Les bonnes intentions

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Un désintérêt québécois pour la France, malgré le nombre record d'étudiants français au Québec


François Legault a semblé surpris de ne recevoir aucune question des journalistes à l’issue de sa rencontre avec le président Emmanuel Macron à l’Élysée. Il se souvenait peut-être de l’époque où tout voyage d’un premier ministre québécois en France prenait des allures de psychodrame. Depuis que le général de Gaulle avait impliqué la France dans le débat sur l’avenir politique du Québec, on ne se demandait pas si un nouvel incident viendrait semer la zizanie au sein du triangle Québec-Paris-Ottawa, mais plutôt à quel moment il surviendrait.


Durant toute la visite, l’ambassadeur du Canada était sur les dents. On pesait chaque mot qu’avaient choisi d’utiliser le président de la République ou son premier ministre pour qualifier la relation entre la France et le Québec, afin de détecter un quelconque changement de ton.


Lundi, M. Macron a parlé d’un « lien historique privilégié », une expression qu’il aurait pu utiliser après une rencontre avec le chef d’une bonne moitié des États de la planète.


Personnellement, l’actuel président a sans doute plus d’affinités avec le postnationalisme de Justin Trudeau qu’avec l’autonomisme de François Legault, mais il y a déjà longtemps que toute la France s’est désintéressée de la question nationale québécoise, et pour cause.


À partir du moment où les Québécois semblaient eux-mêmes avoir tourné la page, la France n’avait aucune raison de continuer à indisposer un allié comme le Canada.


Les souverainistes québécois ont assisté à cet éloignement avec grande tristesse. Avec son tact habituel, Nicolas Sarkozy leur a donné un coup de pied en associant leur projet à du sectarisme. Jean Charest lui-même avait été embarrassé de cette outrance. M. Macron n’a peut-être aucune sympathie pour la cause indépendantiste, mais cela n’empêche pas l’élégance.


 

 

Certes, M. Legault a été reçu avec tout le décorum réservé aux chefs d’État et le ton du président était sans aucun doute amical, mais s’agit-il toujours de ce « lien magique » dont parlait l’ancien premier ministre français Manuel Valls ? En réalité, si la sympathie demeure, beaucoup de cette magie avait déjà disparu quand M. Valls l’évoquait.


D’ailleurs, le regard que les Québécois portent sur la mère patrie a également changé. On y pense encore avec une certaine nostalgie et nos artistes y rayonnent toujours, mais elle n’exerce plus le même attrait auprès de la jeune génération.


On comprend que la France souhaite attirer plus d’étudiants québécois : dans les années 1970, plus de 3000 d’entre eux étaient inscrits dans les universités françaises. Aujourd’hui, ils sont moins de la moitié, même s’ils bénéficient d’un traitement particulier qui leur permet de payer les mêmes droits que les étudiants français, sauf dans les grandes écoles.


En revanche, les jeunes Français ont pris d’assaut les universités québécoises, alors que les droits qui leur sont imposés ont été triplés par le gouvernement Couillard pour atteindre le niveau de ceux que doivent acquitter les étudiants provenant des autres provinces canadiennes. En 1982, on en recensait à peine 460. Il y en a maintenant 12 000, ce qui représente 40 % du contingent étranger.


 

 

On peut seulement se féliciter que M. Legault souhaite attirer plus d’immigrants français, même s’il projette une baisse générale de 20 % des seuils d’immigration.


Exiger la connaissance du français à l’entrée, comme le proposait le PQ, n’aurait sans doute pas permis au Québec d’accueillir un nombre suffisant d’immigrants, mais ne prendre en compte que les qualifications professionnelles, comme le préconisait la CAQ, rendrait la francisation encore plus problématique qu’elle l’est déjà. M. Legault semble l’avoir compris.


Il est vrai que les échanges commerciaux entre le Québec et la France demeurent très modestes compte tenu du cousinage dont ils se réclament. La géographie impose la prépondérance du voisin américain, mais il demeure étonnant que la France soit seulement notre troisième partenaire au sein de l’Union européenne, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.


M. Legault n’est cependant pas le premier à vouloir intensifier les relations économiques avec la France. Depuis des décennies, tous les premiers ministres qui s’y sont rendus ont repris le même refrain. Dès l’ouverture de la Délégation générale du Québec à Paris en 1961, cela faisait partie de son mandat.


Avec le retour au pouvoir des libéraux en 2003, la dimension politique de la relation France-Québec s’est estompée. Bons et loyaux Canadiens, Jean Charest et Philippe Couillard se faisaient néanmoins fort de donner une « nouvelle impulsion » aux échanges économiques.


En mars 2015, M. Couillard avait dirigé une délégation comprenant cinq ministres et une cinquantaine de chefs d’entreprises. En compagnie du ministre français de l’Économie, un certain Emmanuel Macron, il avait assisté à la signature de 17 contrats ou ententes entre des entreprises québécoises et françaises. Ces accords étaient passablement modestes, mais M. Legault ne rapporte pour le moment que de bonnes intentions.

 









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