Le sapin

À entendre les nouvelles assurances d'intégrité et de saine gestion données cette semaine par Mme Courchesne, plusieurs ont dû avoir la même pensée: un autre sapin à la veille de Noël?

CHUM



Les conférences de presse pour annoncer des «réajustements» au projet du CHUM, comme celle à laquelle on a eu droit lundi, sont devenues une sorte de rituel auquel il faudra sans doute se plier pendant encore de longues années.
Il est difficile de trouver un meilleur exemple pour illustrer la gouvernance libérale depuis 2003, dans la mesure où il résume parfaitement tout ce qu'on a pu reprocher au gouvernement Charest au fil des ans: partisanerie, incompétence, manque de transparence, biais idéologique, éthique douteuse.
Robert Lacroix et Louis Maheu ont sous-titré Une tragédie québécoise leur livre sur la saga du CHUM. Il est certainement désolant de constater l'échec des projets successifs depuis 1927, mais il serait injuste de faire porter à l'ensemble de la société québécoise la responsabilité de la pitoyable comédie d'erreurs à laquelle on a assisté depuis sept ans.
L'idée que le mégahôpital francophone soit construit dans un comté péquiste était insupportable au gouvernement Charest. Craignant déjà une explosion des coûts, Bernard Landry n'avait pas osé lancer les travaux au 6000 Saint-Denis de façon à rendre le projet irréversible. On mesure aujourd'hui les conséquences de cette procrastination, mais l'ancien gouvernement péquiste ne peut pas être blâmé pour tout ce qui est survenu par la suite.
Il est vrai que le débat entre les partisans du 1000 Saint-Denis et ceux de la gare de triage d'Outremont a pris de façon un peu irrationnelle l'allure d'une lutte de classes, mais au lieu d'agir comme arbitre, le gouvernement a lui-même donné le spectacle ahurissant d'un combat de gladiateurs opposant le premier ministre à son ministre de la Santé.
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On conviendra que le CHUM est un projet complexe et que l'emplacement retenu, où il fallait tenir compte de l'hôpital existant, passablement vétuste, ne facilitait pas une estimation précise des coûts. De là à passer du simple au double en quelques années, il y a cependant une marge.
Certes, le gouvernement Charest n'a pas le monopole de l'incompétence en matière de grands projets. Du Stade olympique au métro de Laval, en passant par l'aéroport de Mirabel, l'usine de la Gaspésia, l'îlot Voyageur et j'en passe, les contribuables en ont malheureusement vu d'autres.
Le plus choquant dans le cas du CHUM est le tripotage de chiffres auquel on s'est livré pour tenter de faire croire que la formule de partenariat public-privé permettait de réduire les coûts. Comme s'il ne suffisait pas que le gouvernement ait pris en charge 45 % du financement, alors que l'entrepreneur devait en principe assumer la totalité du risque.
Le vérificateur général du Québec dénonce fréquemment les lacunes dans la gestion des différents ministères et organismes gouvernementaux, mais ce dont parlait son rapport de juin dernier s'apparentait plutôt à de la tricherie.
En utilisant un «indice de vétusté» et un taux d'actualisation inexacts de manière à surévaluer les avantages de la construction en PPP, on a délibérément fait passer le parti pris idéologique avant l'intérêt public.
Il est également troublant d'apprendre que deux des trois experts qui ont été mandatés depuis pour vérifier si la formule du PPP présente réellement des avantages semblaient déjà vendus à l'idée. Ils ont bel et bien été associés à d'autres projets de PPP, mais ils sont considérés comme indépendants dans le dossier du CHUM, a expliqué sans rire l'attaché de presse de la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne.
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Année après année, la gestion du projet a soulevé de sérieuses questions sur le plan de l'éthique. D'autant plus que le gouvernement a fait preuve de son manque de transparence habituel. Encore une fois, seule la vigilance des médias a permis d'y voir un peu plus clair.
Au départ, l'évaluation des coûts des deux hôpitaux universitaires — CHUM et CUSM — avait été confiée à un comité dont les membres avaient offert leurs services à titre bénévole, mais dont l'identité était tenue secrète. Sans contrat formel avec le gouvernement, ils demeuraient libres de s'associer à n'importe quelle entreprise qui pouvait souhaiter présenter une soumission.
On a appris par la suite que des firmes d'ingénieurs dont les services avaient été retenus pour aider le gouvernement à négocier avec les consortiums en lice pour la construction du CHUM faisaient elles-mêmes partie des consortiums souhaitant construire le CUSM et vice-versa.
L'avocat embauché par l'agence des PPP pour agir à titre d'arbitre des conflits d'intérêts au CHUM a alors expliqué qu'un «mur de Chine» pouvait être érigé au sein d'une entreprise pour empêcher la diffusion d'informations.
On peut se demander pourquoi des firmes d'ingénieurs qui ont violé pendant des années la Loi sur le financement des partis politiques dans le but d'obtenir des contrats auraient soudainement un sursaut de vertu.
À entendre les nouvelles assurances d'intégrité et de saine gestion données cette semaine par Mme Courchesne, plusieurs ont dû avoir la même pensée: un autre sapin à la veille de Noël?
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mdavid@ledevoir.com


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