Le nationalisme révolutionnaire

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Ces deux termes peuvent sembler antinomiques aujourd'hui, mais pendant les années 60, le concept qu'ils expriment voulait tout dire.
C'est l'époque où le mouvement Parti Pris, avec sa littérature inspirée du quotidien des ouvriers de l'est montréalais, double sur sa gauche la revue Cité Libre.
Les partipristes Ferron, Aquin, Chamberland, Patrik Straram dit « le bison ravi », Miron et cie veulent libérer notre espace politico-culturel de sa gangue bourgeoise, catholique et libérale.
Du coup, le Québec fraîchement émergé de sa grande noirceur, accouche d'un authentique mouvement contre-culturel. Un mouvement qui lui offre un beau mélange d'ingrédients explosifs, pour se dégourdir culturellement et s'émanciper politiquement.
Anti-impérialisme, laïcisme, socialisme pur et dur, idéologie marxiste et valorisation du joual... Tout y est! Ou presque.
Un voyage initiatique
Fin des années 60 : fait remarquable à l'époque, un jeune journaliste canadien anglais franchit la frontière est-ouest d'un Montréal linguistiquement très polarisé. Le voyage de Malcolm Reid prendra la forme d'une exploration ethnologique, dont le résultat sera la publication, en 1972, de The Shouting Signpainters*.
Le titre traduit celui d'un poème de Paul Chamberland, Les afficheurs hurlent, un appel lancinant à la révolte autant nationale qu'ouvrière.
Le livre de Reid, consacré au groupe littéraire Parti Pris, fait valoir la spécificité absolue de la culture québécoise dans son rapport à la culture anglophone bien sûr, mais aussi à la culture canadienne-française.
Son impact se fait sentir surtout dans les milieux nationalistes du canada-anglais et chez les francophiles et les Québec watchers des États-Unis.
Mais, au Québec même, bien que Le Devoir en ait fait une critique élogieuse à la une de sa page culturelle, les éditeurs - y compris les premiers concernés, les éditions Parti Pris, - sont trop accaparés par l'effervescence politique ambiante pour réagir. La traduction de l'ouvrage, d'abord retardée, se voit bientôt reportée aux calendes grecques.
La résurrection arrive 34 ans plus tard, en 2006 : une écrivaine de Montréal, Sherry Simon, professeure d'études françaises à Concordia, louange The Shouting Signpainters en tant que livre marquant de sa génération.
L'intérêt aussitôt ravivé pour le livre de Reid incite M. Léo Jacques, des Presses de l'Université Laval (PUL), à prendre le relais pour une traduction. Fruit du travail d'Éloïse Duhaime et de l'auteur, la version française, titrée Notre parti est pris et préfacée par l'historien Jean Provencher, sera disponible au Salon du livre de Québec (du 15 au 19 avril).
Des existentialistes québécois
L'expression notre parti est pris vient de Sartre; il plaidait à l'époque pour le caractère authentiquement anti-capitaliste de l'existentialisme face aux critiques du Parti communiste français. « Entre la bourgeoisie et le prolétariat, a-t-il écrit dans Qu'est ce que la littérature (1946), notre parti est pris ». Il y a donc chez les partipristes une provocation dans le choix de l'expression qui laisse entendre qu'ils sont des têtes de cochon.
Le Refus Global et l'existentialisme font partie des inspirations fondamentales du mouvement. « C'étaient pas des marxistes orthodoxes comme on en a eu par la suite, explique Malcolm Reid. Ils n'étaient pas branchés sur Lénine ou Mao, mais sur leur propre combinaison d'éléments fondateurs. Ils citaient souvent les écrivains existentialistes, sauf De Beauvoir...Ce fut leur gaffe, car il leur manquait un côté féministe, anti-macho. Sans doute n'avaient-ils pas lu attentivement le Deuxième sexe. Pas de vedettes féminines à Parti pris, à part Clémence Desrochers - qui de toute façon était déjà connue, sinon célèbre avant Parti pris - et peut-être Michèle Lalonde (Speak white à la Nuit de la Poésie)», dixit Reed.
Moins directement politique que son opposé fédéraliste, Cité Libre, la revue Parti Pris, mieux enracinée dans la mouvance populaire, véhiculait un message socio-culturel plus radical.
L'impact sur les chansonniers, par exemple, fut immédiat. Ceux-ci deviennent moins « fleur bleue », plus rock, ce qui accélère l'arrivée sur scène de l'Ostie de show, de la Nuit de la poésie, de Charlebois, de Chants et poèmes de la résistance, etc. Dans l'optique de Cité Libre, une culture, ça devait s'acquérir. Pour Parti pris, une culture est une chose qu'on a déjà, la culture c'est ce qu'on est.
Ce qu'il en reste aujourd'hui
« Quand je suis arrivé à Québec dans les années 70, raconte Malcolm, le mouvement populaire avec ses comités de citoyens, ses regroupements de consommateurs, de locataires, d'assistés sociaux, son journal Droit de Parole, son Théâtre Euh! et son enracinement dans la classe ouvrière locale, m'a paru le prolongement local des idées de Parti pris.
Le mouvement existe toujours, mais il est aujourd'hui associé à une nouvelle gauche qui se réclame de l'altermondialisme, du féminisme et de l'écologisme. Les revendications de la nouvelle gauche me semblent avoir plus de profondeur qu'au temps de la crise d'octobre. »
« J'espère que ceux qui s'intéressent aux origines de l'actuelle gauche québécoise, vont lire Notre parti est pris. J'ai moi-même illustré la version traduite qui, contrairement à l'originale, contient autant de matériel visuel que de littérature, » conclut l'auteur.
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* THE SHOUTING SIGNPAINTERS, Monthly review press, New York, 1972

NOTRE PARTI EST PRIS, Malcolm Reid, PUL avril 2009
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http://www.nationalpost.com/opinion/columnists/story.html?id=6259cd0e-7b40-494a-a057-5699fad71ede


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