«Vous avez tué la beauté du monde»

Le québec souverain et l'esthétique

Les «colonialistes» fédéraux ont assassiné la ville de Hull

Tribune libre

***Et la beauté du monde, alors?***

Dans Le Devoir du lundi 3 février 2014, j’ai lu, avec ravissement et tristesse, le texte de John R. MacArthur, texte intitulé «Dubaï-sur-Hudson».

L’éminent journaliste étatsunien parle de la diminution progressive et attristante des librairies. Ensuite il disserte brillamment sur une sorte de détérioration «inéluctable» de l’environnement urbain et de la 57e rue. Il écrit notamment :
« Toutefois, la transformation radicale de la 57e rue représente une plus grave menace sociale que les ventes en ligne bon marché. Le pouvoir de l’industrie immobilière a toujours été considérable, mais, de nos jours, il est devenu pharaonique. Dépourvus d’usines et des impôts qu’elles engendraient — conséquence d’une politique de libre-échange du gouvernement fédéral —, les politiciens locaux s’aplatissent devant les deux groupes de capitalistes qui restent : les banquiers de Wall Street et les propriétaires fonciers. (…) Les petits commerçants — cela va de pair avec la détresse des locataires d’appartement aux moyens modestes — ont le choix entre payer des loyers exorbitants ou fermer boutique.»



En lisant le texte de John R.MacArthur, j’ai pensé à cette dame désespérée et exaspérée, Huguette Gaulin, qui s’est immolée, à 28 ans, le 4 juin 1972, sur la Place Jacques Cartier. Ses derniers mots, poignants, parlants et significatifs, ont été : «Vous avez détruit la beauté du monde».

Lorsque Luc Plamondon a écrit sa chanson Le Monde est fou, il a été profondément inspiré par cette tragédie, par cette mort loquace et éloquente. Voici quelques vers :

« Ne tuons pas la beauté du monde

La dernière chance de la terre

C'est maintenant qu'elle se joue


Ne tuons pas la beauté du monde

Faisons de la terre un grand jardin

Pour ceux qui viendront après nous

Après nous»

J’ai aussi pensé à Nancy Huston qui, lors d’un séjour dans son Alberta natale, a été frappée de plein fouet par la laideur spectaculaire qui assombrissait et chagrinait son regard. Dans le livre «Pour un patriotisme de l’ambiguïté», elle écrit :

«Comment se fait-il que, dans le Nouveau Monde en général et dans l’Alberta en particulier, nous soyons si fermés à cet aspect esthétique de la vie? que l’on ne se soucie plus de transmettre aux générations futures de la beauté? que l’on estime normal de mettre devant les yeux de nos enfants un enchaînement chaotique de restaurants fast-food, de stations-services, de bâtisses disgracieuses et de centres commerciaux? Comment faisons-nous pour croire que cette hideur ne déteindra pas sur nous?»

Je ne pense pas avoir trahi le message de MacArthur en me permettant d’établir des liens pathétiques et tristes entre son regard et celui de nombreuses autres personnes dont je suis. .

Il est, à l’heure actuelle, question d’un nouveau pont destiné à remplacer le défunt (ou agonisant) Pont Champlain. De nombreuses personnes voudraient hériter d’un pont efficace, solide et capable d’accueillir tous les moyens de transport.

Si j’oublie la question du péage, je note qu’il y a une discussion qui me passionne. Beaucoup de citoyens souhaitent l’édification d’un pont qui serait esthétiquement «beau» et réjouissant pour l’œil. D’autres personnes, pressées, ne veulent pas perdre du temps et n’accordent aucune importance à l’aspect esthétique.

Espérons que les partisans de la beauté, de la somptuosité et de l’élégance vont avoir gain de cause.

Pour des raisons «familiales», je vais assez régulièrement à Charleston en Caroline du Sud. On a construit un magnifique pont permettant de circuler entre la ville de Charleston et la ville de Mount Pleasant. Ce pont est d’une splendeur profondément réjouissante. L’œil est forcément attiré par cette allure majestueuse, par cette grâce et par cette finesse.

Je suis né en 1943 et nous vivions alors dans la petite mais agréable municipalité de Gatineau. Dans l’ensemble c’était une belle petite municipalité. Aujourd’hui c’est une horreur qui rappelle l’abominable Boulevard Taschereau et de nombreux autres «sites» québécois et nord-américains. J’y retourne rarement maintenant que ma mère est morte. C’est trop hideux !

Je remercie John R. MacArthur d’avoir réanimé ma passion pour la beauté du monde et j’aimerais citer Oscar Wilde : « Pour moi, la beauté est la merveille des merveilles. Il faut être bien superficiel pour refuser de juger d'après les apparences. Le vrai mystère du monde est le visible, pas l'invisible.»
Si jamais le Québec devient souverain, j’espère que la beauté et la lutte contre la laideur vont finir (après avoir «réglé» une foultitude de problèmes) par devenir des préoccupations de grande importance.
Je veux vivre dans un Québec souverain et somptueux.
Quand j’étais jeune, mes grands-parents et plusieurs de mes oncles et tantes vivaient à Hull. Quand Trudeau et les colonialistes de sa coterie ont décidé de faire de la ville de Hull une «colonie» fédéraliste, ils ont dévasté cette ville qui avait un charme particulier sans être d’une beauté absolue. Trudeau aurait aimé que la ville de Hull cesse d’être québécoise pour faire partie d’un district fédéral, semblable au «district of Columbia» (Washington).
Trudeau et ses potes ont contribué à tuer la beauté du monde, pour ne parler maintenant que de cela.
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias


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