Le rôle futur du Canada en Afghanistan - Pour une mission plus cohérente

Afghanistan - le Rapport Manley - retrait ou non?



Nous publions un extrait du rapport dévoilé hier à Ottawa par M. Manley. - Le Groupe propose l'adoption d'une stratégie canadienne nouvelle et plus globale pour l'Afghanistan, une stratégie qui honore les sacrifices déjà consentis par les Canadiens en Afghanistan, qui sert les intérêts canadiens, qui incarne les valeurs canadiennes et qui est, de façon réaliste, à la mesure de la capacité du Canada.
Nos recommandations sont la suite logique de nos observations et de nos évaluations. Leur adoption amènerait le Canada à se lancer dans une mission diplomatique plus cohérente à l'appui du partenariat international oeuvrant à la sécurité, à la saine gouvernance et au développement de l'Afghanistan. Cela conduirait à une réorientation de la mission militaire canadienne en Afghanistan qui se concentrerait moins systématiquement sur les opérations de combat et davantage sur l'intensification des activités de formation de l'armée et de la police afghanes.
Enfin, l'aide civile canadienne au développement offerte au peuple afghan aurait un impact plus déterminant. Il convient de répéter que les ressources canadiennes et la patience des Canadiens ne sont pas sans limites. [...] L'engagement du Canada en Afghanistan tel que nous le proposons n'a rien de timoré, mais il doit aussi comporter des balises. Pour parvenir à des résultats qui soient à notre portée en Afghanistan, à un coût raisonnable et dans des délais réalistes, la nouvelle approche stratégique du Canada devrait comporter les éléments suivants.
Stratégie plus claire
Premièrement, le gouvernement devrait entreprendre des démarches diplomatiques concertées dans le but d'établir une stratégie plus claire et plus globale et d'exercer une meilleure coordination des efforts déployés en Afghanistan par la communauté internationale, les autorités afghanes et les autres gouvernements de la région.
De manière à assurer une surveillance politique systématique et constante ainsi qu'une mise en oeuvre plus efficace, il faudrait mettre en avant une approche stratégique canadienne plus intégrée et plus cohérente, qui relèverait du premier ministre, ce dernier comptant sur l'appui d'un comité du cabinet et d'un seul et unique groupe de travail, composé de représentants de tous les ministères et organismes clés et se consacrant à temps plein à cette tâche.
Le sommet de l'OTAN qui se tiendra en avril prochain à Bucarest -- et lors duquel il est prévu de discuter de l'élaboration d'une vaste stratégie d'alliance pour l'Afghanistan -- serait l'occasion pour le Canada d'aborder ces questions aux échelons les plus élevés. Le Parlement pourrait souhaiter reporter la décision sur le rôle futur du Canada en Afghanistan d'ici à ce que se termine le sommet de l'OTAN. [...]
Des troupes additionnelles
Deuxièmement, le fait que les forces militaires luttant contre les insurgés soient en nombre insuffisant constitue la faiblesse la plus manifeste et la plus grave de la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan. Par conséquent, la mission militaire du Canada à Kandahar devrait être prolongée par-delà février 2009, cette prolongation étant expressément subordonnée au déploiement de troupes supplémentaires dans cette province par au moins un des pays membres de la FIAS.
Ces troupes supplémentaires devraient consister en un groupement tactique (environ 1000 soldats) ayant pour mission d'appuyer la stratégie de libération, de défense et d'aide au développement mise en avant par la FIAS dans la province et de prêter main forte à la formation accélérée des unités de l'armée et de la police afghanes. Ces soldats permettraient de renforcer la sécurité assurée par la FIAS à Kandahar et d'accroître la capacité de cette dernière à prévenir les incursions depuis le Pakistan et à appuyer la formation des Afghans.
Répétons-le: pour qu'elle réussisse, la campagne contre l'insurrection en Afghanistan doit pouvoir compter sur plus de troupes de la FIAS. Malgré les indications récentes selon lesquelles des renforts seraient imminents, l'insuffisance des ressources militaires déployées à l'heure actuelle met en péril l'ensemble de la mission de la FIAS.
Des hélicoptères
En outre, dans le but d'accroître la sécurité et l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes à Kandahar, le gouvernement devrait mettre à leur disposition au plus tard d'ici février 2009 de nouveaux hélicoptères de transport de moyen tonnage ainsi que des véhicules aériens sans pilote à haute performance. À l'heure actuelle, les soldats canadiens doivent trop souvent faire appel aux forces alliées pour disposer de cet équipement indispensable.
Si aucun des pays partenaires de la FIAS ne prend d'engagements concernant le groupe tactique d'ici février 2009 ou si l'équipement requis n'est pas fourni, le Canada devrait informer le gouvernement afghan et les pays alliés de son intention de transférer ses responsabilités relatives à la sécurité de Kandahar.
Nombreux sont ceux qui auraient préféré que nous trouvions des motifs de recommander l'interruption du rôle militaire du Canada à une date donnée, mais le choix du moment où procéder à ce retrait dépendra dans une grande mesure de l'accroissement des capacités de l'armée et de la police afghanes. Aucun consensus clair n'a été dégagé parmi les militaires ou les spécialistes civils en ce qui concerne le moment où les forces de sécurité afghanes auront acquis la taille et la compétence requises pour que les forces de la FIAS puissent se retirer de l'Afghanistan ou, plus précisément, de Kandahar. La constitution des forces de sécurité afghanes exigera du temps. La formation, en particulier celle des officiers, nécessite à la fois du temps et une expérience qu'il faut acquérir directement sur le terrain. [...]
Peuple afghan
Troisièmement, l'engagement civil canadien pour la reconstruction et le développement en Afghanistan doit mettre davantage l'accent sur des mesures d'aide qui profiteront directement au peuple afghan. Il faut se concentrer dans une plus grande mesure sur la réalisation de projets, dont au moins un projet de premier plan (par exemple, un hôpital ou un projet d'irrigation d'envergure) qu'on associera au Canada et qui sera dirigé par des Canadiens.
De tels projets doivent répondre à des besoins urgents, définis par les dirigeants de la collectivité afghane eux-mêmes; ils doivent produire des emplois à l'échelon local ainsi que d'autres avantages. Cette aide à la réalisation de projets prendrait de l'ampleur en parallèle avec des projets à plus long terme visant à accroître les capacités dont disposent les collectivités et les institutions afghanes. [...]
Mesurer la portée des actions
Quatrièmement, il faudrait faire un suivi et une évaluation plus approfondis et plus systématiques de l'efficacité des activités militaires et civiles canadiennes en Afghanistan, de même que des progrès réalisés au chapitre de la sécurité, de la gouvernance et du développement dans ce pays. C'est seulement en mesurant les effets pratiques de la politique en vigueur et en étant au fait de la situation sur place ainsi que de son évolution qu'il sera possible de tenir un débat éclairé et de prendre des décisions judicieuses au sujet des engagements canadiens actuels et futurs.
Le Pacte pour l'Afghanistan énonce des objectifs et des échéanciers pour les programmes internationaux et les programmes du gouvernement afghan. Il faut désormais se fonder sur des normes plus pragmatiques pour évaluer le rendement et les résultats obtenus. Le Groupe s'attend à ce que les parties au pacte fassent un examen complet de l'efficacité de l'ensemble des activités menées au titre de la sécurité, de la gouvernance et du développement en 2011. Cet examen multinational devrait permettre de prendre des décisions éclairées en ce qui concerne les engagements du Canada en Afghanistan à l'avenir.
Mieux communiquer
Cinquièmement, la nouvelle approche stratégique canadienne devrait comprendre un rééquilibrage des communications du gouvernement avec les Canadiens au sujet de nos activités en Afghanistan, de manière à fournir plus de renseignements et de travaux d'analyse au sujet des activités diplomatiques et des initiatives de reconstruction et de développement. Le gouvernement doit constamment maintenir un dialogue ouvert et constructif avec les Canadiens en ce qui concerne les conditions qui existent en Afghanistan et la mesure dans laquelle les objectifs canadiens sont atteints. [...]
***
John Manley, Président du Groupe d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan
- source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->