Méfiez-vous, dit le proverbe, de l'eau qui dort. Dans le cas d'André Boisclair, on devrait plutôt se méfier des discours qui endorment.
Par ce qui pouvait être l'un des derniers beaux samedis de l'été, le chef péquiste et nouveau député de Pointe-aux-Trembles rencontrait une centaine de jeunes dans une classe de l'UQAM, dans le cadre de l'école d'été de l'Institut du nouveau monde - une des belles initiatives qui aient vu le jour ces dernières années et dont on parle trop peu souvent.
Avec un thème comme "Du chef à la politique", M. Boisclair avait carte blanche pour traiter du sujet de son choix. Il devait parler 20 minutes, il en a pris 40 pour décrire les valeurs qu'il veut défendre en politique. Un discours où les grands mots cachaient une désolante banalité. De quoi rappeler l'euphémisme de Jean-Pierre Charbonneau quand il parlait d'un "chef qui n'a pas encore donné sa pleine mesure".
En fait, le discours était si banal qu'au moins trois des participants ont pris le temps d'aller lui demander en quoi ses valeurs étaient différentes de celles de Jean Charest. Après tout, disait l'un d'eux, il n'y a personne qui est contre la démocratie, la responsabilité ou l'égalité des chances.
S'il n'y avait eu que ce discours, on aurait compris pourquoi les critiques se sont accumulées quant à la performance du nouveau chef péquiste ces derniers mois.
Mais il y avait une période des questions. Et, soudainement, c'est comme si on était en face d'un nouvel André Boisclair. Un politicien qui est capable de parler avec assurance de presque tous les sujets, du baby boom chez les autochtones du Nord québécois à la construction de terminaux méthaniers sur le St- Laurent. Avec nuance et sans chercher les applaudissements faciles.
On voyait, en particulier, qu'il a beaucoup appris de sa très longue tournée des régions du Québec, avant son élection dans Pointe-aux-Trembles, capable de parler du nombre d'emplois à combler dans le parc industriel de Rivière-du-Loup ou d'une usine qui applique un nouveau procédé de fabrication des radiateurs au Saguenay.
Au passage, on a aussi pu apprendre qu'il n'entendait pas réinstaurer l'article 45 du Code du travail, comme le demandent les centrales syndicales et que les partenariats privé-public ne lui font pas peur. Mais ce qu'on notait surtout, c'est qu'en réponse à des questions, André Boisclair n'était plus le même homme.
Ce pourrait être une simple question de style. Il y a bien des politiciens qui ont besoin qu'on leur pose des questions pour qu'ils se révèlent - et qu'ils s'éveillent.
Mais quelques remarques de M. Boisclair peuvent nous faire croire que ce serait plutôt parce qu'il croit qu'il n'a rien à gagner à être très spécifique avant le déclenchement de la campagne électorale - qu'il prévoit "à 60 %" pour la fin de l'automne.
Quelques fois pendant la rencontre, le chef péquiste a répété sa volonté de ne pas faire ce qu'il appelle "de la stratégie ouverte". À un moment donné, il a lancé "Stephen Harper n'a pas annoncé son programme trois mois avant son élection".
À une certaine époque, la mode était de présenter son programme plusieurs mois avant les élections. Mais la campagne remarquable de Stephen Harper l'hiver dernier semble avoir renversé la tendance. En tout cas, au PQ, on a pris des notes.
L'autre remarque de M. Boisclair qui nous donne une idée de ses plans des prochains mois, c'est quand il affirme que "le seul chef de l'opposition qui a tenté de faire comme s'il était déjà premier ministre, c'était Claude Ryan et ça n'a pas bien marché".
Avec son entrée à l'Assemblée nationale, il ne faut donc pas trop s'attendre à ce que le chef péquiste soit très spécifique sur son programme et qu'il se concentre plutôt sur la critique du gouvernement Charest.
Il ne faut pas s'attendre, non plus, à ce qu'il s'inquiète outre mesure de Québec solidaire, qu'à l'évidence, le chef péquiste ne considère plus comme un véritable danger pour lui. On n'avait qu'à l'entendre dire combien, au fond, il aime bien "Françoise et Amir" pour comprendre qu'ils ne sont plus sur son écran radar.
En fait, la seule chose qui semble être sur l'écran radar, c'est la prochaine campagne. M. Boisclair semble prêt à faire le pari que le seul temps qui compte vraiment commence au moment où le lieutenant-gouverneur signe le décret déclenchant une élection.
En attendant, il semble vouloir garder sa poudre au sec et ses idées pour lui. Quitte à ce qu'il faille lui poser des questions pour se rendre compte qu'il fait vraiment ses devoirs.
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com
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