recherche scientifique et appliquée sur l'indépendance du Québec promis par PKP et qui je l’espère sera annoncé dès cet automne.
Le Québec avec son fleuve et le golfe est dans une position géostratégique qui doit bénéficier d’abord aux québécois et non pas aux seuls impératifs du Canada qui cherche à développer l’Ouest davantage axé sur le pétrole avec une Alberta enclavée. Seule l’indépendance peut nous permettre de prendre notre envol dans cette direction de la prospérité et nous donner une voix originale dans le concert des nations.
Archives de Vigile Répondre
10 juillet 2015Exacte tant que nous ferons partie du ROC NOUS MANGERONS DE LA MERDE!
Réal Pelletier Répondre
10 juillet 2015J'aurais aimé, comme je l'ai expliqué dans Le Devoir, qu'une stratégie maritime pour le Québec prenne en considération l'affaiblissement du Centre-du-Québec, conséquence des décisions du gouvernement Marois de supprimer les ressources importantes que furent l'énergie atomique et l'amiante, décisions qui s'imposaient mais qui furent cruelles pour cette région. En favorisant de préférence l'ouest du Québec comme coeur de la future stratégie maritime, le gouvernement Couillard se trouve à avantager l'Ontario plutôt que le Centre du Québec.
Vous avez raison de dire que ce gouvernement est "un promoteur du Canada" et que "ce gouvernement s'ajuste au Canada et supporte directement l'Ontario".
L'heure est venue où le Québec devra se donner un grand axe de développement nord-sud, comme l'Ontario s'en donne un par le nouveau pont Windsor-Detroit, ainsi que vous le signalez..
Nos facultés universitaires auraient intérêt à concevoir la création d'un chemin de fer tout électrique qui éventuellement reiierait la baie d'Ungava à l'extrémité sud de la Patagonie, c'est-à-dire de l'Arctique à l'Antarctique. Aluminium, nickel, autres produits miniers et produits forestiers prendraient le chemin du sud et fruits et légumes nous arriveraient assez frais du Chili et d'argentine en même temps que leurs vins, auxquels s'ajouteraient les fruits de Floride.
Bien sûr que divers États américains n'apprécieraient pas pareille initiative, mais peut-être en arriveraient-ils aussi à saisir l'intérêt de faire disparaître une part de l'embêtant trafic par camions.
Pour les jeunes Québécois, des études de niveau universitaire de diverses natures seraient profitables de diverses manières : comment construire un chemin de fer tout électrique sur le pergélisol en voie de disparaître, de faire un chemin de fer pouvant s'adapter au Grand-Nord aussi bien qu'aux zones tropicales, surmonter toutes les difficultés politiques et diplomatiques d'un bout à l'autre du circuit, comment alimenter en électricité verte ce long chemin de fer tout le long du circuit, comment ajuster des fonctions touristiques sur un aussi long parcours, etc.
Bref, faire naitre autour de ce projet un axe tout à fait moderne de transport nord-sud, après deux siècles d'aménagement ferroviaire est-ouest.
Pareil chemin de fer traverserait le Saint-Laurent à la hauteur de Trois-Rivières, histoire de dégager Montréal et Québec d'engorgements trop considérables.