La présentation de cette cible en immigration est une obligation parlementaire. Le gouvernement ne peut y échapper.
Pour lui, toutefois, le temps de la politique paraît bel et bien révolu là-dessus. François Legault veut d’ailleurs que son marqueur politique pour la seconde partie de son mandat soit l’économie. Tant mieux.
Au gouvernement, on semble même avoir surmonté les interrogations qu’a fait surgir le virus quant aux niveaux d’immigration. Malgré une déclaration ambiguë de M. Legault au printemps, tout indique qu’il maintiendra son plan de hausses graduelles en immigration.
C’est en avril que le premier ministre a dit que les objectifs d’immigration pourraient être revus à la baisse en dépit de ce plan. La crise due à la pandémie s’abattait alors pour la première fois de tout son poids. «C’est quelque chose qu’on va regarder», avait-il dit.
Or, lors d’une longue commission parlementaire de quatre heures, il y a deux semaines, la ministre de l’Immigration, Nadine Girault, a déclaré à un moment qu’«il n’y aura pas de baisse des seuils d’immigration» au cours des prochaines années.
Mme Girault a même précisé que la «projection» pour l’année en cours se situe dans une fourchette allant de 43 000 à 44 500 nouveaux immigrants au Québec — des chiffres en hausse par rapport à l’an dernier.
À son ministère, la semaine dernière, on a toutefois expliqué au Soleil que, compte tenu du contexte pandémique et de la «perturbation des mouvements transfrontaliers, il se peut que certaines arrivées accusent un retard».
Des retards dans les arrivées comme telles, mais, jusqu’à preuve du contraire, le plan de hausses graduelles est et sera suivi, donc.
Pour mémoire
Ce plan d’augmentation a été annoncé il y a plus d’un an. C’était au beau milieu de l’année lors de laquelle le nombre de personnes immigrantes admises au Québec a subitement dégringolé à 40 565, alors qu’il se situait à plus de 50 000 depuis de nombreuses années.
Avec cette chute, le gouvernement Legault concrétisait un engagement électoral sur lequel la Coalition avenir Québec avait beaucoup misé — avec tout le dossier de la laïcité. L’un et l’autre ont constitué des cartes maîtresses dans son jeu politique.
Une fois cette réduction dans la boîte, le gouvernement s’est empressé de présenter un plan devant ramener d’ici 2022 l’immigration à ce qu’elle était sous les libéraux.
Sans risque
Le programme de hausses graduelles que le gouvernement devrait bientôt confirmer est raisonnable en dépit du contexte d’incertitude. Il est sans risque, de surcroît.
Un mot sur l’incertitude : d’un côté, c’est vrai, le nombre de sans-emploi est actuellement plus important qu’il l’était ces dernières années. Il pourrait l’être encore l’an prochain. Parallèlement, il existe encore une forte pénurie de main-d’oeuvre dans maints secteurs — et cette situation n’est pas qu’attribuable à la Prestation canadienne d’urgence puisqu’elle lui est bien antérieure.
Le Québec demeure et demeurera aux prises avec un besoin structurel de main-d’oeuvre, notamment en raison des nombreux départs à la retraite.
Un mot sur l’idée du «sans risque» : maintenir les hausses prévues, à commencer par celle de l’an prochain, est par ailleurs sans risque, car on parle d’objectifs d’immigration. Or, fixer des objectifs, ce n’est pas s’obliger à les atteindre. Les autorités pourraient toujours resserrer le goulot d’ici 2022 si la situation économique l’exigeait vraiment.
Voilà pourquoi le plan devrait être suivi, même si certains au gouvernement devaient de nouveau avoir des doutes d’ici le mois prochain et voulaient réduire les entrées dès l’an prochain.
Le luxe
L’une des assises du plan de hausses graduelles repose sur davantage d’«immigration économique», cette part devant passer de 59 % à 65 % du total de l’accueil québécois.
Le Québec a «l’embarras du choix», si on peut le dire ainsi. C’est un luxe inouï. S’en rend-on vraiment compte?
Sans compter toutes celles qui passent par le Programme de l’expérience québécoise, pas moins de 150 000 personnes se sont inscrites jusqu’ici dans le nouveau système Arrima. C’est énorme.
Le gouvernement Legault a élargi l’offre de cours de francisation et leur accès. Il a doté l’État de meilleurs outils pour franciser des immigrants ne parlant pas français à leur arrivée. Mais le défi reste encore évidemment très grand sur ce front où d’autres mesures sont attendues.
Malgré des efforts consentis dans cette direction, la «régionalisation» de l’immigration demeure également un défi très important. Mais les aiguilles bougent un peu. Avec le temps, le programme Arrima devrait les faire bouger davantage.