NATIONALISME

Qui gagnera la guerre contre le multiculturalisme?

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La défense de l'identité nationale pour relancer l'indépendance


Il y a quelques jours, le jeune auteur Étienne-Alexandre Beauregard annonçait sur les médias sociaux que son premier livre, Le Schisme identitaire: Guerre culturelle et imaginaire québécois, publié chez Boréal, allait en réimpression. Ce succès est pleinement mérité. 


Depuis quelques années, le Québec connaît un basculement politique, alors que la question identitaire prend de plus en plus de place dans le débat public. C’est ce que cherche à décrire M. Beauregard.  


Ce dernier cerne bien l’émergence de l’enjeu identitaire qui influence beaucoup les clivages partisans. Ce sujet oppose le camp nationaliste, incarné par le PQ et la CAQ, et le camp multiculturaliste, composé du PLQ et de QS. J’ajouterais à ce qu’écrit M. Beauregard que ces deux derniers partis s’appuient sur le Canada anglais, où le multiculturalisme est devenu une doctrine d’État enchâssée dans la Constitution. 


Cette cassure est devenue plus délicate que l’antagonisme entre gauche et droite, ou fédéralisme et souverainisme. Elle s’articule autour de questions chaudes comme la langue, la laïcité et l’immigration. Sur ce dernier enjeu toutefois, notons ici que le PQ occupe seul le camp nationaliste, puisque la CAQ haussera substantiellement les seuils d’immigration cette année, sans se soucier de l’impact sur le français. 


Beauregard examine avec minutie les différentes idéologies hégémoniques au Québec depuis les années 1960. Si un certain nationalisme régnait au moment de la Révolution tranquille, un multiculturalisme de plus en plus exacerbé domine maintenant les médias et les institutions. 


L’essayiste analyse très bien cette radicalisation à la suite du référendum de 1995, alors que les fédéralistes ont délaissé le discours sur le «fédéralisme rentable» de Robert Bourassa pour se rapprocher des thèses de Pierre Trudeau, le père du régime de 82, dont le but est d’effacer la nation québécoise dans le grand tout multiculturel canadien. Cette position est flagrante aujourd’hui avec le refus de Dominique Anglade de défendre la loi 21 contre les juges fédéraux à l’aide de la clause dérogatoire.


La gauche québécoise a elle aussi abandonné la défense de la nation. Québec solidaire a troqué son nationalisme d’antan pour un wokisme assumé qui emprunte la lunette racialiste. QS fait ainsi le jeu de la majorité canadienne-anglaise, pour qui le multiculturalisme canadien est un bazooka contre les Québécois. Ceux-ci sont constamment accusés de racisme, un discours repris par les qsistes. Comme je l’ai déjà noté dans ce blogue, QS est solidaire avec toutes les minorités... sauf la minorité nationale québécoise!  


En réponse à cette évolution du contexte politique, les souverainistes ont trop longtemps senti le besoin de jouer le jeu de leurs adversaires, même au risque de vider le projet de pays de son sens profond, soit la lutte pour la survie du peuple québécois. Pour défendre la patrie, il faut s’assumer haut et fort et accepter d'affronter cette doxa hostile à la différence québécoise. Il faut un discours décomplexé et fermement ancré dans le désir de durer. Ironiquement, si l’idéologie diversitaire canadienne est majoritaire dans les institutions et dans les grands médias, les Québécois s’y opposent en grande majorité. Ces derniers ne demandent pas mieux que d’appuyer ceux qui s’opposent au multiculturalisme.


Pour Étienne-Alexandre Beauregard, la principale priorité des nationalistes doit donc être de gagner la guerre des idées, en s’assumant toujours davantage sur les enjeux identitaires. Je me permets d’ajouter que le débat sur la place du Québec dans le Canada demeure aussi essentiel. Pour des raisons purement circonstancielles, selon moi, cet enjeu a perdu de son importance depuis plusieurs années. Il est toutefois impératif pour les souverainistes d’articuler et d’incarner leur opposition au régime, notamment en attaquant la constitution de 82 qui nous a été imposée et dont nous subissons chaque jour les conséquences funestes. 


Il n’en demeure pas moins que celui qui livrera bataille aux multiculturalistes canadiens se trouvera en excellente position pour avoir l’appui de beaucoup de Québécois. Voilà la réflexion centrale que je me fais au sortir de la lecture du livre d’Alexandre Beauregard. Je vous recommande fortement de le lire. 



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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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