Laïcité: un triangle bleu pour appuyer les futurs profs touchés

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Des fondamentalistes multicultis qui doivent être mis au pas


 Des étudiants en enseignement distribueront des triangles bleus pour appuyer les futurs profs qui portent des signes religieux et qui ne savent pas ce qui adviendra de leur carrière.  


 «M. Legault a-t-il pensé à nous en tant que personnes humaines? Ou a-t-il seulement pensé à ses intérêts?», se demande Fatima Zahra Fouzi, 35 ans, qui est en deuxième année au baccalauréat en enseignement au primaire.  


 Le projet de loi sur la laïcité déposé jeudi par Québec inclut une clause grand-père qui permet aux enseignants actuels de conserver leurs signes religieux.  


 Le Journal a toutefois parlé à trois femmes qui portent le hijab et qui sont encore à l’université. Refusant de retirer leur foulard, elles ignorent si elles pourront pratiquer leur métier ni même terminer leurs études ici.  


 Questionné par Le Journal, le cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette a indiqué par courriel vendredi que les stagiaires en enseignement ne pourront pas porter de signes religieux.  


 Afin de soutenir les futurs profs qui se retrouvent dans l’impasse, des membres de l’Association générale des étudiants en éducation de l’Université de Montréal (AGÉÉÉ) ont donc commencé à porter un triangle bleu en feutre hier.  


 Impensable  


 Quand elle a immigré au Québec il y a deux ans, Ines Boudechiche, 34 ans, ne savait pas que sa religion allait devenir un obstacle à sa carrière.  


 Les deux femmes avaient déjà plus de trois ans d’expérience d’enseignement au Maghreb quand elles ont décidé de repartir au zéro et de faire un baccalauréat de quatre ans pour suivre leur vocation au Québec.  


 Un «investissement en temps et argent», expliquent-elles.  


 «Enseigner, c’est une passion. Je ne peux pas faire autre chose», lâche Mme Fouzi.  


 Peu d’options s’offrent à elles : changer de carrière est impensable et rester à la maison aussi. L’interdiction ne s’appliquera pas aux écoles privées, mais ces dernières sont rares au primaire.  


 Quant à l’idée de retirer leur foulard, elle est hors de question.  


 «Ce serait comme de m’enlever une partie de mon corps», dit Mme Boudechiche. «Personne ne m’a obligée à le mettre, alors personne ne va m’obliger à l’enlever».  


 La seule option qui leur reste serait celle de changer de province, à laquelle elles songent à contrecoeur.  


 Pas d’impact  


 Les deux étudiantes travaillent déjà comme suppléantes dans des écoles de la grande région métropolitaine et disent avoir toujours été bien accueillies. Le fait de porter le hijab ne change rien à leur enseignement, assurent-elles.  


 «En décembre, j’ai fait des activités de Noël en classe. Un élève m’a dit: chez nous on ne le fête pas. J’ai répondu: okay, mais ici on le fête», illustre Mme Fouzi.  


 Pour elle, la situation semble d’autant plus aberrante qu’elle a choisi le Québec notamment après avoir consulté le programme éducatif et avoir conclu qu’il correspondait davantage à ses valeurs que celui de pays d’Europe où elle aurait pu immigrer.  


 «Dans ma tête, le Canada est un pays libre. C'est pour ça qu'on a choisi de venir ici», abonde Mme Boudechiche.  


 Autorité?  


 Le projet de loi du gouvernement Legault vise les employés de l'État en position d'autorité. Mais Guillaume Bertrand, délégué aux affaires externes à l'AGÉÉÉ, rappelle que les profs n'ont pas de réel pouvoir de coercition.  


 «On ne peut pas obliger un élève à faire ses devoirs. On peut seulement lui dire qu'il prend un risque en ne les faisant pas», illustre-t-il, comparant cette autorité à celle des médecins.  


 Depuis environ un an, l'AGÉÉÉ a adopté en assemblée générale une position officielle contre toute loi qui empêcherait l'accès à la profession enseignante pour les personnes portant des signes religieux.  


 Les associations étudiantes des autres universités consultées par Le Journal sont toujours en consultation auprès de leurs membres.