Il y a longtemps que je songe à exprimer mon point de vue sur la question. Le déclencheur final? Cet article lu dans The Economist au sujet des pays du Golfe persique qui se convertissent au rail, afin de lutter contre la congestion, mais aussi de se préparer pour un avenir «post-carburant». Que les grands du pétrole aient compris que nous approchons de cette ère fatidique où la ressource deviendra rare et qu'ils s'y préparent activement m'impressionne. Même les Américains ont déjà mis à l'agenda l'implantation d'un système de TGV dans les parties les plus peuplées du pays. Mais que le Québec, figé dans un immobilisme contemplatif et rétrograde, n'ait pas encore pas compris la place du rail dans son avenir me laisse bouche bée!
Le train, je connais bien. Aussi bien ici qu'ailleurs: la traversée de l'Europe en train, de la Grèce à l'Espagne, les arrêts dans des villes italiennes ou espagnoles de moins de 10 000 habitants m'ont un peu gâtée, je l'avoue. Effectuant maintenant de temps à autre le trajet Québec-Montréal par train pour mon travail, je ne peux m'empêcher de songer que rien n'a changé depuis 40 ans, alors que je faisais régulièrement le même trajet pour aller rendre visite à ma soeur qui habite Toronto depuis les années 60 (comme mon père travaillait pour le Canadien National, je bénéficiais de la gratuité, ce qui convenait bien aux maigres ressources financières de mon jeune âge). Rien n'a changé: la vitesse est toujours la même - ironiquement, la chanson de Willie Lamothe qui disait: «Embarque, on ira pas vite, à Montréal, aller-retour» me revient souvent à l'esprit. Les wagons sont à peu près les mêmes, peut-être un peu plus usés... Seul réconfort, le personnel est toujours aussi affable et prévenant.
Triste stagnation
Difficile d'imaginer que malgré les innovations technologiques majeures des dernières décennies dans tous les domaines, le transport des passagers par train au Québec n'a pas bougé d'un cran. Malgré l'exemple des pays européens, la menace de raréfaction des carburants fossiles, la congestion sur les routes et la présence d'un constructeur de train de réputation internationale (Bombardier), le Québec n'a pas évolué en la matière.
Pire, une ville universitaire importante comme Sherbrooke a même perdu son service de train passager la reliant à Montréal. En Ontario, une ville universitaire de taille comparable comme Kingston est desservie par train dix fois par jour (cinq trains pour Montréal et autant pour Ottawa)! Il est vrai qu'elle se situe sur le trajet de Toronto. Ce à quoi on pourrait rétorquer que Sherbrooke se situe sur le trajet - potentiel - de Boston et New York.
Pas d'argent, dit-on! Pas d'argent pour le train, pas d'argent pour le tramway. Comment faisaient donc nos ancêtres si démunis pour s'offrir ces deux moyens de transport au début du 20e siècle et même durant la crise? Où prenaient-ils donc l'argent? Cet argument est de la foutaise, ce n'est pas l'argent qui manque - si j'en juge par les impôts que je paie - c'est la vision qui est absente. Un peu comme chez les constructeurs automobiles américains. Cela devrait nous rappeler que sans vision d'avenir, c'est la banqueroute qui nous guette.
Pas assez de monde! Bien sûr que la densité de la population est faible, car les gens hésitent à venir habiter dans une ville aussi mal connectée avec l'extérieur. Et ses résidents hésitent encore à prendre un moyen de transport dont les horaires sont aussi peu pratiques.
Qualité et diversité
L'attractivité et la compétitivité d'une ville repose en bonne partie sur la qualité et la diversité de ses connections avec l'extérieur. Qui dit qualité dit aussi rapidité car personne n'a de temps à perdre sur la route. Pas de temps à perdre à conduire alors qu'on pourrait travailler tout en se déplaçant. Il faut arrêter d'investir dans l'asphalte pour élargir les routes ou en créer de nouvelles et consacrer plutôt cet argent au développement d'un système de trains interurbains ultra-rapides et de tramways urbains efficaces.
Dans une optique de développement durable, il est plus rentable d'utiliser le train (et le tramway) que l'automobile : plus de passagers déplacés à la fois, plus faible dépense énergétique, moins de congestion, moins de pollution, moins d'émissions de gaz à effet de serre et moins d'espace gaspillé.
Quand donc arrêtera-t-on de regarder le train passer?
***
Marie Demers, Québec
Auteure de Pour une ville qui marche
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé