La Presse grande castratrice de la révolution tranquille (6e partie)

Le sinueux parcours d'un ex-idéaliste

Pratte devient la voix de son maître

Tribune libre

Dans une de ses chroniques en 1994, Pratte s’est permis d’irriter sa sainteté en affirmant qu’il y avait quelque chose de pourri au royaume de Power. Le syndicat des journalistes ainsi que ses collègues chroniqueurs ayant pris sa défense, il pu, après quelques mois de purgatoire et une lettre de réprimande, réintégrer la famille. Mais il préféra par le suite démissionner et devenir plutôt auteur d’essais politiques.

C’est Au pays des merveilles, son quatrième bouquin paru en 2006 qu’il avoue avoir voté oui aux référendums de 1980 et de 1995. Dès lors, on peut penser que le jeune garçon, âgé de 13 ans en 1970, a dû être gêné par la façon dont La Presse avait traité l’affaire des camions de la Brink avant les élections du 29 avril. Très gêné in deed. Imaginez : son père l’éminent avocat Yves Pratte, faisait déjà partie du sérail Power.

André Pratte frise la vingtaine quand le Parti québécois prend le pouvoir le 15 novembre 1976. Quelques mois plus tard, il a dû ressentir une nouvelle gêne quand, scrutant comment La Presse reportait les débats en cours sur le projet de loi 101, il a vu le peu de cas que fit La Presse à propos des insanités qu’on lançait quotidiennement dans les média anglophones.sur le dos de Camille Laurin.

Devenu reporter à CKAC, comment Pratte a-t-il vécu la campagne référendaire du printemps 80? S’il a voté oui comme il l’a affirmé, il n’a sûrement pas dû apprécier comment les journaux de l’ami de son papa étaient si loquaces à propos du show des Yvette au Forum, mais si peu quant à la roublardise d’un certain PET quelques jours plus tard au Centre Paul-Sauvé.

Ayant été, par papa interposé, pas mal au centre de cette honteuse mascarade, cela ne l’empêche point d’intégrer l’équipe de La Presse en 1986. Ayant enfin la possibilité d’émettre ses opinions étant devenu chroniqueur, en février 1994, il jette un gros pavé dans la marre avec son papier au titre percutant : Tout est pourri. Débordement d’un trop plein de frustrations trop longtemps retenues.

Mais ce qui est difficile à comprendre, c’est la fracassante conversion de notre idéaliste dans l’année même où les tours jumelles s’effondrent à New-York.

Le retour en grâce

2001 : il se passe donc sept ans, trois lancements d’essais de son cru, et un référendum pour que l’enfant prodigue rentre au bercail. Et par la grande porte, s’il vous plait : on le sacre éditorialiste en chef. Pour que le pape ait déployé le tapis rouge avec autant de faste devant la personne du nouvel  évêque, celui-ci a peut-être entendu des voix dans le désert.

C’est lors de ses constantes apparitions dans les talk-shows à l’occasion de la publication de l’un ou l’autre de ses bouquins que Pratte a dû fortement impressionné Mister Paul. Celui-ci le juge d’une grande utilité depuis que, devant la presque victoire des séparatistes au référendum de 1995, Gesca a conclu une entente avec Radio-Can, afin que plus jamais le Canada ne se retrouve devant « un tel précipice ». « Quelle aubaine que ce Pratte, a dû se dire Desmarais, il est à la fois un excellant communicateur, et un converti à un fédéralisme inconditionnel. »

A propos de son premier essai, « Le Syndrome de Pinocchio paru en 1997, le journaliste Bryan Miles avait écrit que ce livre « est né de l’écœurement de l’auteur vis-à-vis le mensonge et de sa déception à l’égard des journalistes qui ne semblent avoir ni l’énergie, ni le courage de dénoncer la tromperie. Déception aussi à l’égard des citoyens qui, parfois, récompensent la fausseté de leurs votes. »

Mais quelle est donc cette fausseté des votes des électeurs qui déçoit tant Pratte. À le voir évoluer pendant les dernières quatorze année à la barre de La Presse, il semble avoir complètement assimilé la ligne de pensée de son patron, à savoir que la vaste majorité des lecteurs de La Presse auraient mal voté au référendum. Et qu’à tout prix, il fallait leur faire changer d’opinion. C’est donc à un véritable acharnement médiatique qu’en 2001, Pratte avait convié ses collaboratrices et collaborateurs à La Presse.

Acharnement médiatique

Pratte sait dorénavant très bien qu’il doit en tout temps, tenir compte des intérêts de la famille Desmarais. En cette année 2001, sa principale tâche est de tout faire pour que le PQ perde à tout jamais le pouvoir, gage qu’en aucun temps, ne se profile un troisième référendum sur la souveraineté.

Pratte se met vite à l’œuvre. C’est sous son égide que La Presse rabroue « les purs et durs » du PQ et de la Société Saint-Jean-Baptiste ayant forcé Lucien Bouchard à démissionner. L’ex-premier ministre avait raison. Il fallait tout faire pour bloquer la candidature d’Yves Michaud dans Mercier. Une fois élu, il aurait beaucoup trop talonné son chef afin qu’il renforce la loi 101. Pas très bon pour le PLQ que tout ça.

Grand paradoxe : c’est cet auteur du Syndrome de Pinocchio qui s’était donné comme mission de dénigrer les mensonges des politiciens qui, dès sa nomination à La Presse, ne semble avoir que peu d’intérêt à remuer la boue là où, comme jamais elle a proliférée. À l’Assemblée nationale. Quelle immondice en effet que cette motion d’antisémitisme dirigée contre l’honnête citoyen Michaud, une motion votée sans débat. Et à l’unanimité des députés!

Autre évènement révélateur où Pratte a sûrement mis sa touche : le débat télévisé des chefs lors de la campagne électorale de 2003. Jean Charest y interpelle Bernard Landry : « Qu’avez-vous à répondre à propos de la déclaration qu’a faite monsieur Parizeau ce matin. » Le premier ministre est interloqué. Il ne peut répondre puisque personne dans son entourage immédiat ne l’a mis au courant de l’affaire.

Le lendemain, grosse manchette à la une de La Presse: « Charest refuse de faire des excuses à Parizeau ». Avec un sous-titre de la même eau : « Bernard Landry ne retiendra pas Jacques Parizeau si ce dernier décidait de s’éclipser après avoir soulevé une telle controverse». Pratte et ses comparses ont bien joué. Tout a été fait pour démontrer à la population que le Parti québécois est un parti anti-immigrants.

Pourtant, si on lit attentivement l’article de Tommy Chouinard, on se rend compte qu’à la question que l’étudiant du cégep de Shawinigan lui avait posée, Monsieur avait répondu que, selon un sondage effectué par Génération Québec, il y a progrès parmi les Néo-Québécois puisque, s’il y avait un troisième référendum, il y était démontré que 40 % des fils d’immigrants voteraient oui. Pas de quoi fouetter un chat !


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