Il se disait depuis des années que l’ex-maire Gilles Vaillancourt était au coeur de manoeuvres et transactions louches à Laval, un maître d’oeuvre incontournable. Mais même dans les coulisses, on ne franchissait pas le pas de le qualifier de chef d’une organisation criminelle. Avec cette accusation, des années d’aveuglement volontaire trouvent leur dénouement. Mais vraiment pour de bon ?
Il y aurait tant de reportages, tant de commentaires, tant d’indignation que l’on pourrait citer à propos du Laval de Gilles Vaillancourt, autant piger dans notre propre répertoire.
À l’été 2011, alors que successivement La Presse, Le Journal de Montréal et Le Devoir révélaient chacun un cas clair d’abus dans la gestion lavalloise, Bernard Descôteaux écrivait en éditorial : « Ainsi va la vie à Laval, où les rumeurs de collusion et copinage visant l’administration Vaillancourt sont sans fin depuis que celui-ci est devenu maire en 1989. Et sans conséquence. »
Jamais rien d’illégal à Laval, jamais d’enquête en profondeur de la part de Québec ou des forces policières. Les rares tentatives de vérifier ont toutes fini en eau de boudin. Tant d’élus étaient redevables à l’inamovible maire, élu à six reprises, l’envie de l’embarrasser ne tenaillait pas grand monde. « Un mur du secret et du silence », comme le signalait jeudi Jacques Duchesneau, qui a à nouveau souligné que c’est au travail journalistique que l’on doit la révélation de quelques secrets lavallois.
Mais les journalistes n’ont pas de pouvoir. Il faut bien plus que des reportages pour casser un système. La création de l’UPAC et la commission Charbonneau donnent enfin l’occasion d’agir. À quoi s’ajoute une récente décision de la Cour suprême, qui élargissait l’été dernier la notion de gangstérisme. Nul besoin d’être de la mafia ou un motard criminalisé : quand il y a organisation structurée, cohérente, qui dure depuis longtemps, le gangstérisme devient une accusation possible.
En dépit du discours à la mode, l’appel à la bonne volonté, les changements aux règles, les codes d’éthique (un contresens puisque l’éthique, qui n’est ni du droit ni de la déontologie, ne se décrète pas) ne nous mettent pas à l’abri des malversations. On se leurre si on y voit là des remparts.
Le rapport Léonard sur l’octroi et la gestion des contrats à Montréal recommande par exemple d’exiger des candidats municipaux qu’ils signent un code d’éthique et qu’ils fassent l’objet d’une enquête de crédit, au plumitif, à la Sûreté du Québec, alouette… Un Gilles Vaillancourt se qualifierait haut la main !
Le véritable enjeu de nos moeurs démocratiques est ailleurs. Dans la cour des citoyens d’abord. À qui la faute si M. Vaillancourt a été élu à répétition ? À ceux qui ne se préoccupaient que de leur compte de taxes, aux autres qui ont boudé les urnes.
L’autre enjeu, c’est la transparence : il faut des séances publiques du comité exécutif comme il y en a maintenant à Montréal, des médias qui talonnent (ce dont Laval, à l’ombre de Montréal, a été préservée), des électeurs qui vont aux périodes de questions, des associations civiles vigoureuses à défaut d’opposition élue.
Et il y a les institutions. Laval était malade de son opacité, le maire Vaillancourt, fort de ses complicités. Le gouvernement du Québec, le Directeur général des élections, la police… tout le monde a fermé les yeux. Les institutions ont failli, et c’est ce qui est le plus troublant, car en l’état actuel, rien ne nous garantit que le scénario lavallois ne puisse pas se répéter.
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