Fêter et danser, d'ondée en ondée

Fête nationale 2011



Les organisateurs de la journée craignaient la pluie, et pluie il y eut. C’était parfois même la flotte à certains moments. Mais, d’ondée en ondée, la fête de la Saint-Jean s’est déroulée comme prévu.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir


Lisa-Marie Gervais - «Bonne fête nationale sous la douche!» a crié haut et fort l'animateur de foule en invitant les gens à fermer leurs parapluies le temps d'une «photo truquée». C'est peu avant que ne débute la grande fête au Parc Maisonneuve de Montréal. Les organisateurs de la journée redoutaient la pluie et pluie il y eut. C'était parfois même la flotte à certains moments. Mais d'ondées en ondées, la fête de la Saint-Jean s'est déroulée comme prévu, ne laissant pas sur leur soif les quelques milliers de courageux qui étaient venus célébrer le Québec. «Je suis une vraie! J'aime ça les gros partys comme ça. C'est la seule chance que nous avons de célébrer qui nous sommes», s'est enthousiasmé l'octogénaire Denyse Robinson, qui n'aurait pas voulu manquer ce grand concert en plein air pour rien au monde.
Après le passage d'Yves Lambert, venu faire swinguer la foule clairsemée, le spectacle a pu démarrer tout en chaleur et en puissance, avec un collage de chansons de Robert Charlebois. «Si je me fie aux statistiques, il va pleuvoir ce soir avant la fin du show», a lancé l'animateur de la soirée, Guy A. Lepage. «Et si je me fie aux statistiques, il va y avoir un député du PQ qui va démissionner avant la fin du show», a-t-il ironisé dans cet humour mordant qu'on lui connaît.
Éric Lapointe, en grande forme, a pris le haut de la scène, suivi de Vincent Vallières qui a dégainé sa guitare pour se lancer dans un pot-pourri tout rock. Tour à tour, les Marie-Pierre Arthur, Damien Robitaille, Brigitte Boisjoli et compagnie sont venus livrer de petits moments d'espoir entre deux ondées. Même Guy A. Lepage, qui chante aussi bien qu'un orignal en rut, s'est permis de pousser la chansonnette avec Je suis cool.
Après avoir reçu un hommage sous forme de pot-pourri de ses chansons, Robert Charlebois a lui même salué le grand Claude Léveillé, récemment décédé, en jouant au piano l'incontournable, Frédéric, reprise par le public. «C'est un peu grâce à lui si j'ai décidé de faire de la chanson», a lancé Charlebois, ému.
La soirée festive revêtait une caractère familial, avec notamment Hugo Lapointe, frère de l'autre et Jérôme Charlebois, fils de l'autre. Sans oublier Martha et Rufus Wainwright venus livrer un touchant hommage aux soeurs McGarrigle, dont leur maman qui a rendu l'âme l'an dernier.
Le duo Yves Lambert et Éric Lapointe interprétant l'ivrogne et le pénitent a surpris le public avec une énergie plus que contagieuse. Mais le grand coup de coeur a été le duo Charlebois-Rufus Wainwright qui, tout en grâce, a livré Je reviendrai à Montréal. Frisson garanti. Comme s'il ne faisait pas déjà assez froid et humide. «Tant qu'à attraper un broncho-pneumonie on va en attraper une pour vrai», a blagué Guy A. Lepage, en invitant la foule à chanter «Gens du pays» pour souligner la l'anniversaire de Robert Charlebois, le 25 juin. Lui-même a terminé le spectacle en beauté avec «Mon pays ce n'est pas un pays c'est un job!»
Pluie et politique
Après la débandade du Bloc québécois aux dernières élections fédérales, les défections au Parti québécois qui lui fait battre de l'aile, la pluie est apparue comme un moindre mal pour plusieurs au cours de cette journée de festivités. Même qu'elle a permis de voir qui était les «vrais de vrais», a rigolé Pierre Halpin, drapé d'une étoffe fleurdelysée. «Le Parti québécois sont en baisse et je m'inquiète de leur avenir. Mais pas de l'indépendance», a-t-il lancé. «Je n'avais pas vu venir la vague orange au fédéral. Mais les Québécois sont comme ça. Ils votent à l'envers du reste du Canada. C'est peut-être ça le meilleur signe qu'on est distincts.»
Patrick Beaudry, venu célébrer le Québec avec sa femme et ses deux filles, dresse le même constat mais ne perd pas la foi. «Ça m'inquiète, mais l'idée de l'indépendance reste. C'est le véhicule qui est pour l'instant inexistant. Il y a eu Bourgault avec le RIN, Lévesque… il y en aura d'autres.»
Pour Claude Gauthier, le bon vieux rêve de l'indépendance est toujours présent mais les Québécois se cherchent. «Le Parti québécois a peut-être fait son temps. J'ai peur qu'il soit un peu en retard sur certaines notions», a-t-il soutenu en s'esquivant un peu des questions politiques. «Je ne veux pas que ça vire politique, ce soir. La fête nationale, c'est plus que ça. On se célèbre, on a le droit. Ça nous appartient.»
Le plus beau voyage
Claude Gauthier était surtout de la fête pour sa chanson Le plus beau voyage écrite il y a 40 ans déjà et qui a été l'occasion d'une magnifique interprétation de plusieurs artistes présents au spectacle. «Elle vieillit comme toute chose vieillit. Mais les jeunes mordent encore dans quelques phrases», s'est-il réjoui. «C'est une chanson qui parle de fierté et de dignité. Ce n'est pas une chanson politique. Je la chante toute l'année durant. Elle a une saveur plus approfondie.»
L'artiste très apprécié des Québécois a raconté l'avoir écrite au sortir de la crise d'Octobre, marqué qu'il était par ces tristes événement qui lui avaient foutu «les boules au ventre». «J'étais en auto, je m'en allais chez mes vieux parents, après avoir fait la Saint-Jean en 1971. J'ai roulé pendant des miles en me répondant à moi-même à la question «Qui suis-je?», a expliqué au Devoir Claude Gauthier, dans sa loge peu de temps avant le spectacle. Il était de lacs et de rivières, de janvier sous zéro, d'octobre et d'espérance… La mélodie s'est pianotée dans sa tête, si bien qu'en arrivant à la maison à deux heures du matin, il s'est assis au piano pour la jouer, l'entendre, l'immortaliser. «L'instinct m'a dit que je venais peut-être de trouver quelque chose. Et 40 ans plus tard, on la célèbre encore», a-t-il dit, humblement.
Des géants et des gens
Plus tôt en après-midi, le défilé des géants a fait le bonheur des familles. Ils ont été des milliers à braver le mauvais temps pour se masser de part et d'autre de la rue Sherbrooke pour assister à la traditionnelle marche et voir les Samuel de Champlain, Louis Cyr et Félix Leclerc faire fi des limites de l'histoire et déambuler. Les politiciens n'ont évidemment pas manqué l'occasion de défiler devant les Montréalais. Pauline Marois, Amir Khadir, Bernard Landry et Gérald Tremblay ont marché au premier rang du bloc des personnalités politiques. Même Gilles Duceppe a participé à l'événement, mais se tenant à l'écart des médias. Étant à Québec, le premier ministre Jean Charest a été représenté par sa ministre des Aînés, Marguerite Blais. Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, avait pour sa part choisi de célébrer à Thetford Mines.
Quant au spectacle, il s'est terminé deux heures après avoir débuté, top chrono. Il était possible d'en voir la diffusion à la télé sur les ondes de Radio-Canada, différé d'une demi-heure. Le public était mouillé jusqu'aux os, mais repu de fierté nationale.


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