La Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) vient tout juste d'accepter la création d'un nouveau Programme d'appui aux droits linguistiques, lequel remplace le Programme de contestation judiciaire aboli par le gouvernement conservateur en septembre 2006. Ce nouveau programme ne couvrira que les causes linguistiques et uniquement au terme d'une étape de médiation obligatoire. De plus, seules certaines causes types seront financées. La FCFA a vu dans ce nouveau programme un gain.
En lisant le communiqué, j'ai été profondément choquée et déçue par cette décision, puisque le message lancé se résume à peu de choses près à ceci: nous avons protégé nos intérêts, tant pis pour les autres! Voilà une erreur politique.
Intérêts corporatistes
En effet, cette décision revêt toutes les caractéristiques de promotion des intérêts corporatistes. La FCFA s'est arrêtée à une lecture politique ne défendant que son propre intérêt.
Bien sûr, la FCFA se doit de soutenir, promouvoir et défendre les intérêts des communautés francophones et acadienne. Or, jusqu'à quel prix ou sur la base de quels principes? La Fédération doit expliquer quels sont les principes qui ont motivé cette
décision.
À première vue, les principes de justice et d'équité, à la base du défunt Programme de contestation judiciaire (PCJ) mais aussi à la base de plusieurs décisions historiques pour les communautés francophones et acadiennes, semblent absents du nouveau programme.
Le PCJ permettait à différents groupes, autres que linguistiques, inclus dans les articles 15, 27 et 28 de la Charte -- portant respectivement sur l'égalité, le multiculturalisme et l'égalité des sexes -- de se prévaloir du Programme de contestation judiciaire afin d'entamer des procédures et obtenir une égalité de droits. Ce ne sera pas le cas avec le nouveau programme. Des groupes importants, qu'on pense aux homosexuels et aux minorités visibles, seront laissés de côté.
Suprématie de l'égalité
Or, le principe d'égalité transcende la défense d'un intérêt particulier, ce qui ne transparaît pas du tout dans la réflexion de la FCFA. Ce qui est présenté comme une victoire remet, au contraire, profondément en cause les possibilités de solidarité et de réciprocité avec d'autres groupes. Non seulement avec des groupes externes à la FCFA, mais aussi avec des groupes francophones constitués sur d'autres bases que l'appartenance linguistique.
En d'autres termes, il est nécessaire de s'interroger sur la portée du message politique lié à cette décision. On comprend que seule la primauté de l'appartenance linguistique est vitale. Or, qu'en est-il de l'égalité à partir d'autres bases? Nous sommes francophones ou acadiens, point à la ligne?
Comment se posent les enjeux liés à l'intégration multiculturelle francophone à la lumière d'une telle décision? Les rapports politiques de genre en sont-ils exclus? La décision de la FCFA semble basée sur une vision réductrice de l'identité.
Les individus ne se réduisent pourtant pas qu'à leur appartenance linguistique. Les tensions à l'intérieur des groupes francophones quant aux questions touchant les revendications féministes ou l'intégration des groupes ethnoculturels ont été suffisamment vives pour provoquer plusieurs déchirements. À cet égard, les doutes sont permis quant à la considération politique que la FCFA porte à ces enjeux sociaux et ce, après moult discussions, forums et rapports portant sur la nécessité d'intégrer une vision d'ensemble reposant sur la diversité.
Comme le soulignait le document des Actes du sommet des communautés francophones et acadiennes de juin 2007, les enjeux identitaires sont complexes: «La transformation actuelle de nos communautés -- sous l'effet des apports migrants et, surtout, d'une nouvelle vision pluraliste et cosmopolite de cette francophonie -- vient complexifier encore plus la question de son identité.»
Un passage de la déclaration finale de ce forum est très explicite quant aux liens à tisser et à promouvoir avec d'autres groupes sociaux: «Attendu que les communautés francophones et acadienne sont engagées à créer des espaces de dialogue avec les autres composantes de la société canadienne et particulièrement avec les peuples autochtones, les communautés ethnoculturelles et les autres Canadiennes et Canadiens qui utilisent et/ou valorisent le français comme langue de communication.»
Il y a lieu de se demander s'il s'agit de voeux pieux, de rhétorique ou d'une véritable volonté de tenir compte de la diversité des communautés francophones et acadienne et de la société canadienne dans son ensemble. À cet égard, la décision de la FCFA d'appuyer le nouveau programme est une erreur politique.
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Josée Bergeron, Professeure de science politique au campus Glendon de l'université York
Nouveau Programme d'appui aux droits linguistiques
Le corporatisme avant l'égalité!
La FCFA s'est arrêtée à une lecture politique ne défendant que son propre intérêt.
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