La Belgique est dans une situation de blocage qui semble indéfinie. Les dernières solutions pour trouver un accord se sont révélées impraticables. Le président du parti qui domine en Wallonie, le PS, et par là même dans l’ensemble de la Belgique francophone (Wallonie + Bruxelles), a, dimanche passé, brandi la menace, si la Flandre prenait son indépendance, de la formation d’une Belgique résiduelle formée de la Wallonie, de Bruxelles et des habitants des six communes qui jouxtent Bruxelles (qui seraient consultées).
On attend cependant, pour lundi, une ultime tentative d'entente de la part de Bart De Wever, le leader nationaliste flamand dont la popularité ne cesse de grandir en Flandre.
Wallons et Bruxellois plus séparatistes?
Ce qui frappe, c’est que, il y a encore quelques mois, ce sont les Flamands qui semblaient les plus séparatistes. Les Flamands sont de fait nationalistes, mais il savent aussi qu’une rupture unilatérale avec la Belgique leur ferait perdre Bruxelles dont les dirigeants communaux et régionaux constituent l’immense majorité des représentants politiques, une ville qui selon de récents calculs ne compte plus que 5% de Flamands mais voit cependant défiler chaque jour plus de 200.000 travailleurs flamands venus de l’extérieur et qui, dans l’économie bruxelloise, ont une place centrale.
De sorte que l’on doit affirmer que ce que les Flamands veulent surtout, c‘est, dans le cadre d’une Belgique encore maintenue, transférer le plus de compétences fédérales vers l’Etat fédéré de Flandre. Cela dans la mesure où dans plusieurs questions (la sécurité sociale, l’immigration, la protection de la jeunesse par exemple), ils veulent mener des politiques qui leur conviennent et non les politiques auxquelles les Wallons tiennent, des Wallons considérées comme étant « de gauche », qu’ils soient socialistes, démocrates-chrétiens ou même les libéraux plus à droite mais conscients des impératifs de la solidarité sociale. Ils veulent aussi que les Etats fédérés se financent le plus possible eux-mêmes, alors que jusqu’ici les finances de ces Etats fédérés étaient dans une large mesure des dotations de l’Etat fédéral.
La Wallonie se redresse: c'est elle qui a avantage à l'autonomie
La relative faiblesse de la Wallonie sur le plan économique a amené ses dirigeants – depuis l’année 1999 où ces exigences flamandes ont été formulées – à refuser tout progrès des autonomies des Etats fédérés, dans la crainte que cela n’appauvrisse la Wallonie. Mais peut-être aussi (surtout ?), parce que les partis dits « francophones » mais en réalité wallons à 80 % se sont repositionnés sur une défense de la Belgique et de son unité qui, on le voit bien aujourd'hui et je n'ai cessé de le dénoncer ici même, constitue la pire politique à mener. En effet, le refus obstiné opposé depuis plus de dix ans aux requêtes flamandes de plus d’autonomie n’a fait que les exacerber. La politique menée par les dirigeants wallons est d’autant plus étonnante que, comme l’a montré le Professeur Quévit, il est clair que, sur le long terme, c’est la Wallonie qui a le plus avantage à l’indépendance. Car l’autonomie acquise dans les limites d’un simple fédéralisme a fini par produire des effets qui font que la Wallonie se sort peu à peu de son chômage endémique, de son mal développement, crée deux aéroports importants, voit croître ses exportations dans une proportion qui est supérieure à celles de tous ses voisins (et cela depuis plus d’une décennie). Elle accueille même de nombreuses entreprises flamandes à l’étroit dans une Flandre surpeuplée où l’espace est rare, se lance dans les nouvelles technologies, est la région belge qui, aujourd’hui, attire le plus les investissements étrangers. Il y a des transferts de la Flandre vers la Wallonie mais comme dans tout pays unitaire ou fédéral et c'est en Belgique que ces transferts sont les plus faibles. Comme le montre l'étude d'une banque française.
Supprimer le drapeau et la monarchie belges
Si les transferts de compétences dont on parle depuis le 13 juin dernier, se réalisaient, l’Etat fédéral n’aurait vraiment plus grand-chose à faire. Les trois-quarts des compétences autrefois belges seraient gérés par les Régions, à un tel point qu’il serait plus logique de supprimer le parlement fédéral voire même le gouvernement fédéral. Les partisans de l’unité belge à tout prix ne voient pas que c’est leur obstination nationaliste belge qui crée la zizanie, les conflits s’étant d’ailleurs apaisés dans tous les domaines où Flandre, Wallonie et Bruxelles sont entièrement autonomes. Le séparatisme est donc un facteur sinon d’unité (ce serait quand même se contredire), en tout cas un facteur d’entente. Il permettrait aussi que la Flandre et la Wallonie acquièrent leur personnalité dans un cadre belge devenu coquille vide et qui, manifestement, ne signifiera plus rien à l’avenir. Quand les 3/4 des compétences auront été régionalisés, il faudra sans doute régionaliser le quart restant, supprimer la monarchie, le drapeau belge et tous les mensonges d’une prétendue unité qui n’a jamais fait qu’envenimer les relations entre Wallons et Flamands. A la limite on pourrait commencer tout de suite. Et en tout cas au moment où le roi Albert II ne pourra plus régner (il a 76 ans), et où il devra passer la main à son fils Philippe, ce qui serait l’occasion de rompre le fil de la dynastie belge puisqu’elle ne signifie plus rien et que Philippe est décrit, même par des gens de l’entourage royal, comme incapable d’assumer cette fonction.
De coeur je suis en faveur de l'indépendance de la Wallonie. Mais les réalités de terrain m'indiquent qu'il vaut mieux discuter longuement pour aboutir à une confédération d'Etats indépendants, à cause du problème de l'Europe et en raison aussi du fait que sur un territoire exigu comme la Belgique des Etats séparés mais modernes (qui interviennent en tout comme tous les Etats modernes), au surplus des Etats qui resteront unis dans l'Union européenne, sont forcés, s'ils se séparent, de rester bons voisins. Et pour cela, une certaine attirance réciproque demeure, malgré tout. Met de Walen maar zonder België (avec les Wallons mais sans la Belgique), tel est l'adage d'un de mes meilleurs amis nationalistes flamands. Une Wallonie entièrement libre ou indépendante devrait avant tout se consacrer à renforcer son système de solidarité sociale, nourri par 150 ans de luttes sociales implacables et que nous ne pouvons renier, car c'est le meilleur de nous-mêmes.
Le séparatisme comme moyen d’entente
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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