Le point sur l'Église du Très-Saint-Nom-de-Jésus

La réponse du Cardinal Turcotte

Tribune libre

L’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus
La réponse du Cardinal Turcotte
Les 23 et 25 juillet dernier, dans des lettres ouvertes à la ministre de la culture et au Cardinal Turcotte, j’écrivais en préambule :

“ Madame la ministre, en espérant pouvoir vous convaincre de la nécessité de sauver l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus et les trésors patrimoniaux qu’elle contient, je vous offre ces quelques notes historiques, biographiques et anecdotiques qui les mettent en valeur. Nous sommes une jeune nation et nous devons impérativement veiller à conserver ce que nos pères ont construit. Un peuple sans histoire est un peuple mort. Une nation qui ne respecte pas son patrimoine culturel s’achemine irrémédiablement vers son extinction. Le grand penseur et psychologue des profondeurs Carl Gustave Jung affirmait que « rien ne mérite de "n’être que" ». Avec lui je déclare avec conviction que tout ce que représentait et représente encore l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus pour ses paroissiens et leurs ancêtres, pour la population de Montréal pour le Québec et ses artisans, ses artistes, ses architectes, ses musiciens, peintres, sculpteurs et tous les corps de métiers qui ont construit nos villes et nos villages et qui le font encore, « mérite d’être et de demeurer.”

“Monseigneur Turcotte, je m’adresse ici à l’archevêque du diocèse de Montréal, dont le mot d’ordre des armoiries « Servir le Seigneur dans la joie » est porteur de promesses pour les fidèles dont il a la charge. À ce titre, vous êtes responsable du maintien, de la conservation et de l’avenir du patrimoine religieux et des institutions qui s’y rattachent.”

En conclusion, je leur disais : “ […il est de votre responsabilité de voir à la conservation et à la protection de nos édifices patrimoniaux et il serait plus que temps que le Québec dispose d’une politique claire à cet égard attendu qu’il s’agit d’une question sociétale qui transcende l’Église et ses représentants. Vous et votre gouvernement êtes redevables au regard de l’histoire et de nos valeurs collectives qui jugeront sur ce que vous aurez fait ou omis de faire pour en assurer la pérennité.”
“ Si rien n’est fait pour sauver l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, l’histoire vous jugera à vos œuvres et vous n’aurez plus aucune excuse pour vous plaindre de ce que vos églises soient vides ni de ce que la confiance en l’institution que vous représentez soit non seulement ébranlée, mais perdue.”

Inutile de dire que je n’ai jamais reçu de réponse de la part de l’archevêché tandis que l’attaché de presse de la ministre Saint-Pierre répondait à mon envoi par le classique accusé de réception qui vous assure que « le tout lui sera transmis » alors que vous comprenez derechef que vous n’en entendrai plus jamais parler.
Ce qui fut effectivement, jusqu’à ce que le Comité pour la sauvegarde de l’église me contacte afin de me voir apporter mon support à leurs projets pour assurer la conservation et l’avenir du magnifique temple et des grandes orgues du Très-Saint-Nom-de-Jésus.
Je vous communique donc le contenu de la dernière intervention du comité de sauvegarde de l’église communiqué ce matin en point de presse par son président monsieur Robert Cadotte.
Intervention de Robert Cadotte
Comité de sauvegarde de l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus
30 septembre 2010
C’est avec stupéfaction que nous avons pris connaissance, en même temps que les médias, du communiqué de presse du diocèse de Montréal. Ce communiqué met fin au moratoire sur la vente des grandes orgues et la démolition de l’église, qui avait été annoncé le 1er juillet dernier et qui devait se terminer le 1er décembre prochain.
Rappelons que le diocèse de Montréal faisait partie du Comité de sauvegarde de l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, en la personne de son représentant, le vicaire Pierre Côté, et du curé de la paroisse.
Suite aux réactions de plusieurs organistes de grande réputation et de nombreux spécialistes du patrimoine, qui se sont étalées d’avril à juin dernier, la ministre Saint-Pierre a demandé au Comité de sauvegarde de lui fournir un projet de reconversion afin qu’elle puisse l’étudier.
Nous avons alors discuté avec les représentants du Cardinal au Comité de sauvegarde afin de décréter un moratoire jusqu’au premier décembre afin de nous permettre d’élaborer un projet de reconversion à soumettre à la ministre. Les membres du Comité se sont engagés à trouver le financement pour payer le chauffage, les assurances, etc. pour ces cinq mois de délai. De son côté, le Cardinal a accepté d’établir un moratoire sur l’avenir de l’église.
Nos premières démarches ont été de demander à la ministre de jouer son rôle de protectrice du patrimoine et de trouver un fonds d’urgence pour payer les coûts du moratoire. Suite à son refus obstiné, le Comité de sauvegarde s’est engagé auprès du diocèse à trouver des moyens pour trouver la somme requise. En septembre, lors de réunions auxquelles ont assisté les représentants de l’archevêché, nous avons ainsi mis en branle un concert de financement, une collecte de fonds populaire et diverses interventions auprès de mécènes qui nous permettraient d’amasser la somme nécessaire d’ici la fin de novembre. Par ailleurs, un sous-comité s’est attelé à élaborer un avant-projet de reconversion permettant d’entreprendre des discussions avec la ministre. Cet avant-projet est à toute fon pratique terminé et nous avions prévu le présenter à la ministre au cours de la semaine prochaine. Les représentants du Cardinal étaient parfaitement au courant du degré d’avancement de ces travaux.
Aussi, les mots me manquent pour qualifier ce geste du Cardinal Turcotte qui, rompant avec la parole donnée, court-circuite et torpille l’ensemble des actions du Comité de sauvegarde entreprises depuis plusieurs mois avec l’agrément de son représentant. Pire, à plusieurs occasions, ce représentant a loué le travail du Comité soulignant qu’il n’avait jamais vu une telle mobilisation et un tel dynamisme pour sauver le patrimoine religieux de Montréal.
La situation financière actuelle de l’église catholique de Montréal justifie-t-elle qu’on balaie d’un trait les efforts colossaux qui ont été demandés à nos ancêtres ouvriers pour financer les idées de grandeur de l’église catholique du début du XXe siècle. La moindre décence demanderait qu’on respecte les efforts financiers qui ont été exigés de nos arrière-grands-parents au détriment du bien-être de leurs familles pour construire ce monument démesuré.
Ce n’est cependant pas qu’au début du XXe siècle que les familles du quartier se sont mobilisées. Malgré des revenus familiaux parmi les plus bas au Québec, la population s’est cotisée en 1996 pour financer la restauration des grandes orgues de Très-Saint-Nom-de-Jésus. Devant le succès remporté par cette restauration partielle, les gouvernements ont financé la restauration complète de l’Orgue qui a été complétée en 1999. Cette mobilisation n’était pas le fait des seuls paroissiens, rares au demeurant, mais de l’ensemble des citoyens. À titre de président de cette campagne de financement, j’ai été à même de le constater.
Aussi, nous apparaît-il intolérable que le Cardinal veuille donner et déménager les grandes orgues. On ne brade pas le bien des autres quand on en est le simple fiduciaire. Dans ce cas, le droit canon sur lequel se base le Cardinal pour spolier notre patrimoine est peut-être acceptable aux yeux des dirigeants de l’église catholique, mais il est immoral aux yeux des descendants de ceux qui ont payés pour cette église.
Dans ce contexte, nous réitérons à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, garante du patrimoine québécois, les demandes suivantes :
- Qu’elle accepte de financer les coûts de l’entretien de l’église (chauffage, assurance, etc.) jusqu’à ce que le Comité de sauvegarde, aidé des fonctionnaires du ministère, ait terminé la mise en place du projet de reconversion que nous lui soumettrons la semaine prochaine;
- Qu’elle procède dans les plus brefs délais au classement de l’église, en rappelant que l’intérieur de l’église a été classé A par le Conseil du patrimoine religieux et quel les orgues n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque classement depuis leur restauration.
- Qu’elle prenne les dispositions pour que le diocèse de Montréal ne spolie pas ce patrimoine exceptionnel.
- Qu’elle s’assure enfin que l’intérieur de l’église et les orgues ne soient pas détériorées au cours de l’hiver qui vient.
Nous tenons enfin à rappeler que toutes ces mesures sont beaucoup moins onéreuses que la somme que coûtera le seul déménagement des orgues (environ 800 000$), somme que le Cardinal demande à la ministre d’assumer. Cela est sans compter la somme considérable que coûtera la démolition de l’église.
Fin du communiqué.

Lundi prochain, le 4 octobre 2010, une rencontre aura lieu au Château Dufresne à 9h30 au cours de laquelle le point sera fait sur le projet que le Comité de sauvegarde désire présenter à la ministre Saint-Pierre, rencontre qui sera suivie d’une conférence de presse lors de laquelle les personnes présentes pourront, si elles le désirent, exprimer leur point de vue aux journalistes.
Claude G. Thompson


Laissez un commentaire



6 commentaires

  • Claude G. Thompson Répondre

    2 octobre 2010

    Monsieur Bergeron.
    Vous avez tout à fait raison et je tiens à souligner combien j'apprécie la qualité de votre vision de l'importance de nos biens patrimoniaux.
    Nous avons par trop négligé l'apport fondamental que constituent nos lieux de culte quant à notre reconnaissance de nous-mêmes en dehors de toute considération purement religieuse ou spirituelle, bien qu'ils soient, par essence, la représentation la plus immédiate d'une bonne part de l'âme de notre nation, nonobstant ce que peuvent en penser certains d'entre nous qui ont beaucoup trop tôt jeté aux orties toutes les représentations dont ils sont le support et le rappel.
    Je suis, pour le moins que l'on puisse dire, le dernier à être plus catholique que le pape et mon éducation, tout autant que le milieu dont j'ai émergé ont fait de moi un témoin privilégié des changements profonds qui ont marqué les années d'après concile Vatican 2 et l'échec lamentable de l'Église catholique compte tenu des possibilités remarquables qu'il annonçait, mais qui ont été rejetées par une vieille garde cléricale sclérosée que les derniers représentants tentent par tous les moyens d'achever de réduire à néant.
    Notre patrimoine architectural, qu'il soit religieux, industriel ou culturel, nous appartient en propre et les oeuvres, comme les instruments qu'ils contiennent quant à nos églises, sont notre bien propre. Ce ne sont certainement pas quelques « monseigneurs » ni quelques « éminences » issus d'une époque surannée et qui en ont profité jusqu'à plus soif qui en décideront autrement.
    Claude G. Thompson

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    2 octobre 2010

    Cher Monsieur Thompson, nous sommes infiniment admiratifs des efforts que vous déployez, pour obtenir un réel sursis pour cette église, et son orgue inestimable.. Nous vous remercions de nous tenir ainsi au courant, et croyez bien que nous souhaitons de tout coeur, que les personnes haut placées, qui décident du destin de votre patrimoine, reviennent sur leur incompréhensible décision .. Impensable même, alors que tant de pays désireraient avoir sur leur sol le merveilleux patrimoine que vous possédez chez vous... Il ne faut pas le laisser disparaître, c'est une partie de votre Passé, une partie de vous-même..

  • Claude G. Thompson Répondre

    1 octobre 2010

    Monsieur Bergeron.
    Vous avez tout à fait raison et je tiens à souligner combien j'apprécie la qualité de votre vision de l'importance de nos biens patrimoniaux.
    Nous avons par trop négligé l'apport fondamental qu'ils constituent quant à notre reconnaissance de nous-mêmes en dehors de toute considération purement religieuse ou spirituelle, bien qu'ils soient, par essence, la représentation la plus immédiate d'une bonne part de l'âme de notre nation, nonobstant ce que peuvent en penser certains d'entre nous qui ont beaucoup trop tôt jeté aux orties toutes les représentations dont ils sont le support et le rappel.
    Je suis, pour le moins que l'on puisse dire, le dernier à être plus catholique que le pape et mon éducation, tout autant que le milieu dont j'ai émergé ont fait de moi un témoin privilégié des changements profonds qui ont marqué les années d'après concile Vatican 2 et l'échec lamentable de l'Église catholique compte tenu des possibilités remarquables qu'il annonçait, mais qui ont été rejetées par une vieille garde cléricale sclérosée que les derniers représentants tentent par tous les moyens d'achever de réduire à néant.
    Notre patrimoine architectural, qu'il soit religieux, industriel ou culturel, nous appartient en propre et les oeuvres, comme les instruments qu'ils contiennent quant à nos églises, sont notre bien propre. Ce ne sont certainement pas quelques « monseigneurs » ni quelques « éminences » issus d'une époque surannée et qui en ont profité jusqu'à plus soif qui en décideront autrement.
    Claude G. Thompson

  • Claude G. Thompson Répondre

    1 octobre 2010

    Monsieur Haché.
    Madame Harel a été, depuis le début, une alliée de première importance dans l'aide à l'obtention des subventions qui ont permis la réfection des grandes orgues du Très-Saint-Nom-de-Jésus, et l'actuelle députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la très honorable Carole Poirier, est, à la suite de son illustre prédécesseure, très impliquée dans le projet que veut mettre de l'avant le Comité de sauvegarde de l'église.
    Du reste, elle est très active dans son comté pour tout ce qui concerne les besoins de ses concitoyens, qui peuvent être fiers d'avoir élu une représentante activement à l'écoute de leurs attentes.
    Claude G. Thompson

  • Marcel Haché Répondre

    1 octobre 2010

    Quel combat vous menez. Vous et tous ceux du comité.
    Cette église est au centre d’un quartier très fidèle. D’un quartier ? De tout un comté plutôt. Faut-il préciser que l’Est de Montréal—le peuple de l’Est-- fut toujours fidèle, qu’il l’est encore, et que l’entité d’ Ho-Ma (Maisonneuve) fut un comté parmi les premiers à élire un péquiste. Qu’il est encore fidèle au P.Q. presque jusqu’au bout de l’Ile. Le P.Q. vous appuie-t-il ?
    Peu importe nos opinions, vous êtes parmi les vigiliens que j’admire le plus.

  • Jacques Bergeron Répondre

    1 octobre 2010

    Il est malheureux que le «Chef de l'Église» de Montréal ne puisse comprendre que cet édifice fut payé par ses paroissiens, et que de ce fait, ils(elles)devraient en être les propriétaires. Souhaitons que Mgr Turcotte comprenne qu'il n'y a rien à gagner à vouloir démolir ce lieu du culte pouvant maintenant être utilisé comme musée ou à quelqu'autre besoin des gens qui, autrefois, utilisaient cette église pour maintenir ou améliorer leur foi. Mais c'était une autre époque. Aujourd'hui, nous, les catholiques, ne sentons plus le besoin d'écouter les sermons de nos prêtres quelque soit leur qualité ou les qualités du ministre du culte.Alors Mgr, un petit coup de coeur pour celles et ceux qui ont payé cette église incluant l'orgue que nous ne pouvons abandonner à ceux qui se sont déjà emparé de nos biens, comme la bourse de Montréal, deux fois plutôt qu'une, et tout notre système financier et industriel en d'autre temps. Souhaitant que vous ne voudrez pas participer à ce nouveau vol d'un instrument , musical cette fois, nous vous prions d'agréer nos salutations respectueuses.