La Turquie et l’hypothèse gaullienne

la Turquie occupe aujourd’hui une position exceptionnelle dans les relations internationales et imprime à la grande chaîne crisique, directement depuis quelques semaines, un rythme qui ne l’est pas moins

Géopolitique — Proche-Orient

On commence à le savoir même chez ceux qui n’aiment pas les changements, comme nous l’avons maintes fois répété dans les “pages” de ce site depuis plusieurs semaines : la Turquie occupe aujourd’hui une position exceptionnelle dans les relations internationales et imprime à la grande chaîne crisique, directement depuis quelques semaines, un rythme qui ne l’est pas moins. Nous nous demandons ici à quoi correspond cette politique, quels sont ses fondements et comment elle s’est développée, et quels sont ses buts.
Si ce type de commentaire est souvent centré d’une façon conjoncturelle sur Erdogan, qui a sans aucun doute ses qualités propres, il ne fait aucun doute qu’il y a une pensée collective dans la direction turque pour la conception et la réalisation de cette politique. On cite notamment le ministre des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, qui fut auparavant au cabinet d’Erdogan. Anthony Shahid, du New York Times, ne manquait certes pas, le 18 septembre 2011, de souligner la dimension intellectuelle de la démarche de Davutoglu :

«The foreign minister, 52, remains more scholar than politician, though he has a diplomat’s knack for bridging divides. Cerebral and soft-spoken, he offered a speech this summer to Libyan rebels in Benghazi — in Arabic. Soon after the revolution in Tunisia, he hailed the people there as the “sons of Ibn Khaldoun,” one of the Arab world’s greatest philosophers, born in Tunis in the 14th century. “We’re not here to teach you,” he said. “You know what to do. Ibn Khaldoun’s grandsons deserve the best political system.”»

Nous verrons qu’il y a au-dessus de tout cela, des volontés et des conceptions des hommes en charge, une logique et une dynamique dans la politique développée par la Turquie, qui se marient avec un courant antiSystème supérieur. Ce sont évidemment ces aspects qui nous intéressent principalement, cette dynamique supérieure et la position qu’on peut lui attribuer dans notre schéma général de la situation de crise où nous nous trouvons. Il y a longtemps qu’Erdogan et son parti sont au pouvoir mais il y a beaucoup moins de temps qu’ils sont devenus “révolutionnaires” comme on les voit aujourd’hui. Nous pensons qu’il y a, dans cette évolution récente, des facteurs conjoncturels et des facteurs structurels, des facteurs propres à la direction turque et des facteurs propres à l’évolution des relations internationales. Nous allons essayer de proposer un “calendrier” qui nous soit propre, de l’évolution turque. Ensuite, nous tenterons d’analyser la substance de cette évolution dans la résultante dynamique qu’on constate aujourd’hui.
• D’abord, d’où vient la Turquie, jusqu’à l’arrivée du parti islamiste modéré d’Erdogan, situation plus ou moins verrouillée à la fin des années 1990 ? C’est la Turquie laïque d’Ataturk, dont la révolution moderniste dans l’ancien empire ottoman est célèbre. Cette rupture, passage de l’empire ottoman à la Turquie moderne, est bien assez connue pour n’avoir pas besoin d’être développée ici. On rappellera un point spécifique intéressant ; le Wikipediade langue anglaise mentionne (au contraire de la version française) qu’Ataturk est référencé dans l’Encyclopedia Judaica comme d’appartenance au groupe doënme (selon la définition donnée par Wikipedia : «refers to a group of crypto-Jews in the Ottoman Empire and present-day Turkey who openly affiliated with Islam and secretly practiced a form of Judaism called Sabbateanism»). Ce caractère particulier du fondateur de la Turquie moderne a alimenté évidemment nombre de spéculations sur le développement de la Turquie moderne et, dans la deuxième partie du XXème siècle, sur la proximité de la Turquie d’Israël jusqu’à l’arrivée des islamistes d’Erdogan. Quoi qu’il en soit, la Turquie, dans le reclassement de la Guerre froide et jusqu’aux années 1990, fut un formidable territoire de corruption pour l’américanisme. La classe politique qui se disait directement héritière d’Ataturk avait des liens qu'on aurait crus génétiques avec le complexe militaro-industriel US ; il devrait être connu que, dans les années 1980, un parti actif aux affaires, laïque et pro-occidentaliste, reçut exactement $40 millions de General Dynamics pour des élections présidentielles, dans le cadre de l’achat du F-16 par la Turquie (en 1993, Lockheed Martin racheta la division avions de combat, avec le F-16, à General Dynamics).
• La Turquie était donc jusqu’alors, jusque dans les années 1990, un pays puissant, stratégiquement essentiel dans le dispositif du bloc améicaniste-occidentaliste (BAO), avec une armée puissante, garante de l’héritage d’Ataturk et liée jusqu’à l’intimité avec sa correspondante US ; un pays qui, malgré sa religion officielle, appartenait à l’aire culturelle et militaire de ce bloc BAO, avec son rôle important dans la lutte anti-communiste et l’opposition à l’URSS, avec sa corruption endémique et systématique, son appartenance à l’OTAN, sa position de défense d’Israël en flanc-garde. En contrepartie, sa souveraineté et sa légitimité, et son identité par conséquent, étaient à l’aune de cette situation politique, totalement de simulacre ; on ne voit alors guère la différence, de ce point de vue, avec l’Egypte de Moubarak à partir des années 1980 (à partir de 1981, avec l’assassinat de Sadate) ; ainsi les deux pays semblaient-ils alors suivre (déjà ?) un destin commun… Puis le simulacre s’effondre, sous le poids d’une corruption qui finit par épuiser même ses prometteurs, avec une crise majeure de l’establishment pro-américaniste au pouvoir. Surviennent donc les islamistes.
• Le premier accroc sérieux dans la posture pro-américaniste de la Turquie intervint à la fin de l’hiver 2002-2003 lorsque le Parlement turc, fort démocratiquement, refusa l’autorisation de passage terrestre à une division de l’U.S. Army qui devait participer à l’invasion de l’Irak par le Nord. Fort démocratiquement, le gouvernement turc s’exécuta, et le Pentagone fit son invasion sans son corridor terrestre en Turquie. Contemplant avec consternation l’entreprise américaniste en Irak, la Turquie lança une nouvelle politique qui marquait une première orientation indépendante, explorant essentiellement une nouvelle aire d’indépendance vers le Nord et vers l’Est, vers la Russie et le Caucase, et le reste dans cette région (notamment les arrangements pour l’exploitation et le transfert de l’énergie). L’aire d’appartenance du pays pivotait donc de 150° mais, fort curieusement, par le haut, de l’aire euroatlantique à l’aire eurocaucasienne… Mais tout cela n’est encore que géopolitique et ce n’est pas encore l’essentiel.
• A notre sens, le tournant conceptuel essentiel, c’est l’attaque de l’Ossétie par la Géorgie et la riposte immédiate de la Russie, en août 2008. A cette époque (le 13 août), Erdogan vint à Moscou assurer les Russes du soutien de la Turquie ; et le président Gül donna une interview au Guardian, dont nous avions rendu compte le 18 août 2008, où il assurait, en plus de son soutien à la Russie, que le monde était devenu multipolaire et que les USA devaient accepter de transférer certains de leurs pouvoirs à d’autres centres. Ces diverses interventions turques préparaient ce que nous jugeons être le socle de la politique turque actuelle, qui est une restauration de sa souveraineté et de sa légitimité, et une conception des relations internationales fondée sur ces principes pour toutes les entités légitimes. Le discours de Poutine à Munich, en février 2007 (voir le 12 février 2007), qui tentait de définir une telle conception armée de ces principes, avait fortement impressionné les dirigeants turcs.
• Sur ce socle conceptuel, la Turquie va réaliser un nouveau changement d’orientation de sa politique, disons de 150° à nouveau, en faisant pivoter son centre d’intérêt vers le Sud et le Sud-Ouest, vers le Moyen-Orient arabe. Le point central du pivotement est un moment d’émotion furieuse du Premier ministre Erdogan devant un paroxysme du traitement qu’Israël est accoutumé d’infliger au Palestiniens (voir le 8 janvier 2009). Dès l’automne de cet année-là, nous nous jugions fondés de parler d’un “modèle turc” (le 14 octobre 2009), avec ses aspects institutionnels certes, et appuyé évidemment sur la rupture avec Israël (le 21 octobre 2009). Le reste s’enchaîne, marqué évidemment par l’affaire de la “flottille de la liberté” (voir le 1er juin 2010), jusqu’aux récentes péripéties du mois d’août qui ont marqué un durcissement caractéristique de la Turquie. (L’élimination récente des dirigeants militaires turcs en place, avec leurs sentiments kémalistes et pro-américanistes, entre évidemment dans ce schéma.) L’exceptionnel aveuglement israélo-américaniste devant l’évolution turque, appuyé sur l’habituelle quincaillerie technologique et psychologique de l’“idéal de puissance”, allant de l’arrogance de la supériorité technologique au mépris d’un sentiment de supériorité confinant à une sorte d’hystérie de robot, est un fait important de cette affaire. On reconnaît notre basse-cour en pleine activité, et l’on comprend que cette activité ait largement contribué au reclassement décisif de la Turquie.
• Personne n’avait vu venir le “printemps arabe”, y compris Erdogan et les Turcs. Mais il y a ceux qui n’ont rien vu venir et qui ont pu sans risque laisser venir et ceux qui n’ont rien vu venir et qui n’en croient toujours pas leurs yeux. Il est manifeste qu’Erdogan et la Turquie sont de la première sorte, les USA et Israël de la seconde. La souplesse, cette sorte de “réalisme légitimiste” avec laquelle les Turcs sont passés de l’opposition passive à l’intervention de l’OTAN en Libye au soutien du nouveau pouvoir en Libye, montre qu’ils s’adaptent aisément aux circonstances sans s’encombrer d’engagements idéologiques. L’intérêt, ici, est de mesurer la place que tiennent les principes dans cette attitude politique, s’il s’agit d’une politique assez commune de réalisme mercantile, ou de la politique haute de “réalisme légitimiste” dont nous parlons. Comme on le lit, notre choix d’analyse va au second terme de l’alternative, sans quoi cette analyse n’aurait pas de raison d’être, dans sa minutie et son orientation approbatrice.
Une politique antiSystème
… En effet, nous avons fait un choix manifeste de laisser de côté, dans tous les cas comme moteur principal de cette dynamique que nous explorons, le facteur régionaliste. En d’autres termes, Erdogan n’est pas pour nous, essentiellement dans tous les cas, une sorte de “nouveau Nasser” comme certains le désignent. L’aspect implicite très fort des principes mentionnés plus haut, – souveraineté, légitimité, identité par conséquent, – pèse bien plus que les aspects de solidarité culturelle, ou religieuse, et la narrative idéologique qui va avec. Ces deniers aspects sont bien entendu présents et largement répercutés, ils ne sont pas inutiles ni détestables mais ils sont loin d’être l’essentiel. Notre approche, du point de vue conceptuel, repose sur une hypothèse fondamentale que nous esquissions justement le 20 septembre 2011, justement à propos d’un sujet (les anti-missiles BMDE) qui n’est pas spécifiquement et directement lié à la situation moyenne-orientale, pour montrer l’universalité de cette même hypothèse. Nous dirions, pour faire bref mais nullement sans substance : l’hypothèse gaullienne.
(Extrait du texte référencé : «D’une façon générale, avec cet élargissement de la crise et le passage à la dimension stratégique fondamentale, on comprend alors que la Turquie est de plus en plus orientée pour tenir le rôle que la France gaullienne tenait en d’autres temps.» Bien évidemment, en employant le qualificatif de “gaullien”, nous repoussons les assertions qu’y mettent avec une ignorance révélatrice les ennemis de la chose en équivalant le terme “gaullien” avec l’arrogance et la grandeur expansionniste au sens napoléonien ; nous le désignons au contraire comme la plus grande vertu de De Gaulle : celle d’avoir été le plus grand réformateur des concepts de souveraineté et de légitimité depuis Talleyrand au Congrès de Vienne. Il s’agit bien entendu du contraire de l’expansionnisme et du suprématisme, – de Gaulle est tout de même celui qui a liquidé l’empire colonial français en 3 ans ! Il s’agit de l’“esprit constructif” [Talleyrand en 1814-1815] contre l’“esprit aventurier” [Bonaparte], selon les observations superbes de Guglielmo Ferrero ; il s’agit de la France ramenée à ses limites naturelles et figurant comme facteur d’équilibre central en Europe, ce qui est sa fonction naturelle, et s’appuyant sur les principes structurants fondamentaux de souveraineté et de légitimité qui permettent de vivifier et d’affirmer une identité.)
Il s’agit bien d’une hypothèse sur la substance de la nouvelle politique turque, sur son essence de type “légitimiste” et structurant, aux dépens de la seule explication régionaliste éventuellement “néo-panarabe”, ou plus précisément “pan-islamiste”. (On remarquera que notre hypothèse peut évidemment contenir l’autre sans en être dénaturée, alors que le contraire doit se révéler très vite impossible. Il s’agit d’une hypothèse universelle, faite de principes, au contraire de l’hypothèse régionaliste, liée à des dimensions géographiques, religieuses et culturelles spécifiques, et aux pesanteurs et contraintes qui vont avec.) Les thèmes généraux développés par Erdogan, qui font appel à des perspectives d’émancipation dans les pays arabes (thèmes répétés en Egypte, en Tunisie et en Libye), reflètent, dans l’actuel contexte, bien plus notre hypothèse que l’hypothèse régionaliste.
La trajectoire turque que nous avons décrite plus haut, avec les conditions de l’arrivée des islamistes, indique que nous jugeons plus importante, pour définir cette “arrivée des islamistes” en Turquie et ses suites, la “révolution” des principes de souveraineté et de légitimité que la dimension islamiste elle-même. A la façon gaullienne, cette politique conduit à rechercher de nouveaux équilibres fondés sur les principes de la souveraineté et de la légitimité, chez les autres comme chez le promoteur de cette politique (la Turquie en l’occurrence), et nullement une hégémonie ou un leadership sur les autres. Pour cette raison, nous jugeons comme de peu d’intérêt les variations classiques des commentaires des esprits imbibés de l’“idéal de puissance” prédominant dans le bloc BAO, sur la nécessité d’hégémonie, de domination, de puissance, qui est le montage brutal qu’a imposé la politique déstructurante et prédatrice née du “déchaînement de la matière”. Il faut se garder de juger l’évolution de la Turquie à l’aune des obsessions pathologiques de notre raison subvertie. De ce point de vue, la reconstruction gaullienne de redressement traditionaliste de la grande politique internationale, basée sur la recherche d’un équilibre entre des entités répondant chacune pour son compte aux principes de souveraineté et d’indépendance, c’est-à-dire au principe d’existence ontologique de l’identité, est une référence qui nous semble bien plus indiquée. (Inutile d’ajouter que la France actuelle est, par contre, la complète trahison par abaissement de ce courant gaulliste, donc la complète trahison par abaissement de la politique naturelle de la Grande Nation, aussi bien incarnée par un Richelieu, un Vergennes ou un Talleyrand… Voyez ce qu’il reste de tout cela dans le champ de ruines “bling-bling” de l’ère-Sarko, et combien ces noms de référence donnent un goût de dérision et de nausée pour ce qu’ils en ont fait.)
Nous n’avons pas dit un seul mot, dans ce tableau, des avatars de la Turquie avec la Europe. La chose n’en mérite guère. La position des Européens hostiles à l’entrée de la Turquie, particulièrement de la France sarkozyste justement, relève d’une caricature d’interprétation des tensions actuelles, d’une bassesse à mesure de ces tensions caricaturées. La défense du christianisme que prétendent ainsi manifester ces acteurs qui n’ont cessé de trahir les seules valeurs essentielles aujourd’hui de l’héritage chrétien (celles qui sont liées à la Tradition), ne fait qu’exprimer les frustrations des contradictions ainsi manifestées avec leur narrative humanitaire et moderniste, leurs situations intérieures et le triste appendice extérieur qu’ils nomment politique extérieure. Les situations intérieures et les engagements de leurs raisons subverties de ces pays européens, traduction politique de la modernité en cours d’effondrement, sont la véritable menace pesant sur cet “héritage chrétien”, – lequel n’a d’intérêt que dans la mesure où il conduit à soutenir des principes structurants dont la transcription actuelle est la souveraineté et la légitimité, et l’identité. De ce point de vue et en poussant la logique à son terme, la Turquie et sa nouvelle politique pourraient être paradoxalement désignés comme les véritables défenseurs de cette part-là de l’héritage chrétien.
Au contraire, l’Europe actuelle est totalement intégrée dans le courant déstructurant et dissolvant en train de se retourner contre lui-même (surpuissance passant en autodestruction), que nous évoquons constamment. Ce courant, qui est celui du bloc BAO, est évidemment encore plus le moteur des politiques américanistes et israéliennes, telles qu’on les retrouve, aujourd’hui en pleine débâcle, au Moyen-Orient. Par conséquent, bien entendu, la dynamique turque actuelle ne peut qu’entrer en conflit avec ces divers phénomènes en décomposition. La puissance de l’hypothèse que nous avons présentée pour définir cette dynamique se manifeste, nous semble-t-il, avec l’extraordinaire nouvelle capacité d’influence de la Turquie, avec le succès qu’Erdogan rencontre dans les différents pays arabes, sa popularité, etc. La réserve et la méfiance des régimes arabes en place, restes de la période qui est en train de s’effondrer, témoignent dans le même sens, ainsi que le fait que cette réserve et cette méfiance n’empêchent pas l’adhésion plus ou moins forcée à la dynamique turque de ces directions, par souci de survivance.
La Turquie, Erdogan et sa politique nous semblent constituer, aujourd’hui, un des vecteurs d’une dynamique antiSystème qui ne cesse de se développer par toutes les voies et moyens possibles. C’est leur rendre justice qu’offrir cette hypothèse pour mieux apprécier le phénomène qu’ils constituent. Pour autant, nous répétons avec force notre affirmation selon laquelle il n’existe aucune certitude que cette politique soit réalisée précisément, en tant que telle et dans sa vastitude, par les dirigeants turcs ; mais il paraît évident que des facteurs essentiels de cette politique sont au cœur de la politique turque, et que cette politique turque correspond donc parfaitement au courant antiSystème supérieur qui nous importe ; elle dépasse de facto les conceptions et ambitions nationales et inscrit parfaitement la Turquie, pour la phase historique présente, dans ce “courant antiSystème supérieur qui nous importe”. C’est, selon nous, l’explication de sa puissance d’influence actuelle, et donc de son succès dans un monde, et une région pour le cas, qui n’en peuvent plus de supporter l’empire du Système.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé