Maxime Bernier devrait aller prendre un café avec Jean-Martin Aussant

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Bernier finira-t-il comme Aussant ?

Si Maxime Bernier voulait avoir une idée de ce que lui réserve l'avenir, il devrait inviter Jean-Martin Aussant à prendre un café. Ça ne risque pas vraiment d'arriver, parce que les deux hommes vivent sur des planètes politiques différentes, mais leurs expériences risquent fort de se ressembler.


En juin 2011, à un peu plus d’un an d’une élection, M. Aussant quitte le Parti québécois avec fracas parce que sa chef, Pauline Marois, refuse de s’engager formellement à tenir un référendum dans un premier mandat d’un gouvernement péquiste.


En août 2018, à un peu plus d’un an d’une élection, M. Bernier quitte le Parti conservateur parce que son chef ne veut pas intégrer ses idées libertariennes au programme de son parti.


L’histoire de M. Aussant est connue. Il devient député indépendant, puis forme son parti politique, Option nationale qui, aux élections de 2012 aura obtenu moins de 2 % des voix. Pourtant, M. Aussant détenait un bon filon. Il y avait un marché pour ses idées. Il y avait une partie du noyau dur des militants péquistes pour qui le refus de s’engager à tenir un référendum dès le premier mandat était sinon une trahison, au moins un irritant majeur.


De même, M. Bernier n’est pas le seul, au Parti conservateur, à avoir des idées bien arrêtées sur la politique économique ou sur l’immigration. Un courant libertarien au plan économique et un courant moins favorable à l’immigration ont toujours existé au sein du mouvement conservateur. Même s’ils ont dû accepter d’être un peu en sourdine depuis la fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne (autrefois le Parti réformiste) sous Stephen Harper.


Il y avait une base militante pour le parti de M. Aussant et il y en aura sans doute une pour le parti que veut lancer M. Bernier. Mais ce n’est pas suffisant.


Comme Jean-Martin Aussant l’a amèrement constaté, il ne suffit pas d’avoir des idées qui réjouissent certains militants – et tout le monde avait constaté, à l’époque, la ferveur des rassemblements d’Option nationale – pour qu’un nombre suffisant d’entre eux décident de quitter le navire amiral afin d’embarquer dans un nouveau bateau.


Au mieux, les militants d’Option nationale s’étaient fait dire qu’ils étaient « le levain dans la pâte » de la souveraineté, comme l’avait proclamé Jacques Parizeau, en mars 2013, en leur disant du même souffle qu’il resterait attaché au PQ « par toutes les fibres de mon corps ».


Comme quoi, il ne suffit pas de mener ce qui peut être vu comme un bon et nécessaire combat pour convaincre beaucoup de gens de laisser leur parti en vue de se lancer dans une nouvelle aventure.


Une affaire de « tirant d’eau »


Il ne suffit pas d’avoir les bonnes idées, il faut avoir un chef qui peut susciter une mobilisation immédiate. Ce n’est pas tant une question de programme, c’est bien plus une affaire de « tirant d’eau ». Or, quel est le véritable « tirant d’eau » de Maxime Bernier? Pourrait-il convaincre beaucoup de membres de ce Parti conservateur unifié de quitter le parti qui leur a donné le pouvoir pendant presque 10 des 15 dernières années?


On parle souvent des 49 % des voix qu’a reçues M. Bernier au 13e et dernier tour de scrutin de la course à la direction du PCC, l’an dernier. Toutefois, dans un scrutin préférentiel, une image plus réaliste de ses appuis devrait plutôt parler des moins de 29 % des voix recueillies au premier tour de scrutin.


On peut être d’accord avec les idées d’un nouveau parti, mais il en faut beaucoup plus que cela pour abandonner un parti politique établi et qui a prouvé qu’il peut prendre le pouvoir. Comme le PQ l’était pour M. Aussant, comme le PCC le serait pour M. Bernier.


Et c’est sans parler de l’organisation qu’il lui faudrait mettre sur pied en moins d’un an, tout comme M. Aussant à l’époque. M. Bernier pourrait aussi aller prendre un café avec Mario Dumont ou François Legault, qui pourraient aussi l’informer des difficultés de construire un nouveau parti.


Dans une entrevue qu’il m’a accordée à Midi info, M. Bernier a dit s’inspirer de la victoire d’Emmanuel Macron aux présidentielles françaises de l’an dernier. Cependant, dans notre régime parlementaire, il faut être présent dans 338 élections distinctes pour autant de sièges aux Communes. L’effort organisationnel n’a aucune commune mesure.


Jean-Martin Aussant est revenu au Parti québécois après avoir constaté que même si ses idées étaient aussi celles d’un nombre significatif de membres du PQ, ceux-ci n’allaient pas prendre le risque de gaspiller leur vote auprès d’un parti qui n’avait aucune chance de prendre le pouvoir. Et que le PQ restait, avec tous ses défauts, le meilleur véhicule de leurs idées.


M. Bernier n’ira sans doute pas prendre un café avec M. Aussant, mais il pourrait bien découvrir que l’avenir lui réserve une expérience assez similaire. Sauf que le député de Beauce aura brûlé ses ponts avec son ancien parti.