Il n’y a pas que les églises qui sont vides au Québec

A l’évidence, le Québec n’a plus de but fixe, n’a plus de projet rassembleur, de vision d’avenir stimulante.

Dérives démocratiques - la société confrontée à sa propre impuissance

Texte publié dans Le Devoir du 10 novembre 2009
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Pour signifier le déclin du catholicisme au Québec et l’abandon de la
pratique religieuse, certains journalistes de la presse écrite, certains
commentateurs de la radio et de la télévision prennent appui sur le nombre
de fidèles qui se rendent au culte le dimanche. Selon eux, la religion
n’intéresse plus personne et la preuve en est que les églises sont vides.
Conclusion : Dieu est mort; la religion agonise; la postmodernité peut se
passer d’une relation régulière avec la divinité.
En effet, les églises sont vides. Mais, il n’y a pas que les églises qui
sont vides au Québec. La salle du conseil municipal est vide. Les salles
des conseils d’administration de bien des organismes sont vides. Les salles
de concert sont souvent à moitié vides. Les bureaux de vote sont vides. Les
salles des associations étudiantes sont vides. Les salles des syndiqués
sont vides. Il y a pas mal de salles vides au Québec. Pire encore, le cœur
du Québec est vide. C’est l’ère du vide.
Le vide est causé par la négation de quelque chose d’important, le rejet
de ce que tisse l’être dans les profondeurs. Le vide naît de l’absence
d’une réalité qui a quitté, soit parce qu’elle était mal utilisée, soit
parce qu’on n’en voyait plus la nécessité. Le vide surgit quand l’ordre
dans l’être est inversé. Lorsque les moyens l’emportent sur la finalité.
Lorsque les grandes données de la vie cessent d’être transmises et sont
remplacées par des techniques de substitution.
Le Québec meurt de ne pas réaliser se rêves. Il désespère devant ce qui
est à accomplir, perd ses forces devant la difficulté, s’auréole de beaux
discours pour cacher ses échecs, travestit la réalité, endimanche ses
mensonges et ses demi-vérités. Le vide se creuse en lui parce qu’il a perdu
son âme, nié ses racines ancestrales, dissipé son passé dans l’amnésie
chantée par nouveaux grand-prêtres laïcs.
Pour redonner à l’être sa joie de vivre, il faut remonter aux lois de la
vie et se méfier des thuriféraires patentés du néo-scientisme à la mode. Il
ne faut pas cacher la misère de l’homme et lui offrir dans cette misère le
nécessaire, c’est-à-dire tout ce qui le conduit sur le chemin de l’esprit.
Penser fait la grandeur de l’homme. Il faut que l’homme se sente appelé à
une tâche, à faire quelque chose qui donne sens à la vie. Il faut que
l’homme se sente connu et aimé pour ce qu’il est et non pour son rendement.
Il faut qu’il se sente porté par les autres et stimulé à les porter eux
aussi.
A l’évidence, le Québec n’a plus de but fixe, n’a plus de projet
rassembleur, de vision d’avenir stimulante. Il sombre dans le relativisme
et l’individualisme à tout crin. C’est à cause de cela qu’il se livre à
l’anarchie moral, à la violence et au désespoir. Pour combler le vide, il
faut au pèlerin de la vie, quelques graines d’Absolu. Il faut des semeurs
pour les planter dans le champ du quotidien. Serait-ce que ces derniers ont
délaissé leur mission de sauver l’intelligence au milieu de tant de fatras
destructeurs?
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14 commentaires

  • Christian Montmarquette Répondre

    17 novembre 2009

    Les églises sont vides, mais les espaces Internet sont «PLEINS».
    Nous avons tout simplement changer de manière de nous rencontrer.
    Et entre vous et moi, chacun peut aller au bout de sa pensé et s'exprimer autrement mieux que d'écouter passivement le sermon du curé, et les échanges vont autrement plus en profondeur que les rencontres sociales sur le perron de l'église après la messe.
    - Ici, nul obstacle physique. Montréal et Matane se parlent !
    Un Québécois et une Française peuvent échanger sans égard à la distance physique et se refiler les informations à la vitesse de la lumière.
    Tout n'est pas si noir, il faut simplement se donner la peine de regarder en direction de la lumière.
    Bon essai tout de même !
    CM

  • Georges Paquet Répondre

    11 novembre 2009

    Je voudrais dire d'abord qu'il me semble inutile de chiâler contre nos concitoyens et de pleurer sur le "bon vieux temps". Il faut bien gérer le temps présent et nous préparer et préparer nos enfants à vivre et à bien gérer le temps qui est devant nous. Le succès d'une société, d'un peuple, d'un pays dépend de l'effort et de la contribution de chaque individu. Et pour que cette contribution soit utile et positive, il faut que chacun prenne ses responsabilités et mette l'épaule à la roue selon ses capacités. Il ne sert à rien de résister à une mondialisation qui se poursuit normalement et inexorablement par le seul fait que nous vivons sur une petite planète et que les communications sont faciles et instantanées autant que les transactions entre les individus et les entreprises.
    Je viens de faire l’acquisition d’un bouquin fort intéressant, l’État du monde 2010 (La Découverte/Boréal) qui contient des analyses de 50 des meilleurs observateurs de l’actualité mondiale, qui en dégagent autant d’idées-forces pour comprendre ce qu’ils appellent le grand tournant de ce 21e siècle.
    Je ne tiens pas nécessairement à faire de la publicité pour que vous achetiez ce volume, qui passe en revue et analyse de façon brillante les évènements récents, partout sur la planète, mais je tiens à reproduire ici, ce que ces 50 analystes ont pondu ensemble, comme observation principale et comme conclusion de leur travail. On retrouve en postface un petit texte qui devrait alimenter les réflexions de tous les citoyens, mais en particulier des Québécois.
    On peut lire : "Rarement le monde a-t-il changé aussi rapidement autour de nous. En quelques mois, le président Barack Obama a marqué, au moins verbalement, la rupture avec son prédécesseur. Le krach financier s’est transformé en crise économique et sociale mondiale, montrant à quel point le temps de la souveraineté avait cédé la place à celui de l’interdépendance..."
    Réfléchissons-y.
    Georges Paquet

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2009

    Vous avez bien raison Monsieur Turcotte, ce que Georges Paquet ne voit tout simplement pas....Bien sûr qu'il existe des jeunes qui rêvent d'aller sur la lune, et bien sûr que l'espérance de vie augmente...Mais ici on ne parle pas du tout d'exploit individuel ou scientifique.
    Comment se fait-il alors que le suicide chez les jeunes fait des ravages malgré toutes les opporunités ? Comment se fait-il que les personnes âgés ne voudraient pas avoir 15 ans en 2009 ?. Bref, je pourrais continuer comme ça longtemps...
    50 ans après la fameuse Révolution Tranquille, on peut maintenant parler de la Disparition Tranquille. En effet, les jeunes ne voient plus d'avenir au Québec, car le Québec est sur une pente descendente. Le seul avenir prommetteur pour les jeunes sont de travailler dans les hôpitaux ou sinon les salons funéraires...
    De plus, le PQ et le Bloc comptent sur les immigrants pour protéger le français, faire des enfants, aller s'établir en région, pour se faire soigner, pour voter oui au prochain référemdum, etc...
    Non à force de cracher sur notre passé catholique et francophone, pas étonnant que la déprime nous gagne...
    Jean-François Beauchamp, Laval

  • Sylvain Maréchal Répondre

    9 novembre 2009

    Sujet de réflexion intéressant et important. Bien que ces symptômes que vous décrivez, cette "ère du vide" en somme, soient présents dans de nombreux pays occidentaux, serait-il possible que le Québec soit plus avancé que d'autres sur ce chemin ? Une chose est certaine, compte tenu de la position précaire qui est la sienne, une telle situation pourrait s'y avérer encore plus tragique qu'ailleurs. Pour certains, le Québec serait déjà une société en voie de dissolution, en voie vers l'anomie.
    On retrouve de semblables réflexions dans un livre d'entretiens avec Bernard Émond qui vient tout juste d'être publié, "La perte et le lien". On y parle beaucoup des liens qu'il faudrait ici renouer : "Lien entre les générations, liens avec le territoire, liens avec le passé et l'avenir". Ces liens sont sans doute devenus très fragiles au Québec.
    A cet égard, je crois qu'il est fondamental et précieux d'avoir le point de vue d'un anthropologue sur le monde qui nous entoure, que ce soit celui d'Émond ou de Pierre Falardeau qui sont, en quelque sorte, complémentaires : dans les deux cas nous avons un regard véritablement incarné, pouvant seul donner sens au "nationalisme".
    Il est à noter en terminant qu'André d'Allemagne avait aussi écrit sur le sujet dans son livre "Le presque pays", dans un chapitre intitulé "vers la société anomique".

  • Marcel Haché Répondre

    9 novembre 2009

    Une vieille génération s'en va,déçue.Cette vieille génération espère moins rêver que se faire dire la vérité.
    Mais la vérité dite,toute une jeune génération pourait enfin se mettre à rêver,appuyée par la vieille,qui n'est pas si vieille.Wôbec!
    Je crois que quelque chose s'est brisé lors de l'élection de Montréal.Des certitudes, qui n'étaient que des rêves,se sont écroulées.Les souverainistes s'aperçoivent qu'ils n'ont pas que des amis.Ils s'aperçoivent surtout que tous ne veulent pas rêver avec eux.
    Les étapistes,les rêveurs de la bonne entente,ceux de la stratégie adroite,les roublards et les carriéristes,vont devoir tout naturellement laisser la place aux warriors.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2009

    J'écoute Bazzo régulièrement et à chaque semaine un invité vient tenir àpeu près le même discours: le Québec n'a plus de rêve
    Allez écouter Renée-Claude Brazeau, René Richard Cyr, Julie Snyder, Pierre Légaré, Serge Denoncourt, ils disent tous la même chose: on n'a plus de rêve. Le seul politicien qui nous fait rêver c'est Régis. Pas étonnant qu'il soit réélu avec 80% des voix
    http://bazzotv.telequebec.tv/emissions.aspx

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2009

    Beau texte sur le vide On a là un symptôme, mais un symptôme de quoi au juste. Bien sure il y a ce peuple vieillissant qui a perdu du tonus de vie, d'où cette fatigue ambiante dans laquelle on baigne .
    Mais pour l'essentiel, je pense que le peuple a perdu sa cohésion nationale. Le pire c'est qu'il ne s'en rend pas compte. Comment le pourrait il quand nos élites politiques eux mémé refusent de nommer le mal.
    JCPomerleau
    P.s. Géopolitique 101: La cohésion nationale est un concept clé pour expliquer la fonctionnalité de l'État.

  • André Taillon Répondre

    8 novembre 2009

    @ M.Turcotte
    Je suis entièrement d’accord avec vous quand vous dite « Pire encore, le cœur du Québec est vide.
    Ce peuple est devenu avec le temps semblable à ce matelot qui surveille avec sa lunette d’approche l’ennemi à l’horizon du haut de son mât.
    La routine s’installe et le temps semble très long.
    La bouteille c’est tranquillement vidé de son contenu, intoxiqué par d’alcool et vomissant sur l’équipage, inconscient et engourdi dans sa nacelle, on le récupère endormi au soleil levant.
    Si le Québec est vide, c’est assurément parce qu’il en a pris tout un coup !
    La modération a bien meilleur goût. Jean Charest, ÇÀ S’ARRÊTE ICI !

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    Belle occasion de réflexion... demande réflexion. Qu'un Lucky Luke en costard tire plus vite que son ombre... pourrait expliquer que le loustic tire sur le doigt qui pointe la lune au lieu de s'intéresser à la cible.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    Monsieur Turcotte,
    Bel essai sur le vide. Oui, ce vide est moteur de quelque chose. Mais il doit (et c'est un impératif que le « je » sujet ne contrôle pas) nous effrayer pour nous permettre de tomber dans le ravissement et le bonheur de mourir pour vivre et non le contraire. il faut aller vers la mort avec une joie et une peur sans borne (ce qui n'est évident pour personne) pour faire sens.
    Au plaisir de vous lire à nouveau.
    André Meloche
    P.S. En effet, Nietzsche a parlé de la mort de Dieu. Mai il savait également parfaitement la terreur que vit chaque homme lorsqu'on évoque sa sépulture ou son tombeau (On a qu'à lire Edgar Allan Poe - Histoires extraordinaires pour en apprécier la force), « lieu » de notre vide.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    Oui, il est vrai que les salles de rassemblement du Québec sont vides, et qu'il est difficile d'organiser, de rassembler et de mobiliser sa population autour de ses dirigeants et de ses décideurs. Mais il est faux de dire que le Québec a un avenir sombre et qu'il n'a pas de défis exaltants. Notre petite société est très créatrice en soi (avec ses firmes d'ingénierie comme SNC-Lavalin, Hydro-Québec, Bombardier, le Cirque du soleil, ses centres audiovisuels et de cinéma, ses montages cinématographiques et de traduction, ses technologies de jeux interactifs et de communication sans fil, etc). Cela a créé un esprit compétitif et individualiste où chacun doit prendre la place qui lui convient, s'il veut résister à l'américanisation et à la mondialisation. À mesure qu'on a su créer un esprit au sein des entreprises, on s'aperçoit que les individus se désintéressent peu à peu des grands défis de la société québécoise. M. Turcotte a raison de souligner cette perte d'intérêt collectif qui doit nourrir l'âme d'un peuple toujours vivant.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    André Malraux écrit: «On va dans la lune, mais si c'est pour s'y suicider, à quoi cela sert-il ?»... C'est ce que j'ai voulu dire.
    A quoi peut bien servir toutes nos prouesses scientifiques, si on a perdu le SENS.
    Vous devriez aller dans les polyvalentes et les cégeps comme je le fais. Vous comprendriez le sens de mon propos.Je peux aller par chez vous, si vous payez mon essence.

    Nt

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    « Quels sacrifices attendre, quels renoncements espérer dans la poursuite d'un bien commun, quand l'égoïsme est roi ? »
    Harry Bernard
    Extrait de La maison vide
    Les humains sont malheureusement souvent dirigés par des affairistes ou des ambitieux psychopathes - peu importe le système politique - .

  • Georges Paquet Répondre

    8 novembre 2009

    Des textes pessimistes et moralisateurs, comme celui de Nestor Turcotte, on en a trouvé dans tous les quotidiens à toutes les époques. Il y a toujours eu, et il y aura sans doute encore longtemps des gens que l'avenir inquiète parce que les balises ne sont pas aussi visibles que dans le temps où les prédicateurs et autres éducateurs nous affirmaient que nous étions les "bons" et que nous aurions la vie éternelle à condition de ne pas fréquenter les méchants et de ne pas quitter le bateau.
    Voyons, M. Turcotte, un peu de réalisme. Notre époque offre tellement plus d'opportunités et de défis exaltants que les précédentes. Nos petits-enfants rêvent, et peut-être réaliseront-ils leur rêve, d'aller dans l'espace et sur la lune. Les garçons et les filles ont des chances égales dans la vie. L'espérance de vie ne cesse de s'allonger. Les découvertes dans tous les secteurs de la science nous laissent entrevoir de très belles et très nombreuses années.