Les « raisins de la colère »*

2ef2c81748334f005e691b6bc3bde9c1

Pierre Céré ou faire le jeu de l'ennemi

Ainsi, Pierre Céré, candidat surprise dans la course à la chefferie du PQ, a cru nécessaire de mettre le monde en garde contre le caractère coléreux du meneur, Pierre-Karl Péladeau. Celui-ci serait un homme terriblement colérique. Au point où le « feu lui sort par la tête ». Rien de moins. L’histoire veut que M. Céré l’ait constaté le jour où PKP, en T…, l’aurait apostrophé en lui proposant de « l’acheter pour le faire taire »…
Pierre Céré a été à ce point convaincant dans sa description de la scène en ce lundi mémorable, que Simon Durivage en a fait un sujet de discussion au Club des ex, à RDI. Et avec un air catastrophé de circonstance, l’animateur a précisé à Rémi Trudel qui, avec un peu d’indulgence, décrivait PKP comme un homme reconnu pour son impétuosité: « Attention, là : impétueux, ce n’est pas colérique! »
Est-ce que M. Céré connaît intimement la colère ? Et les jurons à la québécoise ? S’il s’était fait comparer au trop ambitieux Citizen Kane, personnage du premier long métrage de Orson Welles,** « riche héritier, grand manitou des médias, homme éloquent, capable de tous les excès et de tous les paradoxes », convoitant la présidence des États-Unis… », est-ce qu’il n’aurait pas éprouvé et exprimé une naturelle colère avec, en Québécois, un « sacre » bien senti ? Surtout s’il s’était vu, du même coup, attribuer d’égoïstes intentions de « s’acheter un pays ». Non ? Alors, c’est que M. Céré est particulièrement vertueux. Ou plutôt, que sa colère à lui s’exprime sans doute par des voies détournées, comme celle qu’il prend en ce moment, et qui sont plus assassines souvent qu’une colère bien piquée.
On parle beaucoup de la propension à la colère de PKP depuis son entrée en politique. Ses opposant.es, dont Radio-Canada et La Presse en particulier, mettent beaucoup d’accent sur elle. Comme je l’écrivais dans une Lettre à son intention, s’il devient chef et que cette « tendance » s’avère indue, nous le mettrons dehors!…
Mais n’en faudrait-il pas, justement, une bonne dose de cette colère aux Québécois.es pour sortir de cette foutue – évitons le juron – fédération canadienne qui ne leur ressemble pas et ne les rassemble pas. Qui les divise plutôt, alors que certains reprochent, stratégiquement et vicieusement, au projet de souveraineté de le faire.
Amenez-en de la saine colère! Si un PKP impétueux, chef de parti et premier ministre ensuite, réussissait à inciter les Québécois.es à contacter cette colère qui devrait les habiter en toute légitimité, tant mieux! « « Je suis un chien qui ronge lo / En le rongeant je prend mon repos / Un tems viendra qui nest pas venu / Que je morderay qui maura mordu ».»
Elle est plutôt vindicative cette « légende » qu’on peut lire au fronton de l’ancien Hôtel des Postes de Québec. Même pas nécessaire de l’être à ce point. La juste colère permettant de prendre la clé de nos champs vaudra même mieux qu’une vengeance. Et, comme l’écrit Diane Gélinas dans sa dernière chronique, Le carcan fédéral, les écarts de conduite actuels de ces deux « paliers de gouvernement » fédéralisant, serviront peut-être aussi à la réveiller enfin de suffisante façon.
Quant à M. Céré, qu’il se centre plutôt sur les motifs communs de se mettre en colère et qu’il soit prudent dans les intentions qu’il impute publiquement à autrui. Le procédé le met pour l’instant en évidence mais il arrive que faire le jeu de l’adversaire réel par des lacunes de loyauté et de solidarité envers les siens ne soit pas une stratégie payante à long terme…
Nicole Hébert


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé