Le cancer qui ronge la gauche...

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L'intersectionnalité : un concept qui vise à solidariser les « minorités » contre l'Homme blanc


Aux revendications communes, une part non négligeable de la gauche a substitué toutes les intersectionnalités du monde.   



La gauche devient-elle folle?  


«Après tout, les femmes noires homosexuelles ne subissent pas la même chose que les femmes noires hétérosexuelles. De même, les femmes noires homosexuelles et unijambistes représentent un cas particulier, etc. C’est à l’infini comme cela.»   


La métaphore avait de quoi faire sourire, mais quand j’ai lu l’entretien de la philosophe Stéphanie Roza dans le magazine Marianne à propos de la dérive d’une certaine part de la gauche, j’ai souri.     


Voici comment on présente l’entretien avec la philosophe... cela intéressera particulièrement ceux qui, vu du Québec, se posent sensiblement la même question!   


«Une partie de la gauche devient-elle folle? Dans La Gauche contre les Lumières?, Stéphanie Roza constate qu'une partie de la gauche féministe et antiraciste est en rupture avec l'héritage des mouvements socialiste, communiste et anarchiste, au risque d'étouffer toute perspective émancipatrice.»   


Et l’analyse de la philosophe est fort intéressante en ce qu’elle pointe vers certains constats qui ne sont pas sans corollaires, ici, au Québec. Par rapport au courant «intersectionnel» par exemple et cette tendance de vouloir «individualiser» les combats au détriment des luttes communes:    


«De même, les femmes noires homosexuelles et unijambistes représentent un cas particulier, etc. C’est à l’infini comme cela. Nous sommes tous spécifiques. Nous sommes tous le produit de plusieurs déterminations. Nous ne pouvons nous battre politiquement que sur des choses communes. Chacun ne peut pas revendiquer un statut d’exception. La vie sociale devient impossible.


C’est même contenu dans l’idée d’intersection. C’est ce qui est entre les gens, mais ce n’est pas ce qui est commun. C’est quand même une drôle d’idée de vouloir insister sur ce qui sépare les gens, plutôt que sur ce qui les regroupe. En plus, cela a des effets concrets. Cela s’accompagne d’une extraordinaire agressivité des militants intersectionnels.[...] Cette lutte fratricide nous obsède et nous empêche d’avancer.»   



Le cancer qui ronge la gauche...

PHOTO D'ARCHIVES, AGENCE QMI




Extraordinaire agressivité des militants intersectionnels  


Ce délire d’une gauche qui individualise tous les combats au détriment d’une lutte commune est très présent au Québec. Le mouvement féministe en est un exemple probant.    


La Fédération des femmes du Québec ayant été désertée par de nombreuses militantes qui refusaient cette perspective «intersectionnelle». Le mouvement Pour le droit des femmes du Québec (PDF) est d’ailleurs né du conflit au sein du mouvement féministe.    


Sur les questions de la laïcité, de la prostitution, par exemple, des positions irréconciliables existent entre les deux groupes. Dans un éditorial cinglant, Marie-Andrée Chouinard écrivait ceci en novembre 2018 sur la position de la FFQ concernant la prostitution:    


«La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a franchi un pas de plus vers l’absurde et l’ignominie. En reconnaissant tout bonnement cette semaine la prostitution comme un travail, en associant l’exploitation sexuelle de la femme à un choix libre et éclairé, en promulguant — ou banalisant, c’est selon – le “travail du sexe” tel un métier qui pourrait faire l’objet d’un choix de carrière, cette fédération porte-voix des femmes a confirmé qu’elle ne parle plus pour la majorité. Elle soliloque avec elle-même. [...]  


On ne s’étonnera pas que ce dernier affront risque, comme certains le prédisent, de faire imploser la FFQ. Il s’inscrit dans une mouvance observée à l’échelle internationale, selon laquelle certaines des luttes traditionnelles du mouvement féministe ne se jouent plus dans l’arène de la collectivité, mais bel et bien dans celle des droits individuels et de l’intersectionnalité. À chacune son choix. En entrevue au Devoir, la présidente de la FFQ, Gabrielle Bouchard, expose très franchement que les dernières propositions sont en accord parfait avec cette intention de “pousser [cette] approche féministe” plus loin.»   


Sous la présidence houleuse de Gabrielle Bouchard, la FFQ a perdu tout ce qui lui restait de crédibilité et de sérieux. Ce regroupement n’est plus que le refuge de militantes radicales qui ne représentent qu’elles-mêmes. L’antichambre d’un extrémisme qui existe aussi, ailleurs, dans cette gauche délirante.   


Au sein du mouvement «antiraciste» par exemple.    


Voilà l’expression équivoque de l’agressivité militante d’une part de la gauche en pleine dérive. S’il s’en trouve encore quelques-uns pour défendre, par exemple, la «société de délation permanente» à laquelle rêvent des justiciers en mal d’attention – et pour qui quiconque n’adhère pas à leur vision étriquée du monde est passible de l’assignation de «racisme et d’intolérance» – de plus en plus de gens, plus modérés mais dont le cœur porte à gauche, n’en peuvent tout simplement plus de ce délire.   


Dans l’univers parallèle de cette petite partie de la «gauche», la laïcité est devenue l’une des tares fondamentales à propos de laquelle on condamne à l’intolérance.   


Les plus vieux, dont je suis, se souviendront qu’en 2006 le parti de gauche Québec solidaire a été fondé en fonction d’un appui sans réserve au principe de laïcité de l’État. Lorsque Québec solidaire s’est délesté de cet appui afin de contenter les plus radicaux de la formation politique, des militants de longue date ont rappelé cette trahison des principes fondateurs du parti.    


Le sociologue et auteur Jacques B. Gélinas en est un. Dans un texte coup de poing annonçant son départ du parti, il ne ménage pas sa critique :    


«Québec solidaire a été fondé sur le socle d’une déclaration de principes devant baliser ses orientations et son action. Or, aujourd’hui, le parti a abandonné deux des principes les plus importants énoncés dans ce document: la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes. [...]   


Québec solidaire se pose donc ainsi en ardent défenseur du port du voile islamique — et du niqab — par les agentes de l’État et même par les élues de l’Assemblée nationale. Lors de la campagne électorale de l’automne dernier, une de ses candidates, Ève Torres, ouvrait la voie en ce sens en arborant de façon inédite le voile islamique.  


Les dirigeants du parti ferment les yeux sur le fait que le voile islamique est non seulement un signe religieux, mais aussi un symbole ostensible d’infériorisation et de soumission des femmes. Et cela, même s’il est porté librement et par choix. [...]   


Comment expliquer un tel aveuglement? Force est de reconnaître que le multiculturalisme imposé unilatéralement par Pierre Elliott Trudeau en 1982, avec sa Charte des droits et des libertés, a fait son chemin dans les esprits. À gauche comme à droite. Cette charte porte essentiellement sur les droits individuels, lesquels priment les droits collectifs. Or, au Québec, la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes sont tenues pour des valeurs collectives.  


Par un détournement de langage orwellien, Québec solidaire a fait de la religion islamique une race. Les opposants au port de signes religieux dans la fonction publique sont qualifiés de racistes et de xénophobes.»   


En effet, quel détournement orwellien... Dans l’univers putride des militants antiracistes, un homme de gauche comme Gélinas devient un adversaire, voire un ennemi. Pas pour rien que tant de gens qui ont le cœur à gauche ne se reconnaisent plus au sein d'un mouvement où les plus militants sont en plein délire.   


Oui, on peut se demander si cette petite part de la «gauche» n’est pas devenue folle.    





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