Le Bloc québécois encaisse un dur coup

Au fur et à mesure que les résultats étaient dévoilés, le visage des partisans s'allongeait

Recomposition politique au Québec - 2011


Les bloquistes, moroses, se demandaient hier soir ce qui s’était passé.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir


Kathleen Lévesque - Soirée d'incertitude et de morosité pour le Bloc québécois. Au terme d'une campagne difficile, le Bloc a enregistré une déconfiture importante, qui a même emporté le chef Gilles Duceppe, qui a annoncé qu'il quittait son poste de chef du parti.
Noyé par la vague orange du NPD comme la presque totalité de son équipe, Gilles Duceppe, a annoncé sa démission comme chef du Bloc québécois.
C’est entouré de sa famille que M. Duceppe, la gorge nouée par l’émotion, a dit constater le «profond désir de changement» de la population. «La démocratie a parlé. Je respecte ce choix. J’en assume la responsabilité au nom du Bloc québécois. En conséquence, j’annonce que je quitte mes fonctions», a déclaré M. Duceppe devant quelques centaines de partisans réunis au théâtre Telus, dans sa circonscription montréalaise de Laurier–Sainte-Marie.
Au terme d’une campagne au cours de laquelle la population a décidé de tourner le dos au Bloc québécois après lui avoir donné six victoires consécutives, Gilles Duceppe a fait part de son interprétation des résultats, soulignant que les libéraux aussi avaient été rejetés par l’électorat. «Les Québécois ont voulu donner une dernière chance à un parti fédéraliste. Les Québécois sont maintenant en droit de s’attendre à des résultats. [...] Toute avancée du Québec sera la bienvenue», a souligné M. Duceppe.
Ce dernier demeure toutefois convaincu de l’objectif de la souveraineté. «Je vous quitte, mais d’autres suivront jusqu’à ce que le Québec devienne un pays», a-t-il dit avant de quitter la scène et de s’engouffrer dans la foule en pleurs qui le saluait.
Une soirée qui tourne au cauchemar
Le rassemblement des bloquistes a commencé dans l’incertitude et la morosité. On espérait encore faire mentir les sondages qui prédisaient une véritable dégringolade. Au déclenchement des élections, le Bloc avait une équipe de 47 députés. À 1h, seulement 3 bloquistes étaient élus et 1 menait.
«On avait oublié que la politique, c’est un sport extrême», a lancé Vivan Barbot, candidate dans Papineau et vice-présidente du Bloc. Selon elle, le Bloc a été pris dans un combat imprévisible, mais elle refuse de voir dans l’élan du NPD le rejet du Bloc québécois.
Mme Barbot n’entend pas baisser les bras pour l’avenir. «On ne peut pas voir une organisation qu’on a bâtie pendant tant d’années s’effondrer sans que cela nous fasse quelque chose... Ce n’est pas la fin du monde. On a déjà été un!»
Une analyse des résultats s’impose, dit-elle. «Que des électeurs votent pour des gens du NPD qui ne sont même pas présents, dont ils ne connaissent pas le programme, c’est surprenant parce qu’il n’y a pas eu de signes avant-coureurs avant la mi-campagne. Personne n’aurait pu prévoir une telle déconfiture.»
L’organisateur de la campagne du Bloc, le député sortant Mario Laframboise d’Argenteuil-Papineau-Mirabel, ne cachait pas son inquiétude, le front en sueur. «Se battre contre des fantômes, certains candidats du NPD n’ont pas fait campagne et n’avaient même pas de pancartes, c’est difficile. Il faut respecter le choix des électeurs. Ce n’est pas une campagne traditionnelle. C’est un mouvement», a déclaré M. Laframboise.
Au fur et à mesure que les résultats étaient dévoilés, réservant une déception après l’autre pour les bloquistes, le visage des partisans s’allongeait, les regards étaient remplis d’incompréhension. C’était l’hécatombe.
La vague orange
La vague orange n’a pas épargné Gilles Duceppe, qui s’est incliné devant Hélène Laverdière. À l’annonce qu’il tirait de l’arrière, la peur s’est accentuée dans les rangs bloquistes. «Ce n’est pas de l’inquiétude, mais de l’incertitude parce qu’on ne sait pas trop ce qui s’est passé», a commenté Claude De Bellefeuille qui a perdu son siège de Beauharnois-Salaberry. Selon elle, la soirée électorale a eu l’allure d’une boîte à surprise.
Le rassemblement des militants s’est fait lentement et sans l’enthousiasme des scrutins passés. À la fermeture des bureaux de vote, quelques rares partisans se sont rendus au théâtre Telus, attendant le verdict des électeurs. Comme leur chef, Gilles Duceppe, lorsqu’il est allé voter en matinée et déclarait ressentir «des papillons», les bloquistes réunis cachaient difficilement leur inquiétude.
«C’est sûr qu’on va prendre une débarque, mais on va remonter la côte. Quand les gens vont se rendre compte que sans M. Duceppe à Ottawa pour défendre leurs intérêts, ça n’ira pas très bien, ils vont déchanter. Le chef du NPD, c’est pas fort!» s’est exclamé Carmel Bernard.
À la table d’à côté, Rose-Marie Leclerc, venait de finir sa journée de bénévolat à motiver les partisans bloquistes à aller voter dans l’ouest de Montréal. «Je ne serais pas surprise que le taux de participation soit plus élevé que les années passées. C’est un bon signe pour la démocratie», a-t-elle souligné.
M. Duceppe a suivi la soirée électorale avec ses proches dans une suite d’hôtel. Il a fait son entrée vers 23h40.
L’imprévisible turbulence
La campagne du Bloc québécois avait pourtant commencé sans heurts apparents, comme les précédents scrutins fédéraux. Le chef tablait alors sur la nécessité de bloquer une majorité conservatrice. Il a misé sur la différence gauche-droite. Tout semblait aller rondement; Gilles Duceppe avait même le temps de lire des romans, à l’arrière de son autobus.
Puis sont arrivés les débats. Gilles Duceppe est apparu sûr de lui, rapide à réagir. La question nationale a été abordée; M. Duceppe y a plongé avec aisance. Quelques jours plus tard, il prononçait un discours sur la souveraineté lors du congrès du Parti québécois. À ce moment-là, les sondages laissaient voir une certaine ascension du NPD, sans plus.
Puis le mouvement a pris de l’ampleur et les sondages ont démontré la dégringolade du Bloc québécois. L’effet fut dévastateur. Happé dans une zone de turbulences que ni lui ni son équipe n’avaient prédite, Gilles Duceppe a tardé à répliquer. Pendant quelques jours, il est resté presque sans voix. Lors de son passage au Devoir, en entrevue éditoriale, le chef bloquiste est resté sur la défensive.
La façon de rebondir fut de faire appel à l’ancien premier ministre Jacques Parizeau puis à Gérald Larose qui préside le Conseil de la souveraineté. L’offensive avec des figures de proue du mouvement souverainiste s’est rapidement muée en dérapage.
L’année dernière, le Bloc québécois a fait une tournée du Québec pour souligner les vingt ans de l’élection de son chef. Plusieurs analystes politiques y ont détecté le premier grain de sable dans l’engrenage de la machine bloquiste comme si, tout à coup, des électeurs réalisaient que les choses tournaient en rond depuis deux décennies.


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