Petits calculs partisans

Dérives démocratiques - la société confrontée à sa propre impuissance



(Québec) Le premier ministre Stephen Harper a choisi de proroger la session parlementaire en cours à Ottawa. Les députés ne seront donc pas de retour aux Communes le 25 janvier. Le redémarrage des travaux de la Chambre est reporté au début mars, remettant en question les 35 projets de loi actuellement à l'étude. Cette décision met aussi un terme aux travaux des comités, dont celui qui accumulait d'embarrassantes révélations sur le fait que le gouvernement conservateur était conscient que les prisonniers afghans remis aux autorités locales par les militaires canadiens risquaient fort d'être soumis à la torture.
La raison officielle de cette interruption des travaux parlementaires? Une nécessaire mise à jour des priorités gouvernementales pour favoriser la relance de l'économie canadienne. Honnêtement, peu convaincant.
Doit-on jauger le sérieux de cette justification à l'aulne de celui qui l'a exposée aux médias au nom du gouvernement conservateur, et du moment qui a été choisi pour diffuser la nouvelle? Assurément.
C'est le secrétaire de presse du premier ministre, Dimitri Soudas, qui a été dépêché pour défendre cette pause parlementaire forcée - et non pas le premier ministre ou l'un de ses ministres - et ce, à la veille du jour de l'An, soit à un moment où il est assuré que les Canadiens ont la tête ailleurs.
Ça donne une gênante mesure de l'estime de ce gouvernement pour les citoyens qu'il est supposé servir. Envoyons-leur un sous-fifre, ça suffira. Et c'est surtout une autre démonstration du mépris conservateur à l'égard de l'institution parlementaire elle-même, qui se résume malheureusement trop souvent dans l'oeil de M. Harper à un instrument au service d'une idéologie et d'un parti.
Bien sûr, la prorogation d'une session parlementaire est une prérogative qui appartient au premier ministre. Mais dans le contexte actuel, personne n'est dupe. Ce ne sont pas les intérêts des citoyens du pays qui guident le geste, mais bel et bien les intérêts partisans de l'équipe ministérielle.
En fait, autant M. Harper avait été justifié de proroger la session au début décembre 2008 afin de permettre à son gouvernement de se ressaisir, autant cette fois le premier ministre a déjà tous les leviers en main pour continuer à gouverner à sa guise.
À l'époque en effet, il avait lamentablement failli à sa responsabilité d'agir pour faire face à la crise économique qui s'amorçait, et la coalition d'opposition menaçait de lui ravir le pouvoir sept semaines à peine après sa réélection.
Cette fois, Michael Ignatieff a indiqué à qui voulait l'entendre au cours des dernières semaines qu'il n'était pas question pour les libéraux de provoquer des élections en 2010. Il n'y avait donc aucune menace, ni aucune incapacité d'agir du côté gouvernemental. Il y avait cependant aussi, dans l'engagement du chef libéral, l'aveu éclatant de la faiblesse de son leadership.
Et c'est justement ce que veut exploiter Stephen Harper. La session reprendra donc en mars avec un discours du Trône et un budget. Or, le scénario apparaît cousu de fil blanc. La proposition budgétaire mettra sans doute l'opposition au pied du mur : avaler l'inacceptable ou plonger en élections.
D'ici là, le gouvernement conservateur gagnera du temps pour continuer à s'organiser et à gonfler un peu plus ses coffres garnis. Et ça écartera surtout de l'actualité quotidienne les dossiers afghans et de l'environnement qui nuisent à son actuelle bonne cote de popularité.
Et comme par hasard, avant le budget, il y aura les Jeux d'hiver de Vancouver qui vont faire sourire les électeurs et exciter leurs fibres canadiennes. Libéraux, bloquistes et néo-démocrates auront toute une côte à remonter s'il devait y avoir élections. Et pendant ce temps, Barack Obama...


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé