On avait critiqué avec raison la consultation par Internet que Bernard Drainville avait menée l’an dernier sur son projet de charte des valeurs.
Plusieurs avaient remis en question la crédibilité de la synthèse qui avait été rendue publique à la fin de l’exercice. « Comment se fier à un résumé fait par les gens qui travaillent avec le ministre ? » avait demandé le porte-parole libéral dans le dossier, Marc Tanguay.
Le député de LaFontaine n’émettra sûrement pas les mêmes réserves sur la « boîte à idées » dont le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a annoncé la création dans le cadre des travaux de la commission sur la révision des programmes gouvernementaux, mais on peut entretenir les mêmes doutes sur l’objectivité de l’opération.
La consultation de M. Drainville avait au moins le mérite de porter sur une proposition concrète, même si sa charte n’avait pas encore pris la forme d’un projet de loi. Celle que M. Coiteux a mis en place cette semaine va se dérouler dans le plus grand flou. Personne n’a la moindre idée des programmes ou organismes que le gouvernement entend modifier ou carrément abolir, sinon qu’il veut trouver 3,2 milliards d’ici un an.
Dans le budget de juin, on avait annoncé « un dialogue social autour des enjeux sensibles qui peuvent interpeller la société », mais comment dialoguer sans même savoir de quoi on parle ? Le site de la commission deviendra plutôt un exutoire à toutes les frustrations. Les anglophones proposeront d’abolir l’Office de la langue française. Inévitablement, l’existence de Télé-Québec sera remise en question. On dira qu’il y a trop de ministres, trop de députés. Tout cela risque d’être d’une utilité très limitée.
« Le débat ne se passera pas dans la rue », a déclaré le président du Conseil du trésor. Soit, mais où se tiendra-t-il ? Quand la charte des valeurs de M. Drainville a été transformée en projet de loi, ce dernier a fait l’objet d’une commission parlementaire ouverte à tous ceux qui souhaitaient se faire entendre. Dans le cas de la révision des programmes, c’est seulement dans le budget du printemps prochain qu’on saura exactement à quoi s’en tenir.
Un budget n’est pas soumis à une commission parlementaire où les groupes et les individus peuvent donner leur opinion. Le règlement de l’Assemblée nationale prévoit simplement un débat de 25 heures, après quoi le budget est mis aux voix. Comme le gouvernement Couillard peut s’appuyer sur une majorité de députés, son adoption sera une simple formalité.
Certes, M. Coiteux tiendra au préalable une série de rencontres avec les « grands partenaires de l’État », essentiellement les syndicats et les associations patronales, mais ces consultations prébudgétaires ont lieu chaque année. On aura compris de ses propos qu’il appartiendra plutôt à chaque ministère d’élaborer son plan de compressions.
On peut comprendre que le gouvernement ne tienne pas à multiplier les tribunes qui permettraient aux opposants de lui mettre des bâtons dans les roues, mais cet appel au « dialogue » relève de la poudre aux yeux.
« Nos partenaires syndicaux partagent nos vues », a déclaré M. Coiteux sans rire. On peut peut-être s’entendre sur la nécessité d’assainir les finances publiques, mais les moyens d’y parvenir sont loin de faire consensus. À partir du moment où les salaires représentent 60 % des dépenses gouvernementales, les syndicats qui représentent les employés de l’État ont toutes les raisons d’être méfiants.
Les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic arrivent à échéance le 31 mars prochain. À partir du moment où le gouvernement entend limiter la croissance des dépenses à 0,7 % en 2015-2016, alors que le front commun syndical réclame des augmentations annuelles de 4,5 %, il n’est pas nécessaire d’être diplômé en comptabilité pour comprendre que les négociations risquent d’être ardues.
Dans son budget, Carlos Leitao a assuré qu’une fois l’équilibre budgétaire rétabli, la croissance s’accélérera graduellement, mais rares sont ceux qui croient que le déficit zéro sera atteint dès l’an prochain. Pour reprendre l’euphémisme utilisé par les agences de notation, l’objectif est pour le moins « ambitieux ».
L’ardente foi fédéraliste de Philippe Couillard ne semble pas suffire à convaincre Stephen Harper de se montrer plus équitable dans le partage de l’assiette fiscale. Quand l’ancien ministre des Finances, Nicolas Marceau, avait reproché à son homologue fédéral, James Flaherty, d’avoir créé à nouveau un déséquilibre, la réplique de son vis-à-vis libéral, Pierre Paradis, avait été cinglante : « Le seul problème de déséquilibre ici, c’est un problème de déséquilibre des compétences entre les ministres des Finances. »
Doit-on comprendre que le changement de gouvernement à Québec n’a pas réussi à régler ce malheureux problème de compétence ?
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