Le nationalisme cosmopolite

Remettre le projet de souveraineté entre les mains des Québécois

Fête nationale 2011



Pour Alexandre Warnet, qui travaille à Genève, la nouvelle réalité mondiale «implique que nous nous considérions à la fois comme des Québécois et comme des citoyens du monde, comme appartenant à la fois à la nation québécoise et à l'humanité».
Photo fournie par Alexandre Warnet


Alexandre Warnet - L'auteur est un Québécois qui habite depuis trois ans à Genève. Il travaille au Centre international de déminage humanitaire.
C'est la Saint-Jean-Baptiste demain! Les feux de joie brilleront dans les champs et dans nos coeurs. Les feux d'artifice éclaireront le ciel et nos regards. Partout, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes habitant villes, villages et campagne célébreront ce qui nous unit et nous rassemble: la nation québécoise.
Mais qu'est-ce que signifie la nation en 2011? À l'ère de la mondialisation, le nationalisme est considéré comme vieux jeu et synonyme de nostalgie d'un lointain passé; le patriotisme, associé à la fermeture d'esprit et à une «quétainerie» obsolète, a très mauvaise presse. Est-il le temps de dire adieu à notre attachement envers le concept de nation?
Non! Au contraire, alors que des liens se tissent désormais entre toutes les nations et tous les individus, formant une humanité de plus en plus unie, une vision moderne et inspirante du nationalisme est plus pertinente que jamais!
Je nous lance une invitation à imaginer et à nous doter d'un nationalisme globalement constructif qui enracinera notre identité dans une société fière partageant des valeurs fortes et qui nous ouvrira grandes les portes du monde et de l'humanité entière: un nationalisme cosmopolite.
Cela implique que nous nous considérions à la fois comme des Québécois et comme des citoyens du monde, comme appartenant à la fois à la nation québécoise et à l'humanité. L'existence d'un sentiment d'appartenance national et d'un lien de confiance mutuelle, d'un «Nous» national inclusif est nécessaire.
Ce nationalisme cosmopolite célébrerait l'enracinement de l'individu dans son identité locale et nationale, renforçant chez lui ce qui est unique à notre nation, et encouragerait sa responsabilité vis-à-vis de ses compatriotes.
Mais au-delà de la nation, le nationalisme cosmopolite met également l'emphase sur l'appartenance de l'individu à l'entité globale: l'humanité. Il vise la création d'une communauté humaine planétaire partageant des valeurs de base, une identité commune et des droits et devoirs universels. Son essence réside dans la valeur égale de tous les êtres humains et dans l'idée que la justice ne doit pas s'arrêter aux frontières.
C'est la raison pour laquelle nous luttons contre les changements climatiques même s'ils affectent d'abord et avant tout des peuples vivant de l'autre côté de la planète. C'est la raison pour laquelle nous nous investissons dans la lutte contre la pauvreté extrême qu'on retrouve partout sur la planète. C'est la raison pour laquelle nous défendons ardemment le droit à la diversité culturelle. C'est la raison pour laquelle nous n'acceptons pas que nos propres compagnies commettent des crimes à l'étranger, car l'«Étranger» fait aussi partie du «Nous», de notre famille humaine.
La force du nationalisme cosmopolite réside dans la relation d'interdépendance entre les individus, les nations et l'humanité. La nation est perçue comme étant un puissant tremplin vers l'universel, chaque nation étant une pièce nécessaire et unique de la grande mosaïque qu'est l'humanité.
Un nationalisme cosmopolite québécois jetterait donc les bases d'une fierté nationale et globale unique: une expression patriotique cosmopolite émancipatrice, saine et ouverte sur le monde. Et cette fierté, ce patriotisme serait nourri et inspiré à la hauteur de la participation constructive du Québec sur la scène globale et du rôle qu'il joue au sein de l'humanité.
La conséquence directe de l'avènement d'un tel patriotisme cosmopolite serait donc le renforcement d'un puissant sentiment double: d'une part, l'amour pour notre peuple, de nos valeurs spécifiques, de notre langue, de nos traditions, de notre ouverture, de notre tolérance et de notre inclusivité, et, d'autre part, un amour et un respect fondamental pour la diversité humaine et pour l'humanité dans son ensemble.
Nous en viendrions à célébrer notre unicité si manifeste, notre «québécité» si magnifique, tout en respectant et en renforçant la diversité de l'humanité, conscients que tous les autres peuples de la Terre cherchent aussi à exprimer fièrement leur attachement à ce qui les rend également uniques. Et une des façons de contribuer au monde serait de projeter et de faire rayonner, aux côtés de tous ces peuples, le dynamique de notre culture et de nos projets, la beauté de notre langue, de nos traditions sur la scène globale, non pas dans un esprit de compétition, mais dans un esprit d'enrichissement mutuel et de fraternité.
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Remettre le projet de souveraineté entre les mains des Québécois

Photothèque Le Soleil
Vision. Audace. Intégrité. Voilà des concepts bien malmenés en cette ère de troubles politiques. Malgré le travail acharné de très honnêtes et nobles politiciens, la population trouve de plus en plus difficile d'avoir confiance en la classe politique. La tempête qui fait rage au sein du Parti québécois en est la preuve bien tangible. La réflexion qui s'est enclenchée, au sein de ce parti et bien au-delà, touche de plein fouet la validité du projet de société qu'est l'évolution du Québec en État souverain, au risque de fragiliser la perception de sa faisabilité et de sa nécessité. Et si le temps était venu de remettre le projet de souveraineté entre les mains des Québécois?
La classe politique a été porteuse de cet ambitieux projet depuis près d'un demi-siècle. Beaucoup de travail a été accompli et nous sommes passés à un cheveu d'y parvenir. Mais cette quasi-victoire n'en reste pas moins le triomphe du statu quo. Il faut désormais bâtir sur ces fondations solides et remettre le gouvernail entre les mains des citoyens. Ce n'est plus aux politiciens de tenter de convaincre la population : ce sont aux Québécois eux-mêmes de convaincre d'autres Québécois. Le Québec souverain doit puiser ses racines dans le coeur et l'âme des citoyens: c'est maintenant à chacun de nous de porter cet idéal, de lui insuffler nos valeurs, nos couleurs, nos espoirs et nos rêves. Il n'y a rien de mieux qu'un frère, une mère, un voisin, une collègue de travail pour convaincre l'autre moitié de la population de la validité et de la nécessité de cette saine métamorphose. C'est à moi, c'est à toi d'instiller l'ambition d'un nouveau pays juste, équitable, audacieux, pacifique, écologique et humain. Il en revient à chacun de nous de démontrer que l'avènement de la souveraineté de sera pas une fin, mais bien un commencement, une renaissance. Pour que la majorité de la population en vienne à désirer la réussite du projet de souveraineté, elle doit d'abord se l'approprier. J'en appelle à un mouvement citoyen large, rassembleur, créatif, novateur et inspirant, mené par de crédibles leaders citoyens de toutes les horizons, professions et régions, qui reprendra le flambeau et écrira le prochain chapitre de notre Histoire et de celle de l'humanité.
Vision. Audace. Intégrité. Ce n'est qu'en enracinant le projet de souveraineté dans nos coeurs, nos raisons et nos esprits que nous choisirons collectivement de faire du Québec notre pays.
Alexandre Warnet, Genève, Suisse


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