Une situation tend à devenir désormais structurelle au sein du bloc BAO (bloc américaniste-occidentaliste), qui est une situation de division et d’antagonisme. Il nous paraît vain de tenter d’identifier, selon les normes héritées de cet autre temps du leadership US où comptaient des notions de type servile comme l’“alignement” ou l’“isolement”, des positions spécifiques en fonction de cette soi-disant cohésion de puissance (derrière les USA) impliquant justement “alignement” et “isolement”. Cette époque de rangement des relations internationales à l’intérieur du bloc BAO est dépassée.
La question essentielle actuelle tourne autour de la position de l’Allemagne par rapport à l’action à entreprendre dans la crise de la Grèce et tout le reste qui lui est lié. Merkel est prise dans la tenaille habituelle des exigences de certains de ses partenaires extérieurs, et des exigences de son opinion intérieure relayée largement par une partie de la direction politique allemande. C’est bien entendu la situation centrale de puissance financière de l’Allemagne, qui en fait le principal acteur extérieur de la crise grecque, qui la met dans cette position où se manifestent des querelles et des pressions puissantes par rapport à elle. Mais il ne s'agit que d'une situation conjoncturelle, qui n'implique nullement une situation spécifique de rangement des relations.
• Il y a deux “fronts” principaux, le premier étant bien entendu européen. Le Guardian du 28 septembre 2011 consacre un article à cet aspect de la situation. On ne peut sans aucun doute parler de “front” stable, avec les acteurs bien identifiés d’un côté et de l’autre, ou l’Allemagne “isolée”, etc. C’est essentiellement une situation mouvante, instable, avec des variables en déplacement constant. La France, que le Guardian présente ici comme en opposition avec l’Allemagne pour des raisons conjoncturelles, cherche par ailleurs une unité d’action avec l’Allemagne (ce n’est ni la première ni la dernière fois).«German negotiators at loggerheads with their French counterparts over pledges to quadruple the eurozone's €440bn (£382bn) bailout fund ahead of a crucial vote in the Bundestag on Thursday that could decide the fate of the currency zone. Attempts by Berlin to write off up to 50% of Greek debts as part of a wider rescue package faced stiff opposition from France, which is concerned many of its banks would need to find extra funds to cope with the resulting losses.
»Wrangling over the need to expand the bailout came to the fore at a meeting of the International Monetary Fund in Washington last weekend. EU officials told the IMF plans were under way to increase the bailout fund to about €2tn and write of half of Greece's sovereign debts. But that pledge was reported to be at risk with France said to be in conflict with Germany, Finland and Slovenia.»Fears that the major EU countries will fail to agree an expanded package of measures to cope with a default by Greece, and possibly Italy and Spain, has undermined confidence in the eurozone and led to a collapse in bank shares. French banks have suffered huge falls since the summer when concerns first emerged that they would collapse under the weight of unpaid debts if Greece defaulted.
»In the last two days shares have rallied on hopes the IMF talks would lead to concrete agreement….»»However, conscious of animosity among the majority of German voters about helping the less prudent nation, Merkel attached strings to her support, calling on Greece to "do its homework" in implementing painful cuts and reforms. […]
»Tomorrow the Bundestag will vote on whether to increase the powers of the EFSF – the forerunner of the permanent rescue facility, the European Stability Mechanism, due to come into force in 2013. Three out of four Germans are against the move, which would raise the country's contributions to the pot from €123bn to €211bn. Some parliaments do not vote until the middle of next month and also face opposition from a sceptical public…»
• L’autre “front” est transatlantique. Il oppose principalement l’Allemagne et les USA, avec certains pays européens variant dans leurs positions selon leur propre position conjoncturelle vis-à-vis de l’Allemagne. De toutes les façons, on a pu voir, depuis la récente réunion des ministres des finances de l’UE de Varsovie à laquelle s’était “invité” le secrétaire US au trésor Geithner, qu’il règne une réelle tension, soit entre l’Europe et les USA à certains moments, soit entre l’Allemagne et les USA d’une façon générale. Les arguments sont connus, sinon évidents, avec deux zones (UE et USA) dans un état d’effondrement effrayant, et chacune exigeant de l’autre des efforts spécifique, mais à la convenance et pour les intérêts de soi-même, – cela, c’est surtout la méthode US, bien entendu. Ambrose Evans-Pritchard, du Dalily Telegraph, ce 27 septembre 2011, s’attache à cet aspect du désordre.«German finance minister Wolfgang Schauble said it would be a folly to boost the EU's bail-out machinery (EFSF) beyond its €440bn lending limit by deploying leverage to up to €2 trillion, perhaps by raising funds from the European Central Bank. “I don't understand how anyone in the European Commission can have such a stupid idea. The result would be to endanger the AAA sovereign debt ratings of other member states. It makes no sense,” he said.
»Mr Schauble told Washington to mind its own businesss after President Barack Obama rebuked EU leaders for failing to recapitalise banks and allowing the debt crisis to escalate to the point where it is –“scaring the world”. “It's always much easier to give advice to others than to decide for yourself. I am well prepared to give advice to the US government,” he said.
»The comments risk irritating the White House. US Treasury Secretary Tim Geithner has been a key driver of plans to give the EFSF enough firepower to shore up Italy and Spain, fearing a drift into “cascading default, bank runs and catastrophic risk” without dramatic action. The danger for Germany is that America will lose patience, with unpredictable consequences. The US Federal Reserve is currently propping up the European banking system in a variety of ways, including dollar swaps.»
En vérité, il nous semblerait extrêmement audacieux et finalement complètement infondé, sinon faussaire, de tirer des enseignements d’ordre politique et géopolitique de tous ces évènements. (Par “enseignements d’ordre politique et géopolitique”, nous entendons des raisonnements ou des perspectives de réalignement, de type européen ou transatlantique, à l’intérieur du bloc BAO, selon les références signalées plus haut d’“alignement” ou d’“isolation”, voire même d’alliances de circonstance hors des influences d’un leadership qui n’est plus exercé par personne, – particulièrement par les USA, qui ont définitivement abdiqué leur position de prédominance.) Ces divers reclassements, évolutions des uns par rapport aux autres, sont absolument circonstanciels, devant des évènements que personne ne contrôle, que les centaines de milliards d’euros ou de dollars valsant dans tous les azimuts ne contrôlent pas davantage. Il y a dans cette situation, pour notre compte, deux faits majeurs à signaler.
• D’une part, le désordre imposés par les événements (et non “le désordre des événements”). Les évènements vont dans un seul sens, qui est de montrer et de démontrer inlassablement que le Système est en crise terminale, que tous les actes et toutes les mesures prises en son nom et selon ses règles d’action sont faussaires et inefficaces. Le désordre qui en résulte, qui est effectivement le produit des évènements mais seulement d’un point de vue conjoncturel, dégage au contraire une leçon fondamentale qui est en elle-même le contraire du “désordre des événements”. Cette leçon est que le Système en place et tous les actes et mesures qu’il est conduit à prendre sont les seuls générateurs du désordre, même s’ils le sont par des canaux indirects. Les évènements imposent cette conclusion, et mettent ainsi en évidence le caractère catastrophique de la situation du Système. Le désordre est, dans ce cas, la démonstration ad absurdo que l’“ordre” arbitraire et faussaire imposé jusqu’ici par le Système est en vérité la source, non seulement de tous les maux, mais également de tous les désordres.
• Le second fait majeur est l’épuisement grandissant des directions politiques. Placées devant l’impasse fondamentale qu’impliquent le Système et ses divers blocages, et le désordre qui en résulte, les directions politiques sont soumises à des contraintes sans nombre et qui vont dans tous les sens. Elles se trouvent comme d’habitude prises dans la tenaille du dérèglement fondamental du Système avec ses exigences diverses dont l’effet général est le désordre qu’on a vu plus haut ; et, d’autre part, les exigences pressantes de leurs situations intérieures, cette fois aussi bien les opinions publiques que leurs bases politiques, voire une partie non négligeable de leurs directions politiques elles-mêmes. Ces deux forces sont directement antagonistes, puisque le Système est construit selon une logique absolument déstructurante et dissolvante de tout ce qui fait les identités et les légitimités existantes (qu’elles soient nationales, communautaires, régionales, etc., quand elles existent à ce niveau). Il résulte de cette situation un formidable épuisement psychologique des directions politiques actives, qui rend leurs actions de plus en plus erratiques, éventuellement conflictuelles sans qu’il y ait le moindre “plan” ou vues construites au delà du plus immédiat court terme. Les psychologies de ces directions politiques sont marquées par le désarroi, la perte des références stables, l’incompréhension et le repli sur une action retardataire du processus d’effondrement sans aucune autre perspective que la tentative de réaction au “coup par coup”. On doit envisager la probabilité que cet épuisement psychologique provoquera, à un moment ou l’autre, des réactions incontrôlées génératrices d’événements qui feraient soudainement accélérer le processus actuel d’effondrement.
L’ensemble de cette situation acte la poursuite très rapide de l’effondrement du Système. La concentration du désordre et de l’épuisement des directions politiques dans les pays et les zones du bloc BAO confirme effectivement, à côté des considérations financières et autres, la chute du Système en tant que tel puisque le bloc BAO en est à la fois le moteur et le promoteur essentiels. Nous ne voyons en aucune façon que les autres puissances et zones diverses extérieures au bloc BAO puissent se substituer à ce bloc pour reprendre le Système à leur compte, selon un schéma classique de transfert, notamment géopolitique, de puissance. Simplement, ces puissances et ces zones extérieures sont logiquement en marge de la catastrophe mais elles ne pourront en aucun cas l’empêcher, notamment par une réforme d’un Système dont la caractéristique fondamentale est d’être absolument irréformable, – vu son hermétisme d’une part, son emprisonnement dans ses dynamiques de surpuissance et d’autodestruction d’autre part.
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