La survie du français : un enjeu existentiel

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Appel à l’action

Le déclin du français au Québec, particulièrement dans la grande région métropolitaine de Montréal où seulement 48% de la population utilise le français comme langue d’usage, ne cesse de prendre de l’ampleur. 


Devant cette situation pour le moins inquiétante, le premier ministre, François Legault, lors de son discours inaugural de la session parlementaire, a déclaré que la protection du français au Québec figurait dans ses premières priorités en tant qu’«enjeu existentiel». Toutefois, nonobstant l’immigration qu’il veut limiter à des immigrants francophones ou francotropes, aucun autre moyen concret n’a été mentionné.


Appel au réveil national


De son côté, le nouveau ministre responsable de la langue française, Jean-François Roberge, devant la baisse croissante de l’utilisation du français au Québec, fait appel à un réveil national.


Dans un premier temps, les nouvelles générations post-référendaires de 1995 vivent complètement dans un autre monde, là où la notion même de souveraineté n’est qu’un nuage dans le ciel politique du Québec. Quant à ceux qui ont vécu la Révolution tranquille des années 60 et le référendum de 1980, ils ont été fortement ébranlés par la défaite de 1995, d’autant plus que depuis lors, la souveraineté a été soigneusement rangée dans le placard.


Et, c’est dans un tel contexte que le peuple du Québec va retrouver comme par magie la flamme souverainiste et porter, à lui seul, le flambeau de la protection de la langue française au Québec? En termes clairs, le réveil national prôné par Jean-François Roberge tiendra carrément de l’utopie tant et aussi longtemps que le ministre ne s’impliquera pas politiquement et concrètement dans la survie du français.


Loi 96


Rappelons qu’en février 2022, le Parti Québécois (PQ) proposait de rendre obligatoire, pour les élèves issus du réseau scolaire francophone, la fréquentation du cégep francophone. Inquiet de la tendance actuelle, le PQ soutenait que, depuis 1995, la part des étudiants collégiaux qui fréquentent les cégeps en anglais et leur pendant privé subventionné est passée de 14,9% à 19%. Une situation pour le moins inquiétante qui n’a pas eu l’heur de convaincre le premier ministre.


Aujourd’hui, François Legault veut faire de la survie du français sa priorité des priorités, alléguant qu’elle est intimement liée à la politique d’immigration et que tous les nouveaux arrivants choisis par le Québec devront parler français. De plus, le premier ministre mise sur le fait que les étudiants étrangers s’inscriront dans les cégeps et universités francophones.


Or, dans l’état actuel de la loi 96, les immigrants parlant français seront-ils obligés de fréquenter le cégep francophone? Sinon, ne risquent-ils pas d’être tentés par l’attractivité de l’anglais dans le monde des affaires?


Outils de consultation


En théorie, après six années de primaire et cinq années de secondaire pendant lesquelles les élèves ont été soumis à moult évaluations en français, on s’attendrait à ce qu’ils maîtrisent tout au moins raisonnablement la qualité de leur français écrit lorsqu’ils arrivent au cégep.


Or, selon l’Enquête sur la réussite à l’enseignement collégial réalisée auprès de 30 000 cégépiens en 2021 dans le cadre du chantier sur la réussite, la qualité du français écrit, lors de leur première année au cégep, est pitoyable. Plusieurs étudiants font jusqu’à 40 fautes dans un texte de 200 mots, ce qui représente une faute tous les cinq mots. Et, là où le bât blesse avec le plus d’acuité, c’est que ces fautes relèvent pour la plupart des notions contenues dans le programme du primaire.


Mais, d’où provient le problème dans un contexte où, pourtant, les étudiants ont accès à des dictionnaires et des grammaires pour corriger leur texte? À mon avis, l’origine du problème remonte au secondaire, à savoir que les élèves ont pris l’habitude de rédiger des textes à l’écran avec l’aide d’un dictionnaire en ligne et d’un logiciel de correction, tel Antidote. En termes clairs, les étudiants rencontrent un mur lorsqu’ils sont confrontés à un dictionnaire papier et à une grammaire, des manuels avec lesquels ils n’ont jamais travaillé.


Pistes de solution


D’abord et avant tout, les notions grammaticales, syntaxiques et lexicales doivent s’échelonner sur toute la durée du secondaire et se prolonger au collégial pour être approfondies.


Ensuite, les outils de consultation au secondaire doivent s’arrimer avec ceux du cégep, à défaut de quoi le français écrit continuera d’être perçu comme de la bouillabaisse par les nouveaux cégépiens.


Enfin, seule l’obligation de fréquenter le cégep francophone aux élèves québécois issus du réseau scolaire francophone et aux étudiants immigrants de langue française pourra contrer efficacement l’exode vers les cégeps et les universités anglophones. Dès lors, le gouvernement Legault fera la preuve que la survie du français au Québec représente un véritable «enjeu existentiel».



PHOTO STEVENS LEBLANC


Henri Marineau, ex-enseignant de français au secondaire