(Québec) Le Parti québécois accuse le gouvernement Couillard et son ministre des Transports, Laurent Lessard, de faire preuve d'une complaisance insupportable envers Uber.
Le chef péquiste Jean-François Lisée a fait état lundi matin d'un bilan déplorable de la multinationale en termes de conformité, ce qui justifierait de mettre fin au projet pilote immédiatement.
Les données du Bureau du taxi de Montreal (BTM) montrent que 41 % des 473 chauffeurs contrôlés n'étaient pas conformes, alors que tout près de 200 constats ont été émis.
«Uber, de façon régulière et constante, est en infraction de son projet pilote. Qu'a fait le ministre Lessard - qui est parfaitement au courant de cette situation - là-dessus? Rien du tout. (...) Il n'y a aucune conséquence», s'est indigné le chef péquiste en conférence de presse alors qu'il était entouré de représentants de l'industrie du taxi.
La grande majorité des constats relèvent d'infractions mineures, soit que les chauffeurs n'affichaient pas leur affiliation avec Uber ou qu'ils n'avaient pas avec eux le rapport de vérification mécanique obligatoire.
D'autres infractions sont toutefois plus inquiétantes, notamment le fait que certains chauffeurs avaient omis de déclarer leurs antécédents judiciaires, que d'autres ont entravé le travail des inspecteurs du BTM ou que leur véhicule était âgé de plus de 10 ans, qui est la limite permise par le projet pilote.
L'entente conclue par Québec en septembre dernier avec Uber prévoit la fin des activités de cette dernière au Québec sans préavis en cas de non-conformité, mais un porte-parole du bureau du ministre Lessard a affirmé à La Presse canadienne qu'on n'envisage aucunement cette possibilité pour l'instant.
«L'enjeu n'était pas de savoir à la seconde qu'un partenaire d'Uber allait se retrouver en faute ou allait être intercepté pour la vignette qui n'est pas présente ou ne pas avoir son certificat d'inspection mécanique sur lui», a expliqué Mathieu Gaudreault, attaché de presse du ministre.
«On s'assure qu'à chaque semaine, Uber nous envoie de l'information sur son nombre de courses, qu'il nous signe ses chèques de redevances et qu'il mette en place les mécanismes. Sa liste de chauffeurs partenaires doit être à jour également», a-t-il ajouté.
«Ils (Uber) se plient à l'esprit de l'entente à chaque fois qu'on leur parle. Il y a des infractions comme il y en a sur le réseau routier à chaque jour», a aussi fait valoir M. Gaudreault.
Questionné sur la perception qu'a le ministère de la gravité d'infractions comme le fait de ne pas rapporter des antécédents judiciaires ou d'entraver le travail des inspecteurs, M. Gaudreault s'est contenté de répondre: «nous sommes en lien avec l'entreprise à ce sujet-là».
Outre les chauffeurs, Uber elle-même s'est trouvée en violation de l'entente lorsque ses tarifs ont été gonflés lors de la tempête de verglas du 24 janvier.
«Une fois que ç'a été signalé, ils sont revenus à 1,5 (fois le prix régulier) comme c'est stipulé dans l'entente», a répondu à ce sujet le porte-parole du ministre Lessard.
Lorsqu'interrogé sur la limite de la tolérance du ministre face aux infractions d'Uber, M. Gaudreault a simplement répondu: «ce n'est pas quelque chose de qualitatif», mais il a donné l'assurance que toutes ces questions seront revues lors du post-mortem du projet pilote.
Pour sa part, le porte-parole d'Uber Québec, Jean Christophe de le Rue, a répliqué aux reproches du PQ et des représentants de l'industrie par courriel, indiquant que «le gouvernement a mis en place une réglementation complexe et contraignante que Uber et tous les partenaires-chauffeurs doivent suivre à la lettre».
«La très vaste majorité de nos partenaires-chauffeurs la respectent et seule une infime minorité doit faire face à de potentielles amendes de non-conformité déterminées par le projet pilote réglementant Uber au Québec», soutient M. de le Rue.
Effondrement de la valeur du permis
Par ailleurs, l'industrie du taxi exige des compensations immédiates pour les propriétaires de taxi, dont la valeur des permis s'est effondrée.
Ceux-ci, qui se transigeaient aux environs de 200 000 $ à Montréal avant l'arrivée d'Uber, se retrouvent désormais sur le marché à des prix avoisinants les 100 000 $.
«Pour eux, c'est l'investissement d'une vie, c'est le fonds de retraite. (...) C'est leur gagne-pain qui est en train d'être détruit par une entreprise délinquante, Uber, couverte par le gouvernement Couillard», a laissé tomber M. Lisée.
«Cela équivaut à une perte de 200 millions $ en quelques mois», a pour sa part soutenu le président du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi (CPCDIT), Georges Tannous.
«Le gouvernement du Québec doit nous compenser rapidement pour cette perte ou mettre un terme à ce projet pilote», a-t-il ajouté.
La situation est telle, selon lui, qu'elle déborde dans le secteur financier, avec un effet domino chez ses membres.
«Un des deux seuls prêteurs de l'industrie du taxi est en train carrément de se retirer de ce secteur économique», a soutenu M. Tannous.
«Sans prêteur pour financer l'achat d'un permis de propriétaire de taxi, les travailleurs ne pourront rien en faire. Ils ne pourront plus le vendre et ils auront même du mal à changer de véhicule puisque le permis lui-même ne sera plus une garantie jugée suffisante», a-t-il dit.
Sur la question de la compensation, toutefois, le porte-parole du ministre affirme qu'il est encore beaucoup trop tôt pour s'avancer.
«L'impact du projet pilote sur la valeur des permis mais également l'impact du projet pilote sur la qualité de vie des chauffeurs opérants, c'est quelque chose auquel on est sensible et le Comité de modernisation de l'industrie du taxi va se pencher là-dessus et va nous faire des recommandations et nous sommes ouverts à tous les scénarios», a indiqué M. Gaudreault.
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