Les éclaircissements de Pauline Marois

un bilinguisme individuel qui devient généralisé et pratiquement imposé à tous comme un devoir, cela s’approche drôlement du bilinguisme collectif.

Tribune libre 2008


Il y a de ces mises au point qui choquent plus qu’elles ne convainquent.
La dernière mise au point de Pauline Marois sur la langue est de cette
eau.
Madame Marois prend un ton hautain pour dire que les critiques dont ses
récents propos ont été l’objet proviennent de gens qui n’ont rien compris.
Qui n’ont pas compris la distinction entre bilinguisme individuel et
bilinguisme étatique. Qui n’ont pas compris la valeur du bilinguisme
individuel.
Étant une de ces personnes, je peux dire à madame Marois que je tiens le
bilinguisme des personnes pour une valeur indéniable et que je n’aimerais
pas que les écoles du Québec n’enseignent pas l’anglais, et bien. Et je
suis persuadé que tous ceux et celles qui ont critiqué « la chef » ces
derniers temps sont du même avis. Nous sommes peut-être obtus mais quand
même!
Quant à la distinction entre les deux bilinguismes, elle est connue et
enregistrée de nous tous depuis des lustres. Ce qui ne nous empêche pas de
trouver inquiétants les propos de Pauline Marois. Car un bilinguisme
individuel qui devient généralisé et pratiquement imposé à tous comme un
devoir, cela s’approche drôlement du bilinguisme collectif. Et le
bilinguisme collectif fortement encouragé par l’élite et par les
institutions est nocif, sinon mortel, pour les minorités, comme l’ont
démontré maints exemples cités récemment.
Madame Marois s’est-elle donné la peine de lire et d’essayer de comprendre
ces articles et commentaires qui lui ont été consacrés et envoyés depuis
une semaine ou deux? J’en doute fort. Tout ce qu’elle dit, c’est qu’elle a
été mal comprise, comme si des milliers de personnes (généralement bien
informées, on peut le dire) se trompaient. Elle seule a le pas, la troupe
est dans l’erreur.
Il est vrai qu’elle a écrit que l’enseignement de l’histoire en anglais
était un « mauvais exemple ». Mais qu’est-ce que cela veut dire, « un
mauvais exemple »? Est-ce que cela veut dire que ce qu’elle pense elle
n’aurait pas dû le dire? Ou qu’elle a dit le contraire de sa pensée? Cela
reste ambigu. Pourquoi ne pas dire : « Je me suis trompé. Il n’est pas
question qu’on enseigne l’histoire en anglais à des francophones. »? Voilà
qui clarifierait les choses, au moins sur ce point.
Revenir à la charge pour promouvoir l’anglais intensif, ce n’est pas
vraiment répondre à des inquiétudes non plus. En quoi est-ce que cet
anglais intensif précoce va donner aux jeunes la fierté de leur langue, les
détourner de s’adonner de plus en plus à la chanson anglaise, de regarder
de plus en plus les chaînes américaines, d’aller de plus en plus vers le
cinéma américain? Tous des chemins qui ont mené à l’extinction du français
en Nouvelle-Angleterre et dans de grandes parties du Canada.
Et pourquoi s’obstine-t-elle à ne pas vouloir le CEGEP en français? Ce
serait pourtant une bonne façon de renforcer la place du français au
Québec, ce qu’elle dit vouloir faire. Non, la vraie mise au point est à
venir.
Claude Richard

Repentigny
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