Le testament

Pour un gouvernement dont 70 % des électeurs se disent déjà insatisfaits, ce pari sur la «lucidité» ne manque pas d'audace. Contrairement à ce qu'il a dit en conférence de p

La "Révolution culturelle" du "Grand Bâtisseur", "Maîtres chez nous", applaudissent les affairistes... Fin de la Révolution tranquille - Voici la "Régression tranquille".



Agacé par les sarcasmes que lui avait valus son appel à une «révolution culturelle», le ministre des Finances, Raymond Bachand, avait indiqué qu'il choisirait bien ses mots dans son discours sur le budget. «Nous pouvons même parler d'une révolution culturelle...», a-t-il répété hier.
Il faut reconnaître que les sceptiques ont été confondus. C'est un vieux truc de laisser entrevoir le pire pour mieux faire accepter un moindre mal. Cette fois-ci, le gouvernement a fait exactement l'inverse. Ce premier budget présenté par M. Bachand est tout sauf le «budget moumoune» prophétisé par le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette.
Il est de bon ton pour un ministre des Finances de faire une fleur au premier ministre dans son discours. M. Bachand avait cependant raison de dire qu'«un tel budget ne saurait voir le jour sans l'appui inconditionnel du premier ministre».
Depuis l'échec de son projet de «réingénierie» de l'État, Jean Charest avait opté pour la procrastination durable. Apparemment, ce n'est pas le souvenir qu'il veut laisser. Le budget d'hier, qui constitue une autre tentative de redéfinition du «modèle québécois», notamment dans le secteur de la santé, a des allures de testament. Il permet du même coup à M. Bachand de se poser en héritier.
Faire accepter ce budget ne sera pas une mince tâche, mais il sera encore plus difficile de le transposer dans la réalité. Ramener l'augmentation des dépenses de 4,6 % à 2,9 %, puis à 2,2 % jusqu'en 2013-14, va exiger un effort de rationalisation sans précédent qui ne peut qu'affecter les services offerts à la population.
Même si les diverses augmentations de taxes et de tarifs, tout comme la nouvelle contribution pour la santé, seront graduelles, le mécontentement qu'elles provoqueront risque d'être immédiat. Alors que le contrôle des dépenses demeure hypothétique, l'alourdissement du fardeau fiscal est une certitude.
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Pour un gouvernement dont 70 % des électeurs se disent déjà insatisfaits, ce pari sur la «lucidité» ne manque pas d'audace. Contrairement à ce qu'il a dit en conférence de presse, M. Bachand pourrait découvrir que les «vaches sacrées» n'existent pas seulement dans l'Inde de Gandhi. Comme en 2003, plusieurs se diront qu'ils n'ont «pas voté pour ça». Durant la dernière campagne électorale, M. Charest qualifiait d'alarmistes irresponsables ceux qui s'inquiétaient de l'état des finances publiques.
Si personne ne sera épargné par les mesures annoncées, certains le seront moins que d'autres. En leur qualité de contribuables et d'employés de l'État, les travailleurs des secteurs public et parapublic écoperont doublement.
Lundi soir, la rencontre avec les principaux ministres engagés dans les négociations avait donné aux dirigeants du front commun l'impression d'une ouverture. Ils ont toutes les raisons de se sentir floués.
La présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a réitéré que le gouvernement souhaitait toujours une entente négociée, mais les objectifs de contrôle des dépenses fixés par le budget et la réaffirmation d'offres salariales n'excédant pas 7 % en cinq ans laissent peu d'espace de manoeuvre.
Dans un corridor aussi étroit, il ne sera pas évident d'améliorer de façon significative les conditions de travail des infirmières, que la présidente de la FIQ, Régine Laurent, a qualifiées d'«abjectes et inhumaines».
Mme Gagnon-Tremblay a également déclaré que ces paramètres salariaux s'appliqueraient aux médecins, qu'il s'agisse des omnipraticiens ou des spécialistes, qui réclament bien davantage pour combler l'écart avec leurs confrères du reste du Canada. Les prochains mois s'annoncent agités dans le réseau hospitalier.
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Peu importe ce que M. Bachand aurait pu annoncer, Pauline Marois aurait trouvé à redire, même si plusieurs des mesures contenues dans le budget ont été proposées à un moment ou l'autre par son propre parti.
Il est vrai que la formule de péréquation adoptée en 2007 va permettre au gouvernement fédéral de siphonner une partie des revenus additionnels provenant de la hausse des tarifs d'électricité, mais il est pour le moins étonnant d'entendre le PQ plaider en faveur d'une plus grande dépendance envers Ottawa. À ce compte, il vaudrait mieux renoncer à tout développement économique.
En réalité, la chef du PQ a dû se pincer pour croire à toutes les merveilles qu'elle découvrait dans le budget. Elle craignait par-dessus tout de revivre le cauchemar de Lucien Bouchard et d'hériter dans trois ans d'une situation financière si mauvaise que son gouvernement aurait été pratiquement paralysé. Elle pourrait maintenant bénéficier d'une marge de manoeuvre inespérée.
«Le budget le plus choquant de l'histoire du Québec», a lancé Gérard Deltell. À bien des égards, par exemple avec l'ouverture à l'abolition des commissions scolaires, le budget est pourtant d'inspiration adéquiste. Certes, on n'attend pas d'un parti d'opposition qu'il félicite le gouvernement, mais M. Deltell a mal choisi son moment pour l'accuser de manquer de courage.
En revanche, il faut reconnaître son talent pour la diversion. M. Charest préférerait certainement qu'on discute, au cours des prochaines semaines, de tarifs d'électricité, de ticket modérateur ou de droits de scolarité plutôt que de corruption dans l'industrie de la construction.
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mdavid@ledevoir.com


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