La voie du grand détour

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Le politique devra se recomposer pour que l’indépendance se fasse

Changement de garde oblige, la politique provinciale retrouve du piquant. Le confort ne sera plus le même pour Philippe Couillard et sa cohorte de commis d’inventaire. Il faut le reconnaître, le nouveau chef du PQ a l’éloquence suffisante pour pimenter les échanges, pour faire mal paraître les balourds. La rhétorique est d’ores et déjà plus fleurie, les réparties donnent de meilleurs clips. Encore quelque temps et les souverainistes non-pratiquants pourront même espérer mettre les rieurs de leur côté. Quand la dérision s’installe…
Les choses n’ont pas traîné en longueur. Avec son nouveau chef le PQ a retrouvé sinon du tonus, du moins les marques d’un rôle qu’il peinait à tenir depuis la débâcle Marois. La course finie, l’angoisse existentielle remisée, le voilà sorti de sa bulle. On ne s’étonnera pas de constater à quelle vitesse le changement de ton et de posture du caucus s’est fait sentir. Il y a une logique partisane et elle marque profondément aussi bien l’expression des convictions que le cheminement des carrières. Quelques nouveaux visages, une nouvelle distribution des rôles et voilà le cabinet fantôme qui va conduire le bal jusqu’aux prochaines élections. La course n’aura laissé que quelques égratignures et son résultat aura suffi à remonter les ressorts pour enfin pouvoir espérer faire bouger les segments de clientèle.
Le défi sera cependant plus grand que ne le laissent entendre les savants bonimenteurs qui lisent les sondages comme en d’autres temps leurs homologues lisaient les augures et fouillaient les entrailles des carcasses sacrifiées. Résolument partants pour tourner en rond dans l’arène provinciale, les députés péquistes sont désormais condamnés à prendre la mesure du très grand déficit de crédibilité qui affecte le PQ. Même reportée aux calendes québécoises, l’option reviendra les hanter. Le renoncement présenté comme temporaire ne sera pas traité comme une affaire de calendrier. Il a d’ores et déjà valeur emblématique pour cette frange de citoyens que la politique provinciale rebute. Et ce sera là le principal défi du nouveau chef et de ceux qui le suivent : tenter de faire croire que ses propositions peuvent faire appel au dépassement, mobiliser en n’ayant que des demi-mesures à mettre de l’avant. C’est tout ce que la politique provinciale autorise. Et ceux qu’elle a déportés dans l’abstention le savent très bien. On ne les tirera pas du silence où ils se sont réfugiés avec des propos d’intendance besogneuse.
Condamné à vivre en dessous de son potentiel, à mettre une énergie folle à combattre la médiocrité que lui impose la régression minoritaire, le Québec des abstentionnistes et des découragés de la politique ne sera pas facile à faire raccrocher. Dangereusement tenté par la résignation rageuse, ce Québec-là ne bougera pas parce qu’on lui promettra de nouveaux grabats, de meilleurs menus ou une meilleure répartition de l’indigence provinciale. Ayant renoncé à se refonder dans une lecture renouvelée de la critique du régime et des distorsions malsaines qu’il entraîne sur la façon même de nous représenter et de lire nos intérêts, le Parti québécois aura plus de mal à faire bouger la société qu’à faire bouger les fractions d’électorats qui pourraient lui donner une victoire électorale.
En cela, il reste un parti comme les autres. Du moins comme ceux-là qu’on observe un peu partout dans les démocraties occidentales : il ne peut désormais penser son action que « par le haut ». Or un mouvement d’émancipation nationale ne s’affirme et ne peut espérer la victoire qu’en empruntant le mouvement inverse, en partant « du bas », c’est-à-dire au ras de la condition commune, dans l’expression concrète des moyens de se voir et de se conduire en fonction de l’intérêt national. Le PQ s’est déjà un tant soit peu approché d’une telle conception – c’était il y a quelques décennies. En s’institutionnalisant et en s’empâtant, il a tourné le dos aux forces vives ou, plutôt, il en a eu peur au point d’entreprendre de les contenir plutôt que de chercher les moyens de les canaliser sur la seule cible qui importe : le régime canadian et les intérêts qu’il sert.
Quoi qu’il en dise, quoi qu’il tente pour faire penser le contraire, le PQ n’a plus l’initiative historique ni devant le Canada, qui n’en a plus peur, ni devant une part déterminante des forces vives qu’il n’inspire plus. La conjoncture présente ne bougera que sous l’action d’un mouvement national qui trouvera dans la société civile, ses groupes, ses lieux et ses moyens d’action, les mots, les propositions, les interprétations à donner à la politique provinciale qui feront grandir la conscience nationale. Ce mouvement ne pourra que très accessoirement compter sur les partis politiques. Il devra travailler plus fort qu’il ne le fait déjà pour tenter de renforcer la cohésion nationale. S’il a quelque succès, ses acquis percoleront dans les partis.
Rien ne dit que les énergies mobilisées profiteront au PQ et suffiront à en faire un véhicule porteur. Rien ne dit non plus que ce ne sera pas lui. L’avenir est ouvert en ces matières. Le politique devra se recomposer pour que l’indépendance se fasse. Le parcours historique de notre peuple n’est pas balisé. Sa régression, elle, l’est. Elle est inscrite dans la politique provinciale et dans la logique même du régime canadian. Nul n’est crédible à prétendre que la minorisation et le consentement à la minorisation sont des voies de développement.
L’expérience historique passera nécessairement par une logique d’alliance à caractère plus ou moins fusionnel. Nul ne sait quand et comment cela pourra se produire, quel en sera le déclencheur, sur quoi se déploiera sa dynamique profonde. Ce ne serait pas la moindre des ironies que l’accélération de la conjoncture rende caduc le choix du renoncement. Le PQ tente d’engager le peuple du Québec sur la voie du grand détour. Il se peut qu’il y parvienne, il se peut que le dur désir de durer, que la volonté d’achèvement le déjoue. Une chose est certaine, il ne le saura que lorsque le peuple avec lequel les événements le forceront à renouer le lui signifiera.
D’ici là, les indépendantistes, qui sont l’âme du mouvement national, n’auront de cesse de chercher dans la condition commune les chemins qui conduiront à la liberté. Il est des chemins de traverse qui rendent les détours inutiles.

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Robert Laplante172 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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