Textre publiéè dans Le Devoir de mardi 9 novembre 2010 sous le titre "Qui a peur?"
J'ai participé comme ministre à deux référendums, ceux de 1980 et de 1995, et comme député à celui de Charlottetown. J'observe avec grand intérêt la direction que prend le Parti québécois en vue des prochaines élections. Et ce qui me frappe, c'est de constater à quel point les fédéralistes québécois sont inquiets: ils ont raison de l'être.
D'abord, c'est une excellente idée que de cesser de discuter de la date d'un éventuel référendum et de plutôt nous concentrer sur le fond des choses, sur le projet souverainiste lui-même et ses fondements. C'est ce que propose de faire le Parti québécois et que craignent et refusent ses adversaires.
Ensuite, puisque les deux premières démarches référendaires ont échoué, il me semble tout à fait normal d'aborder les choses sous un angle nouveau, comme veut le faire la nouvelle génération. L'équipe de députés du Parti québécois représente en effet un renouvellement rafraîchissant.
Pour sa part, avec sa longue expérience de l'État et de la politique, Pauline Marois dirige ce changement face à un chef et un parti miné par la gangrène que l'on sait. Je comprends que les adversaires de la souveraineté en soient dépités, eux qui espéraient si fortement que le Parti québécois soit celui d'une seule génération.
Le Bloc nous apprenait en mars dernier que près des deux tiers des Québécois croyaient encore possible que le Canada réponde aux aspirations du Québec. M. Duceppe nous répète que c'est là une illusion, que les Québécois n'ont plus le choix qu'entre deux options: le statu quo, synonyme de déclin pour le Québec, ou la souveraineté. Il a raison. Et les fédéralistes le savent très bien, eux qui ont tellement peur de confronter le Canada et de se tenir debout pour défendre les points de vue d'une grande majorité de Québécois.
C'est là que la démarche du Parti québécois prend tout son sens. Ce que je comprends, c'est qu'il propose que le Québec définisse lui-même ses besoins les plus fondamentaux - en matière de pouvoirs, d'identité, de langue, d'économie, de finances et de politique étrangère- sans égard à ce que le Canada se dit prêt à accepter ou non. Dit autrement, le Parti québécois veut mettre fin à l'immobilisme et au blocage fédéral. Cela contraste fortement à l'attitude du gouvernement Charest, qui abdique sur tous les dossiers face à Ottawa, parce qu'il a peur d'un refus.
Pour les souverainistes, le refus d'Ottawa n'est pas une option. Quand une grande majorité des Québécois se seront ralliés autour d'un certain nombre de propositions, le Canada aura à répondre, d'une façon ou d'une autre. Si la réponse du Canada demeure «non», alors les Québécois seront devant un choix très clair. C'est ce que redoutent les fédéralistes québécois qui se retrouveront alors incapables de faire miroiter un illusoire fédéralisme renouvelé.
Ce sera, pour reprendre l'expression de l'article 1 du projet de programme du Parti québécois, le «moment approprié» pour tenir un référendum sur la souveraineté.
Les libéraux accuseront le Parti québécois de vouloir fomenter des crises, mais c'est absurde. Comment pourrait-on accuser un gouvernement de fomenter une crise simplement parce qu'il tente de faire avancer le Québec? Et puis la crise, elle est là depuis 1982, quand le Québec s'est fait imposer une Constitution. Elle s'est manifestée en 1990 à la suite de l'échec de Meech, en 1992, avec le rejet de Charlottetown et en 1995, alors qu'une minime majorité s'est dégagée en faveur du «non» à la suite de manoeuvres dégoûtantes.
La crise a été provoquée par le Canada; le Québec la subit depuis bientôt 30 ans. La loi 101 a été démantibulée par la Cour suprême, le soi-disant pouvoir fédéral de dépenser a envahi toutes les compétences du Québec, notre poids politique diminue, tandis que les politiques économiques canadiennes nuisent au Québec, de toute évidence.
Tout le monde voit bien que s'il y avait des élections demain matin, un gouvernement du Parti québécois serait élu. Les fédéralistes ont peur, terriblement peur, parce qu'ils voient avec effarement venir le jour où les Québécois auront la chance de se donner un pays. Cette peur des fédéralistes va les pousser à faire tout et n'importe quoi pour déstabiliser le Parti québécois et sa chef.
À l'équipe de députés et à Pauline Marois, je dis: tenez bon. Gardez le cap. Et sachez que vous pouvez compter sur mon appui.
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Jacques Léonard
L'auteur a été ministre dans divers gouvernements du Parti québécois, président du Conseil du trésor et vice-président du Bloc québécois.
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