C'est en 2006 qu'Ottawa (Stephen Harper) et Québec (Jean Charest) ont signé une entente, accordant au Québec une place à l'UNESCO.
PHOTO: MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES REUTERS
La question du statut du Québec auprès de l'UNESCO ne cesse de s'inviter dans le débat électoral en cours. Pour le chef du Bloc québécois, l'accord de 2006 entre Ottawa et Québec ne permettrait au Québec que d'occuper un «strapontin» dans le meilleur des cas, voire l'obligerait «à se tenir debout faute de disposer d'un siège» (sic) auprès de l'UNESCO.
D'autre part, pour les gouvernements signataires, cet accord représente une avancée historique bénéfique pour les deux ordres de gouvernement, s'inscrivant à l'enseigne du fédéralisme d'ouverture. Ayant été ambassadeur canadien auprès de l'UNESCO au moment de la signature de cet accord, je voudrais apporter quelques informations qui permettront à l'électorat de se faire une opinion plus éclairée sur ce dossier.
Rappelons qu'il revient au chef conservateur actuel d'avoir pris l'engagement, à l'occasion de la campagne électorale de 2004, d'accorder au Québec une place à l'UNESCO. En moins de 18 mois de négociations, les gouvernements Harper et Charest ont donc souscrit à un accord reconnaissant, d'entrée de jeu, «la spécificité du Québec, fondée entre autres sur l'usage de la langue française et une culture unique, (ce qui) l'amène à jouer un rôle particulier au niveau international».
La perspective de cette entente était de renforcer la concertation et la coopération des deux gouvernements, entre eux et dans leurs relations avec les instances de l'UNESCO «dans l'esprit d'un fédéralisme qui est asymétrique dans son application et qui reconnaît... la personnalité unique du Québec». Tel est le socle de cet accord.
Résumons-en maintenant les principales dispositions. Tout d'abord, il est précisé que «le représentant permanent du Québec sera accueilli au sein de la délégation permanente du Canada», qu'il jouira de l'accréditation diplomatique de «représentant du gouvernement du Québec» et qu'il se rapportera au ministère des Relations internationales du Québec.
Le gouvernement du Québec devient ainsi représenté «à part entière et selon son désir» auprès de toutes les instances et conférences de l'UNESCO, avec droit d'intervention «pour compléter la position canadienne et faire valoir la voix du Québec». Il est aussi convenu que les deux gouvernements se concerteront sur tout vote, toute résolution, toute négociation et tout projet d'instrument international en discussion à l'UNESCO. En cas de non-consensus, le Québec peut exiger d'Ottawa «une note explicative» de sa décision et il demeure libre d'assurer la mise en oeuvre des questions pour lesquelles il a la responsabilité.
Comme on le voit, le statut octroyé au Québec dépasse largement le simple droit à l'information et à la consultation; il comprend le droit d'intervention et même le droit à la dissidence quant au suivi des décisions prises.
Toutefois, il est vrai que ce statut est différent de celui atteint par le Québec au sein de la francophonie où il lui a été accordé un siège de «gouvernement participant» tout comme le Nouveau-Brunswick, sous réserve de l'approbation de l'État-membre, c'est-à-dire le Canada (charte de 2005, art. 10) et comportant un droit de parole sur les sujets de sa compétence. Il faut comprendre que l'Organisation internationale de la francophonie n'est pas une composante de l'ONU et qu'elle n'a été mise sur pied qu'après de laborieuses négociations entre Ottawa, Paris et Québec. Pour ce qui est de l'UNESCO, tout comme l'ensemble de ses grandes composantes, n'y ont de siège officiel que les délégations représentant des États déjà membres de l'ONU, ce qui exclut les États fédérés tel le Québec.
Pour quiconque souhaite la dislocation du régime fédéral canadien actuel, le statut atteint par le Québec auprès de l'UNESCO, et à vrai dire auprès de la francophonie, ne saurait être satisfaisant, on le comprend facilement. Par contre, si l'on considère tant les conditions d'appartenance au système onusien (un siège par État, qu'il soit unitaire ou de type fédéral), et la réalité du régime politique canadien, force est d'admettre que l'accord Ottawa/Québec de 2006 situe les rapports entre les deux ordres de gouvernement dans un cadre formel inédit, comportant des limites mais aussi des possibilités accrues, notamment pour le Québec, d'exercer ses responsabilités spécifiques y compris au plan international.
Dernière remarque. Il m'a aussi été donné de présider à deux reprises, à titre de secrétaire parlementaire du ministre fédéral de la Santé, la délégation canadienne lors de conférences générales statutaires de l'Organisation mondiale de la santé. Notons que le mandat de l'OMS, tout comme celui de l'UNESCO, recouvre largement un des champs majeurs de la compétence québécoise. Permettez-moi de vous confier que le gouvernement du Québec est loin d'y disposer d'un statut le moindrement comparable à celui dont il jouit auprès de l'UNESCO, même s'il finance bon an mal an 80% des coûts du système de santé.
Je m'interroge sur la bonne foi de la vigueur d'aucuns à dénoncer le soi-disant «strapontin» québécois auprès de l'UNESCO, alors même qu'il y a tant à faire pour exploiter toutes les possibilités du statut obtenu, et considérant que tout est à faire dans d'autres domaines de compétence québécoise.
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Yvon Charbonneau
L'auteur est un ancien ambassadeur du Canada auprès de l'UNESCO.*
* L'auteur a été secrétaire parlementaire du ministre fédéral de la Santé.
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