La thèse du racisme québécois invalidée

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Le rapport ambigu des Québécois à la religion explique ce malaise face aux communautés minoritaires revendicatrices


Le faible sentiment religieux explique mieux que le racisme pourquoi les Québécois s’opposent davantage aux accommodements raisonnables que le reste des Canadiens, conclut une nouvelle étude qui «invite à la nuance».


Ayant grandi en Ontario, Anja Kilibarda, 27 ans, a longtemps cru à cette idée répandue que les Québécois étaient racistes et que cela expliquait qu’ils soient nombreux à être contre les accommodements religieux.


Puis, en étudiant à Montréal en 2013 et en découvrant l’histoire du Québec, elle a commencé à douter. Et si la réalité était plus complexe? Elle a donc consacré son mémoire de maîtrise à la question.


Ses travaux et ceux de ses collègues ont mené à la publication d’une étude diffusée par l’Université de Montréal mardi.



Anja Kilibarda, Doctorante, Université Colombia

Photo Courtoisie

Anja Kilibarda, Doctorante, Université Colombia




Moins religieux


L’opposition aux accommodements religieux est environ trois fois plus élevée au Québec qu’ailleurs au Canada, constatent les auteurs, qui ont analysé les données de trois enquêtes.


Or, le sentiment religieux des Québécois a «remarquablement» chuté au cours des 50 dernières années, alors qu’il est plutôt demeuré stable dans le reste du Canada, explique André Blais, professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal.


«On est passé d’un des peuples les plus religieux du monde à un des moins religieux. C’est une histoire très particulière», abonde Yannick Dufresne, professeur adjoint à l’Université Laval et premier auteur de l’étude.


Plus les gens disaient accorder de l’importance à la religion dans leur vie, plus ils étaient en faveur des accommodements.


Préférence pour les Blancs?


Les données révèlent que les Québécois ont une attitude semblable à celle des autres Canadiens envers les groupes raciaux, comme les Noirs et les Autochtones. Ils ont toutefois une attitude plus négative vis-à-vis des minorités religieuses, c’est-à-dire musulmans, juifs et sikhs.


Les auteurs ont aussi remarqué que les Québécois qui avaient une préférence raciale pour les Blancs n'avaient pas plus tendance à avoir une attitude négative envers les groupes religieux.


L'hypothèse du racisme ne tient donc pas la route, conclut M. Dufresne. Ces résultats viennent nuancer les discours simplistes qu’il entendait à l’époque où il étudiait à Toronto.


C’est le faible sentiment religieux qui distingue les Québécois du reste du pays, et non le racisme, conclut André Blais.


Alors pourquoi le gouvernement Legault tient-il à garder le crucifix à l’Assemblée nationale? «C’est une contradiction, admet M. Blais. Mais je crois que s’il décidait de l’enlever, le coût électoral serait faible.»


Reste que les auteurs ne nient pas qu’il y ait du racisme au Québec. Surtout après la publication d’histoires comme celle du joueur de hockey Jonathan Diaby qui a été victime d’insultes, illustre M. Blais.