Excédés par le manque d’écoute du gouvernement Legault, les chefs de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) ont annoncé jeudi le lancement d’une « Stratégie d’affirmation de leurs droits à l’autodétermination ».
Réunis à l’hôtel Sheraton de Montréal en assemblée, les chefs ont décidé au terme de deux jours de délibération de créer le Bureau de l’autodétermination et de l’autonomie gouvernementale.
« J’aimerais rappeler au premier ministre François Legault que non, nous sommes bien vivants, les Premières Nations sont bien vivantes et engagées face à leur avenir », a déclaré le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, en clôture de l’évènement. Il faisait alors référence à une blague du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) lancée la veille à l’endroit du député libéral Pierre Arcand.
Sauf que Ghislain Picard, lui, n’était pas d’humeur à rire. Depuis le début du mandat de la CAQ, en 2018, les Premières Nations « se sont prêtées aux exercices de consultation, [ont entrepris] de proposer des solutions, de proposer des amendements à des projets de loi clés », mais « on sent que la porte est loin d’être ouverte ».
De nombreuses récriminations
À quelques mois des prochaines élections générales au Québec, l’APNQL entend bien faire entendre ses revendications.
Parmi les nombreuses récriminations de l’APNQL : l’absence de ses recommandations dans le projet de loi 15 visant à réformer la Loi sur la protection de la jeunesse et le recul de Québec sur l’inclusion de la notion de sécurisation culturelle dans la modification de la Loi sur la santé et les services sociaux.
Comme autre exemple du peu de considération accordée par le premier ministre François Legault aux enjeux qui préoccupent les Premières Nations, le chef Ghislain Picard se souvient de son passage au Grand Cercle économique des Peuples autochtones et du Québec en novembre dernier.
On a fait des pieds et des mains, on a dû négocier pour permettre aux chefs de poser trois questions au premier ministre, trois questions. Après ça, il est allé passer 45 minutes avec vous, représentants des médias. Ce n’est pas une relation qui est prise au sérieux, et il y a sûrement autant d’exemples que de chefs derrière moi aujourd’hui.
Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador
La Stratégie d’affirmation du droit à l’autodétermination adoptée durant l’assemblée de l’APNQL prévoit la création d’un « Bureau de l’autodétermination et de l’autonomie gouvernementale ». Ce nouveau mécanisme doit permettre, entre autres, à l’APNQL :
- d’accroître les capacités des Premières Nations de développer leurs propres lois adaptées à leurs réalités ;
- de mettre en commun des ressources sur l’autonomie gouvernementale, les pouvoirs législatifs et le droit à l’autodétermination ;
- de mener des recherches dans les domaines d’intérêt pour l’autodétermination.
Des inquiétudes vis-à-vis la réforme de la loi 101
Au côté de Ghislain Picard, la grande cheffe de la communauté mohawk de Kahnawake, Kahsennenhawe Sky-Deer, s’est dite soulagée de la décision du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, de finalement rejeter un amendement proposé par le Parti libéral du Québec à sa réforme de la loi 101.
Cet amendement, s’il avait été inclus dans la version finale de la loi 96, aurait obligé les élèves des cégeps anglophones, y compris les ayants droit (c’est-à-dire ceux qui ont étudié en anglais au primaire et au secondaire), à suivre trois cours de leur formation collégiale en français afin d’obtenir leur diplôme.
Or, des membres de la communauté de Kahnawake, dont les deux premières langues sont le mohawk et l’anglais, auraient été injustement touchés, selon la grande cheffe Sky-Deer. Le fait que tous les cégépiens de la province devront obligatoirement suivre au moins trois cours de français selon la réforme proposée – à défaut de trois cours en français – continue de l’inquiéter.
« Ce qui est le plus important pour les communautés autochtones, c’est que l’on puisse d’abord parler nos langues à nous, avant tout. […] Notre priorité doit être de pouvoir parler les langues autochtones, et non pas des langues étrangères », dit-elle.
Des recherches pour 55 enfants disparus
Québec mène des recherches pour éclaircir les circonstances de la mort ou la disparition de 55 enfants autochtones, dont 24 Atikamekw et 23 Innus. Ces données officielles émanent du premier rapport des six mois de l’application de la nouvelle loi 79, qui vise à donner des réponses aux familles autochtones endeuillées depuis des décennies. Le document a été déposé par le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, jeudi à l’Assemblée nationale. Il doit le soumettre ce vendredi en communauté, à Pakua Shipu sur la Basse-Côte-Nord où des cas d’enfants disparus ont été rapportés. Les 55 dossiers d’enfants ont été regroupés sous 35 demandes officielles, dont 30 sont actives. Il faut comprendre que dans certains cas, une famille peut être à la recherche de plusieurs enfants. Selon le rapport, au moins neuf attestations de décès ont été retrouvées.
Fanny Lévesque, La Presse