Le grand écart!*#!!

S'il survit au grand écart, à l'âge qu'il a, ça tiendra du miracle.

Commission Charbonneau



Se peut-il qu'il y ait dans notre société des personnes qui, en raison des fonctions qu'elles occupent ou qu'elles ont occupées, soient devenues des «intouchables»? Se peut-il que la loi ne soit pas la même pour tout le monde et que certains puissent enfreindre les lois sans que la justice ose jamais leur demander des comptes? Bien sûr que non. Ce serait inacceptable. La loi est la même pour tout le monde, ne cesse-t-on de clamer, et personne n'est au-dessus des lois. Voilà qui a au moins l'avantage d'être clair.
Pourquoi alors est-on porté à sourire en le lisant? Sans doute pour les mêmes raisons qu'on sourit quand on lit que notre bien-aimé premier ministre est «sensible» aux pressions de la population du Québec qui réclame une commission d'enquête publique sur la corruption et la collusion dans la construction depuis des années. SENSIBLE?? A-t-il vraiment dit «sensible»? C'est ce que les journaux ont rapporté.
Il faut dire qu'il a utilisé ce mot pendant qu'il séjournait en Espagne, ce qui pourrait être considéré comme une belle excuse à un laisser-aller dans la sensiblerie. Il se sera sans doute laissé emporter par la fierté espagnole, le climat si doux, l'odeur des fleurs et les airs de castagnettes. Au fond, nous savions tous qu'il était un homme sensible... un homme à fleur de peau qui ne saurait dire non à ce peuple qu'il aime tant dès qu'il est à l'étranger.
Il serait raisonnable de penser que «notre homme sensible» cherche un moyen de réussir le «grand écart» le plus spectaculaire de toute sa vie, avec, si possible, une certaine élégance et une certaine confiance, car ça ne sera pas son premier. Il en a quelques autres à son crédit. Il affirmera sans sourciller que SA solution sera la meilleure, qu'elle satisfera notre grand besoin de nettoyage, mais sans nuire à son parti et en protégeant la réputation de tous ceux qui ne sont coupables de rien. Il fera le «grand écart» en gardant le sourire et en espérant ne pas déchirer son pantalon dans le mouvement. Il annoncera alors qu'il y aura une enquête... mais laquelle? Publique ou à huis clos? Complète ou limitée? Pour aller au fond des choses ou pour amuser la galerie?
En fait, il n'a plus le choix. Il a le dos au mur avec 75 % de la population qui n'en démord pas et des appels au secours qui ne peuvent rester sans réponse. S'il ne bouge pas maintenant, le Parti libéral va éclater à la prochaine réunion officielle qui se tiendra bientôt et où la collusion et la corruption vont alimenter les débats. Ce sera la douce vengeance du fameux militant libéral Martin Drapeau, celui qui avait tenté de trouver un coproposeur pour lui permettre de déposer une résolution sur la tenue d'une commission d'enquête, l'an dernier, en plein conseil général des libéraux. Le sujet méritait sans aucun doute d'être étudié, mais il ne s'est trouvé personne pour lever la main et contrarier le chef, qui n'avait d'ailleurs pas montré une grande sensibilité ce jour-là... M. Drapeau, malgré ses efforts et devant le silence tonitruant de la salle, était rentré chez lui bredouille.
Il a coulé de l'eau sous les ponts depuis. De l'eau de plus en plus sale. Chaque jour, des journalistes dénoncent des situations devenues intolérables, des maires appellent à l'aide, des députés de l'opposition tirent à boulets rouges sur ceux et celles qui ont choisi de se pincer le nez et de garder le silence. La population, elle, a perdu toute sa confiance dans les institutions qui devraient avoir commencé le ménage depuis longtemps. Elle ne fait confiance à rien ni à personne.
Même le patron de l'escouade anticorruption n'a pas réussi à convaincre sur un aspect crucial: au moment de sa conférence de presse, était-il en service commandé directement du bureau du premier ministre? Voilà où nous en sommes.
Il y a eu, heureusement, quelques bouffées d'air frais. La démission de l'auteur des discours de M. Charest a permis de constater que le courage a bien meilleur goût que la soumission à des arguments qui ne tiennent pas la route. Les appels répétés des maires des municipalités, réunis en congrès, auraient dû obliger le gouvernement à répondre à leurs attentes.
M. Charest va chausser ses patins de fantaisie et il va exécuter trois ou quatre pirouettes époustouflantes et essayer de retomber sur ses pieds. Il terminera sans doute l'exercice devant ses députés et ministres, ses partisans et bailleurs de fonds en faisant «le fameux grand écart» qui sera forcément spectaculaire. Il finira par dire qu'il a toujours été d'accord avec la commission d'enquête, mais que son devoir était de trouver celle qui va lui faire le moins mal.
S'il survit au grand écart, à l'âge qu'il a, ça tiendra du miracle.


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