Le Love-in de 1995 dont ne parle pas Yves Boivert

Tribune libre 2008

Le monde est petit. C’est ce qu’on a tendance à se dire lorsqu’on découvre
des liens insoupçonnés entre des personnes. Ça peut aussi arriver quand on
trouve des liens entre des personnes et des événements. Ces jours-ci, La
Presse remet en question le sens de la « moralité publique » et de la «
simple décence » (dixit le chronique Yves Boivert) de l’avocat Marc-André
Fabien. Très lié à Gérald Tremblay, Me Fabien est l’ancien vice-président
puis président de l’UCIM, le parti du maire de Montréal. Il a aussi été
procureur de l’UCIM et « conseiller spécial » du maire. Par pure
coïncidence, il a reçu plus de 1,6 million$ en mandats de la Ville de
Montréal depuis la prise de pouvoir du maire, en novembre 2005. Là où La
Presse s’interroge, c’est quand Me Fabien accepte à répétitions de
représenter de gros clients (le Canadien Pacifique, la Société immobilière
du Canada, Brault et Martineau, France Film, etc.) qui poursuivent la
Ville. « Très légal [...] mais terriblement inélégant », conclut Yves
Boivert dans La Presse de ce 14 novembre.
Mais Marc-André Fabien n’est pas lié qu’à la politique municipale. Il est
un militant très engagé du PLQ et ce, depuis l’époque de Robert Bourassa,
dans les années 1990. Déjà à cette époque, il était l’organisateur de
campagne du député d’Outremont (encore Gérald Tremblay) et l’organisateur
du comité du OUI de cette même circonscription au référendum sur l’accord
(sic) de Charlottetown, en 1992. Il a aussi été très actif au Parti libéral
du Canada, toujours dans Outremont, alors que Martin Cauchon en était le
député. Marc-André Fabien avait même été pressenti à la succession de
Cauchon à titre de candidat libéral d’Outremont lorsque ce dernier avait
démissionné, en 2004.
[->6958]Mais là où l’inconfort d’Yves Boivert face à la moralité et la décence de
Fabien résonne d’un écho plus familier, c’est lorsque, contrairement à M.
Boivert, on se remémore le fait que c’est ce même Marc-André Fabien que le
Parti libéral du Canada avait choisi pour défendre son directeur des
communications, Aurèle Gervais, grand organisateur du « love-in » illégal
du Comité du NON, en 1995 (trois jours avant le dernier référendum) à la
suite des plaintes formulées par le DGEQ. Rappelons que personne ni aucune
organisation n’a été sanctionnée pour l’organisation, la participation
financière massive au « love-in » du 27 octobre 1995, manifestation d’«
amour » organisée au mépris total de la Loi québécoise sur les
consultations populaires. Fabien avait plaidé avec succès que la loi
québécoise ne s’appliquait pas aux très importantes dépenses en frais de
transport de dizaines de milliers de manifestants venus de partout au «
Rest of Canada », puisque encourues par des entreprises à l’extérieur du
Québec. C’est lui, Marc-André Fabien. Quant à Aurèle Gervais, il s’est plus
tard déniché un bel emploi peinard dans la Fonction publique fédérale, à
titre de responsable des Relations avec les médias et les collectivités
pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Le monde est petit, et même parfois « terriblement inélégant ». On peut
donc être l’avocat de la Ville de Montréal un jour et celui de ceux qui
poursuivent la Ville un autre jour. On peut être Québécois et défendre ceux
qui violent éhontément une loi encadrant le juste exercice de la démocratie
au Québec. Ça aussi, en vertu d’un juge d’une Cour canadienne, c’est légal.
Mais petit.
Christian Gagnon

Montréal
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
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Et la décence, dans tout ça?

Yves Boisvert

La Presse vendredi 14 novermbre 2008
Un avocat qui reçoit des mandats d'une Ville peut-il en même temps agir en poursuite contre cette Ville? Légalement, rien ne l'interdit. Dans la mesure où tout le monde est au courant, que les clients l'acceptent, aucun juge ne déclarera cet avocat inhabile.
Ainsi, depuis cinq ans, Marc-André Fabien, avocat chez Fasken Martineau, peut sans souci représenter le Canadien Pacifique ou la Société immobilière du Canada qui contestent leur évaluation municipale devant les tribunaux. Ou une firme exploitant illégalement un parking. Ou Brault & Martineau, ou France Film, qui contestent leur évaluation foncière.
Pas grave si, seulement depuis les dernières élections, en novembre 2005, Fasken Martineau a obtenu pour plus de 1,6 million en mandats de la Ville de Montréal. C'est légal.
Certains mandats donnés par la Ville ont été accomplis par Me Fabien lui-même, comme cette fameuse enquête sur l'arrondissement d'Outremont.
Il a aussi représenté la Société de transport de Montréal, poursuivie par le constructeur Alstom après l'attribution du contrat de construction du métro à Bombardier. La STM est «totalement distincte» de la Ville, dit Me Fabien. Juridiquement, certes. Mais je signale au passage que le président du conseil d'administration est le maire de l'arrondissement de Verdun et que cinq des huit membres du CA sont des élus de la Ville de Montréal.
Quelle est la règle en matière de conflit d'intérêts? Il est normalement interdit à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client, même si les mandats n'ont aucun rapport entre eux. Mais si les deux clients sont pleinement informés et n'y voient aucune objection, et si l'avocat peut représenter chaque client sans nuire à l'autre, alors c'est permis. C'est ce que dit l'arrêt Neil, de la Cour suprême. On y lit également que les gouvernements sont tellement gros (on peut inclure la Ville de Montréal là-dedans) qu'on présume qu'ils n'ont pas d'objection à voir un avocat du privé travailler tantôt pour eux, tantôt contre eux.
Il va de soi que Me Fabien, plaideur hautement qualifié, a informé tous ses clients. Légalement, c'est impeccable et, d'ailleurs, qui se plaint? Et puis, comme le dit Me Fabien, «tous les grands cabinets de Montréal le font».
Il a raison. En fait, les grands bureaux trouvent même les règles actuelles trop contraignantes. Eh oui, mesdames et messieurs, au risque de vous émouvoir, sachez que la profession d'avocat est de moins en moins une profession et de plus en plus une industrie.
Le juge Binnie, dans Neil, rappelle (pour qui l'aurait oublié) que les avocats sont aussi au service de la justice, pas seulement de leur cabinet. Il écrit que «les stratégies d'expansion commerciale doivent s'adapter aux principes juridiques plutôt que l'inverse». Mais la pression commerciale augmente sans arrêt.
Et j'imagine que le Canadien Pacifique veut avoir tous les excellents services de Fasken Martineau, y compris de son très coté plaideur Fabien. Et Fasken Martineau veut en même temps tous les mandats possibles de la Ville de Montréal. Allez donc les blâmer, il faut bien vivre! Eh! Les sceptiques: Me Fabien nous dit qu'il refuse régulièrement des mandats pour agir contre la Ville.
Tout est légal, légal, légal. Tous les clients sont contents. La Ville est contente. Quel est donc le problème?
Le problème, il découle d'un certain sens de la moralité publique. De la simple décence.
Le problème, c'est que, quand on a été président du parti du maire Gérald Tremblay jusqu'en août 2003, quand on est proche du maire depuis longtemps, quand de plus on est associé d'un grand bureau qui reçoit plus d'un demi-million d'honoraires de la Ville annuellement (par pur mérite, et appels d'offres, et tout!)... Quand on est tout ça en même temps... comment dire?
Ça ne fait pas chic de représenter des proprios de parking contre Montréal.
Oh, légal, très légal tout ça! Et aucune violation du secret professionnel ni rien de méchant!
Mais terriblement inélégant.
Source: http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/yves-boisvert/200811/13/01-800547-et-la-decence-dans-tout-ca.php

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Christian Gagnon138 articles

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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