Contrairement à ce que soutenait Raymond Bachand lundi, le premier ministre Charest n'aurait jamais pu se lancer en campagne électorale avec l'un ou l'autre de ses deux premiers budgets. Le grand mérite de celui d'hier n'est pas d'annoncer de bonnes nouvelles aux contribuables, mais plutôt de ne plus en annoncer de mauvaises.
Dans son discours d'hier, le ministre des Finances n'a évoqué que du bout de lèvres le «budget du redressement» présenté au printemps 2010, qui a mis en branle l'indexation progressive des tarifs, de même que le «budget de la responsabilité» de l'an dernier, qui a introduit le rattrapage des droits de scolarité. Oublions ces mauvais souvenirs.
Celui d'hier met en place les outils de notre «enrichissement», a dit M. Bachand. En réalité, il s'agit surtout d'éliminer les écueils contre lesquels la campagne du premier ministre Charest ou de son éventuel successeur pourrait venir s'échouer.
Le plus urgent est de dissiper la fâcheuse impression que le Plan Nord, sur lequel M. Charest a tout misé, s'apparente à une gigantesque braderie de nos ressources naturelles. M. Bachand a manifestement pris bonne note des critiques qui lui ont été adressées, notamment par Jacques Parizeau, qui dénonçait l'absence de participation gouvernementale dans les projets annoncés. Le ministre ne s'en est d'ailleurs pas caché: la question des ressources naturelles est «le coeur de ce budget».
À défaut d'augmenter les redevances, on a décidé de ressusciter ces sociétés mal aimées qu'étaient SOQUIP et SOQUEM pour tenter de convaincre les contribuables qu'après avoir assumé leur «juste part» du déficit, ils auront maintenant droit à une part du gâteau.
Le ministre a fait un louable effort pour trouver des raisons d'ordre économique à cette conversion bien tardive aux vertus de l'intervention étatique après des années de glorification du capital privé. En réalité, c'est simplement qu'en année électorale, la nécessité prend le pas sur l'idéologie.
L'illumination étant contagieuse, on a également découvert la vétusté du régime québécois en matière d'hydrocarbures, qui remonte à près d'un demi-siècle. Les permis de recherche de gaz et de pétrole seront désormais mis aux enchères, comme cela se fait ailleurs au Canada et dans la plupart des États américains. Maintenant que tout a été vendu ou presque...
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Convaincu que l'opinion publique a déjà tranché le débat sur les droits de scolarité, M. Bachand a écarté catégoriquement toute possibilité de nommer un médiateur pour trouver un terrain d'entente avec les associations étudiantes. De toute manière, les étudiants ne votent pas libéral.
En revanche, après les reportages désastreux sur la situation dans certains CHSLD, le budget annonce un regain de sollicitude envers les personnes âgées, qui constituent une clientèle naturelle pour le PLQ. Ces bonnes intentions seraient cependant plus crédibles si les sommes consacrées à la politique Vieillir chez soi annoncée l'an dernier avaient été réellement dépensées.
Il y a inévitablement une part de marketing et de poudre aux yeux dans un budget, mais l'opposition péquiste n'a pas tort de dire qu'une augmentation de 93 $ du crédit d'impôt remboursable pour les aidants naturels qui prennent soin d'un conjoint en perte d'autonomie est presque insultante.
Il est un peu frustrant pour les partis d'opposition d'avoir à critiquer un budget qui n'annonce pas de mauvaises nouvelles. Évoquant «l'éléphant dans la pièce» que constitue l'explosion du service de la dette, François Legault a accusé le gouvernement de «jouer le présent contre l'avenir».
Le problème est que le contribuable moyen vit aussi dans le court terme. Dans la valse des milliards de dette, il y a longtemps qu'il a perdu le compte. Il a également appris qu'entre les mains des politiciens, les méthodes comptables peuvent donner des résultats prodigieusement variables.
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Sur le plan politique, il faut reconnaître que M. Bachand a très bien agencé la séquence de ses trois budgets. Il est possible que celui d'hier soit son dernier, mais ses successeurs, peu importe le parti dont ils seront issus, lui seront discrètement reconnaissants de la «révolution culturelle» qu'il a instaurée en généralisant l'indexation des tarifs.
Amir Khadir a déploré que le déficit zéro ait été érigé en dogme. II est vrai qu'il n'y a objectivement aucune urgence à atteindre l'équilibre budgétaire dès l'an prochain, alors que tant de besoins sont criants. Quand il a débarqué au Québec au printemps 1998, Jean Charest ne comprenait pas davantage l'obsession de Lucien Bouchard. Cela n'en est pas moins devenu le symbole par excellence d'une saine gestion financière aux yeux de la population.
De là à penser que le budget d'hier pourrait servir de tremplin au gouvernement, c'est une autre histoire. À une époque d'austérité quasi perpétuelle, on ne peut plus espérer marquer de points avec un budget. Ne pas en perdre peut déjà être considéré comme un exploit. L'insatisfaction à l'endroit du gouvernement Charest est cependant telle que cela ne suffit pas.
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