Maintenant que l’on sait que la gardienne des droits et libertés au Québec juge la loi 78 non conforme à la Charte, c’est dans l’effronterie qu’il faudra puiser pour l’appliquer sans qu’un tribunal ait véritablement tranché sur son bien-fondé.
C'est une sentence morale, sans plus, mais elle est d’une lourdeur inhabituelle. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l’expertise du gouvernement en matière de droits et libertés, a vérifié la conformité de la loi spéciale 78 (devenue loi12) aux libertés fondamentales. Son verdict est sans appel : pour l’objectif de retour en classe visé par la législation, non seulement les moyens utilisés sont disproportionnés, mais ils ne respectent pas les chartes.
Rien n’oblige le gouvernement Charest à suivre les bons conseils de cet organisme indépendant - ah ! l’indépendance ! une vertu très chère par les temps qui courent. C’est en effet devant un tribunal, où la loi est contestée, que la joute se conclura par un verdict en bonne et due forme, sans couleur morale. Mais tout cela ne se fera pas avant l’année prochaine. D’ici là, les cours reprendront. Une élection sera déclenchée.
Dans l’attente d’un jugement, il serait insupportable et odieux qu’un gouvernement, en contravention totale avec l’avis de la Commission, applique la loi 12 comme si elle ne portait pas les vices dont on l’accuse, de bafouer les libertés de conscience, d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association garanties par la Charte.
Dès le moment où tomba la loi spéciale reportant à la mi-août la fin d’une session perturbée par un mouvement de grève sans précédent, les dénonciations de son caractère abusif fusèrent de partout. Hormis la Coalition avenir Québec, qui se voit bien embêtée maintenant de promettre les « ajustements » qui s’imposeront, cette loi fut vilipendée.
Les casseroles avaient claironné le rejet d’une telle législation, leur chant s’étant élevé précisément en réaction à une loi matraque démesurée pour l’objectif visé. La Commission, qui avait confié au moment de la publication du projet de loi une impression malsaine, confirme l’inacceptable usage de l’arbitraire à l’aide d’une analyse étayée. Le sentiment populaire, accueilli par le gouvernement avec une froide indifférence, était valide.
La loi 12, que le premier ministre Charest, jeudi encore, associait purement et simplement à une manière de protéger le « droit à l’éducation », utilise l’artillerie lourde là où il n’y a nul besoin de le faire. Ses sanctions sont trop sévères. Son caractère imprécis élargit la portée de son action, ce qui est contraire aux prétentions d’une loi, de laquelle on exige la clarté afin d’être en mesure de bien s’y conformer.
Elle a fait couler bien de l’encre, cette loi détestable, mais, à ce jour, elle n’a encore jamais été appliquée. Signe de l’hésitation du législateur devant sa propre loi ? Stratégie utilisée pour avoir un effet percutant plus tard ? Espérons que nous n’aurons jamais à vérifier la réponse. Laissons les tribunaux juger de sa conformité, dont les apparences sont douteuses, et, en attendant, qu’elle demeure une coquille vide.
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